Pour ceux qui peinent à trancher le cruel dilemme entre une petite randonnée dans les Pyrénées françaises et une balade sur ses versants espagnols, il existe une magnifique possibilité permettant de ménager la chèvre et le chou. Et si l’on parle de chou, c’est justement parce que cela se dit « col » dans la langue de Cervantès, et que notre trajet du jour transite par les cols de Bessata et du Somport, pour un jeu d’équilibriste le long de la frontière franco-espagnole.

Véritable oasis maillée de silence, de verdure et de pics majestueux, nichée à l’extrémité sud de la vallée d’Aspe qui débouche sur l’Espagne, cette zone perchée à quelque 1600 mètres d’altitude a vu passer nombre de curieux visiteurs au fil des siècles. Tous plus vaillants les uns que les autres, par ailleurs, depuis les pèlerins usant leurs semelles sur ce tracé épousant l’une des voies de Compostelle jusqu’aux cyclistes du Tour de France, sans oublier, une fois la neige venue, les fondeurs épris de ce petit plateau accueillant.

  • Cette randonnée facile permet de profiter pleinement des Pyrénées.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Cette randonnée facile permet de profiter pleinement des Pyrénées.

  • Les pics enneigés d’Espagne vous tendent les bras.

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    Les pics enneigés d’Espagne vous tendent les bras.

  • Suivez la flèche blanche ! Sinon, des déambulations imprévues seront au rendez-vous, comme ici, où nous coupons à travers la bruyère pour retrouver le chemin.

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    Suivez la flèche blanche ! Sinon, des déambulations imprévues seront au rendez-vous, comme ici, où nous coupons à travers la bruyère pour retrouver le chemin.

  • Une petite pause près d’une borne qui marque la frontière

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    Une petite pause près d’une borne qui marque la frontière

  • La verdure éclatante forme un décor ravissant.

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    La verdure éclatante forme un décor ravissant.

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Bien balisé

C’est justement au pied de la station de ski du Somport que les sentiers hivernaux se sont transformés en chemins de randonnée, fournissant des balises très pratiques pour s’orienter. On avance ainsi sur des tracés bordés de pins, de chênes et de bouleaux, auxquels succèdent des espaces dégagés parsemés d’une herbe au vert si appétissant que l’on comprend sans peine pourquoi les troupeaux de moutons locaux s’en font un régal.

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De nombreuses vues panoramiques se succèdent.

Ces zones de verdure abritent aussi l’un des trésors des Pyrénées, une flore abondante et colorée – les aventuriers chevronnés écraseront sans doute une petite larme de nostalgie en frôlant d’éclatants rhododendrons, fleur nationale du Népal, qui a trouvé ailleurs que dans l’Himalaya montagne à son pied.

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En saison, rhododendrons et autres plantes ravissantes croiseront votre chemin.

Les sentiers sont larges, faciles, plats ou en pente douce : parfait pour détourner le regard de ses chaussures de randonnée afin de le fixer au loin, sur les charmants panoramas se dessinant en toile de fond. Et idéal pour mes parents, qui fricotent avec la soixante-dizaine, mais toujours en grande forme, gambadant comme des cabris en cavale.

Au détour d’un virage, c’est soudainement une véritable muraille aux airs infranchissables qui se dresse devant nos yeux. Imprenable Espagne !

Et pourtant, quelques dizaines de mètres plus loin, en contrôlant de peine et de misère notre position par GPS (les barres de connexion connaissant un coup de barre en ces aires reculées), il s’avère que nos pieds gauches marchent en France, tandis que « nuestros pies derechos caminan en España ».

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Une des murailles pyrénéennes formant une frontière naturelle entre la France et l’Espagne

Question : si vous croisiez un haut rocher où une énorme flèche peinte en blanc pointe vers la gauche, que feriez-vous ? Suivez-la et vous bouclerez la balade en deux bonnes heures, comme prévu initialement. Jouez les fins finauds en vous fiant à l’intuition que « ça semble plutôt être à droite », et vous allongerez le programme d’au moins une heure, sinon deux, en y ajoutant des traversées d’herbes folles et de montées épuisantes ponctuées de « mer**, mais il est où, le sentier ? », avec la complicité d’un GPS maintenant totalement déconnecté et encore plus perdu que vous.

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Gare à ceux qui s’écartent du chemin, des détours imprévus pourraient s’imposer.

Descente et curiosité

Bref, après quelques détours imprévus et un retour sur le sentier balisé, on gravit le col de Bessata, pour en atteindre le pic, à plus de 1700 mètres d’altitude – le dénivelé reste ainsi plutôt docile, mais une petite pause à l’ombre de l’une des bornes de pierre qui ponctuent la frontière reste la bienvenue. Qui plus est, elles constituent également un excellent abri antiéolien, puisque le vent se met de la partie dans ce couloir montagneux exposé.

L’heure de la redescente finit par sonner, et c’est de nouveau à travers buissons et forêts que le chemin serpente, jusqu’à rejoindre notre point de départ, en passant devant une dernière curiosité, à savoir une chapelle blanche de forme ovale, surmontée d’une croix rouge. Le Québec regorge certes de bâtiments confessionnels de toutes natures, mais force est d’avouer que la situation de celui-ci lui confère un aspect quelque peu... gréco-martien.

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Cette drôle de chapelle marque la fin de la randonnée.

On aura compris qu’il s’agit bien du lieu idéal pour tricoter entre les frontières, voire les gommer à coups de souliers. Car lorsqu’on déambule dans ces lieux haut perchés, ce n’est un visa ni pour la France ni pour l’Espagne, mais bien un passeport pour le pays des Pyrénées.

Note : cette randonnée a été effectuée en suivant l’itinéraire proposé dans le guide Les sentiers d’Émilie dans le Béarn.

Pyrénées pratiques

Point de départ et d’arrivée : station de ski nordique du Somport, par la route N134 (une heure et demie de trajet à partir de la ville de Pau). On trouve des stationnements à proximité.

Durée : deux bonnes heures... si on fait confiance à la flèche blanche.

Dénivelé : 140 mètres, sentiers faciles

Saison : de mai à octobre