Les voyageurs d'affaires recourent désormais régulièrement aux compagnies aériennes low cost. Vont-ils aussi loger chez l'habitant en usant de plateformes comme Airbnb? Les avis divergeaient lors d'un atelier consacré à ce sujet au salon du tourisme Top Resa.

Jordy Staelen, directeur de l'agence de voyages d'affaires 3mundi, y croit. «Nous avons lancé fin août une phase de test avec des logements proposés sur le site Airbnb. Nous avons déjà organisé pas loin d'une centaine de nuitées et les commentaires des clients sont très bons», explique-t-il.

Selon lui, «en pleine Fashion Week à Paris ou pendant le Salon du Bourget, quand les hôtels parisiens sont pleins ou les chambres restantes hors de prix, ces logements privés peuvent être une solution, que l'on voyage seul ou à plusieurs».

Une nuitée chez un loueur privé coûterait en moyenne deux fois moins cher que l'hôtel et 20 à 30% de moins qu'une résidence hôtelière, selon les professionnels du secteur.

«Loger à plusieurs dans un appartement introduit aussi une dimension de convivialité», estime M. Staelen.

«la porte ouverte à tout et n'importe quoi»

Mais pour Corinne Gaborieau, responsable Achats d'un groupe du CAC 40, le système pose problème. «Avec 20 000 collaborateurs dans le monde, notre entreprise a besoin de savoir où sont les gens. Laisser nos voyageurs dormir chez des inconnus, c'est la porte ouverte à tout et n'importe quoi», dit-elle. Par ailleurs, «dans un hôtel, il y a un coffre-fort où l'on peut laisser un ordinateur qui comprend des données sensibles, pas chez l'habitant, où d'ailleurs on ne sait qui a un double des clefs... Et il nous faut des factures claires pour notre comptabilité».

Selon Renaud Burghoffer, consultant achats chez AKUIT Consulting, «le modèle du logement chez l'habitant est encore insuffisamment structuré pour les voyageurs d'affaires. Mais l'idée peut mûrir».

Le site Airbnb, qui met en relation hébergeurs particuliers et voyageurs, assure pourtant que les professionnels ont déjà recours à lui. Selon le directeur France, Nicolas Ferrary, «les voyages professionnels représentent un cinquième des réservations». Airbnb est d'ailleurs né aux États-Unis en 2008 à l'occasion d'une convention sur le design comme alternative alors que les hôtels affichaient complet, rappelle M. Ferrary.

La responsable voyage d'un grand groupe industriel raconte sa surprise d'avoir appris qu'un directeur de l'entreprise «habitué à descendre dans les hôtels Accor» prône et pratique lui aussi les hébergements chez l'habitant pour certains déplacements professionnels. «Il s'organise tout seul, il réserve directement chez les gens!», confie-t-elle amusée. Elle y voit aussi une volonté de «remettre de l'humain» dans le voyage d'affaires.

Beaucoup de participants à l'atelier sont sceptiques. Certains croient au potentiel à condition que si le gestionnaire de voyages de l'entreprise assure l'interface et notamment le paiement entre le loueur et le voyageur d'affaires.

La discussion en rappelle d'autres... Qui aurait parié il y a quelques années que les compagnies aériennes low cost s'imposeraient si vite auprès des voyageurs d'affaires?

Selon une étude de Mondial Assistance/Déplacements Pros publiée au salon Top Resa, 52% des voyageurs d'affaires interrogés, issus d'entreprises de toutes tailles, indiquent avoir voyagé au moins une fois en low cost au premier semestre 2013, et 31% entre deux et quatre fois. Seuls 17% n'ont pas voyagé en low cost. «En cinq ans, la confiance dans les compagnies à bas pris a été doublée», note l'étude.

Chez EasyJet, 22% des 13 millions de passagers de l'an dernier en France étaient des voyageurs d'affaires, une proportion en hausse constante. «C'est même 40 à 50% de la clientèle sur les lignes Paris-Toulouse ou Paris-Nice», relève Thomas Busser, responsable des ventes France d'EasyJet. «De plus en plus de voyageurs se déplacent pour le moins cher possible. Pourquoi pas dormir chez l'habitant?», dit-il.

Le train low cost Ouigo lancé début 2013 sur une ligne Marne-la-Vallée/Lyon n'a lui pas encore de clients d'affaires, selon la SNCF. «Les billets Ouigo n'offrent pas de flexibilité et le processus d'échange est compliqué pour un voyageur d'affaires», souligne Valérie Assayag, directrice des ventes Agtences de voyage et Entreprises.