(Landmannalaugar) Dix ans après une tentative ratée, l’heure était enfin venue de prendre ma revanche sur le Laugavegur, l’un des treks réputés parmi les plus époustouflants au monde. Mis K.-O. dès le premier round par une météo épouvantable et une série de mésaventures à l’époque, je m’étais juré de revenir mieux préparé pour arpenter jusqu’au bout ce mythique sentier islandais. Récit.
Au cours de cette première incursion, j’avais rapidement découvert que l’île mystérieuse, aujourd’hui si prisée, a tout d’une diva capricieuse. De ces terres tantôt tranquilles, tantôt hostiles, j’avais rapporté une pléthore de souvenirs impérissables : clichés de paysages sidérants, amitiés de randonneurs... et acouphènes chroniques. Mais malgré la claque météorologique et les pépins logistiques qui m’avaient fait rebrousser chemin, je m’étais fait la promesse de retenter ce trek de quatre jours qui, par temps clément, reste très accessible.
Ainsi, une décennie plus tard, le même autobus tout-terrain m’a déposé au départ du sentier, au campement de Landmannalaugar. Quelque chose y a changé, cependant : ce dernier s’est visiblement étendu et grouille comme une fourmilière. Un des symptômes du surtourisme des dernières années...
JOUR 1 : Monts et vermeil
Cette fois-ci, c’est un soleil radieux qui sonne le départ de ce parcours jusqu’à Þórsmörk, à 54 km au sud. Sa lumière infatigable (au début de juillet, le soleil ne se couche jamais) me révèle le vrai visage des massifs volcaniques émoussés, aux teintes tanguant entre le vert, le vermeil et l’orangé. Sans tarder, on entre dans le vif du sujet, soit des ascensions plutôt raides récompensées par des panoramas spectaculaires ponctués de fumerolles. Avec un sac à dos débordant de nourriture et d’équipement, la transpiration se glisse rapidement dans l’équation.
L’Islande, une autre planète ? Non, plus encore : un chapelet de mondes, que le Laugavegur traverse tour à tour. À l’approche du deuxième camp, on quitte ainsi des versants au turquoise irréel pour gagner des névés, semblables à des coulis de skyr – le fameux yogourt local. Depuis le refuge, la vue grandiose sur le cirque montagneux ferait presque oublier les nuits qui, bien qu’ensoleillées, restent ventées et glaciales (avec des températures parfois proches du point de congélation).
JOUR 2 : Vallées verdoyantes
Les rivières d’eau bouillante bordées de végétation vert fluo rythment le début du deuxième tronçon. Ça monte ; du sommet, on admire l’infinie beauté des monts ocre bravés la veille. Encore une ascension : sans crier gare, surgit un décor digne de Lord of the Rings, avec vallées verdoyantes et cours d’eau tentaculaires. Quelle claque ! Nos pupilles jubilent, les appareils photo crépitent. La redescente, déjà rendue périlleuse par l’adhérence médiocre du sentier et notre chargement, s’en trouve d’autant plus délicate que notre regard reste rivé sur l’horizon. Mais la traversée des plaines menant au camp permet de finir en douceur et de se rafraîchir les orteils dans le glacial lac Àlftavatn (signifiant littéralement : mi-chemin).
JOUR 3 : Mordre la poussière dans le Mordor
Adieu soleil, bonjour la brume. Le retour de la poisse météorologique ? Non, bien au contraire, car cette grisaille sied parfaitement à cette troisième étape, un désert de sable noir aux airs post-apocalyptiques. Ici, hormis un vaillant tapis de fleurs blanches, la végétation a déclaré forfait. Aucun doute, nous venons de franchir les portes du Mordor (contrée maudite du monde de Tolkien), là où le vent fouette les imprudents et soulève de menaçantes tempêtes sablonneuses. Pour dîner, les randonneurs se réfugient tant bien que mal derrière les rares formations rocheuses. Une pincée de sable sur vos macaronis ? Vous voilà servis. En dessert : les silhouettes des premiers glaciers qui, au loin, se profilent.
JOUR 4 : Cimes sciées et glaciers
Un temps mi-figue, mi-raisin pour la dernière ligne droite, mais surtout une chance inouïe : sur quatre jours, pas une seule goutte de pluie, des conditions inespérées pour l’Islande ! La végétation renaît et les glaciers grossissent à vue d’œil ; à moins que ce ne soit les marcheurs qui rapetissent ? Encore une fois, le Laugavegur nous joue des tours, avec des cimes aux découpes improbables s’enracinant dans des champs de fleurs rouges, mauves et jaunes.
Une fois le but atteint, l’évidence paraît plus énorme que les glaciers au pied desquels l’aventure se termine : revenir parachever ce périple, après tout pas si méchant, fut une brillante idée, puisque la diva islandaise, jadis d’humeur ténébreuse, s’est montrée cette fois-ci sous son jour le plus éblouissant.
De toutes les Islande possibles, c’est celle que je vous souhaite de rencontrer.
À savoir
Pour qui ? Le trek n’est pas très exigeant pour un marcheur en forme, mais la météo peut corser le tout. Compter quatre jours, peut-être moins pour un randonneur aguerri. En option, on peut passer entre les glaciers jusqu’à Skógar, avec un ou deux jours de plus.
Quand ? De la mi-juin à la mi-septembre seulement. Accès gratuit. L’accès au trek n’a jamais été fermé pendant la pandémie, et l’Islande a suspendu toutes les restrictions aux voyages vers et en Islande.
Consultez le site Info-COVID en Islande (en anglais)Transport : des autobus assurent la liaison entre Reykjavik et le départ ou l’arrivée du trek. On conseille le forfait aller-retour Hiking Pass de Reykjavik Excursions (14 600 isk, soit 150 $).
Nourriture : aucun ravitaillement en route. Prévoir des repas lyophilisés. Les refuges sont équipés de cuisines, non accessibles aux campeurs. Eau courante pour tous dans les campements.
Où loger ? Deux options : la tente ou les refuges. Camping sauvage interdit. Prix : 2500 isk (26 $) par personne pour une tente aux abords des campements (prévoir une tente solide), environ 10 200 isk (105 $) par personne pour un lit-dortoir en refuge chauffé (matelas seulement, apportez votre sac de couchage) avec accès aux cuisines équipées. Pour les refuges, des réservations plusieurs mois en avance sont impératives.
Consultez le site de Trails Laugavegur (en anglais)