Inadaptables à la vie moderne à laquelle les habitants de Haute-Alsace aspiraient, ils étaient voués à la destruction et à l'oubli. Au lieu de cela, 72 maisons et bâtiments anciens, de la ferme à la gare en passant par l'atelier du tonnelier, le moulin, l'école et la maison du vigneron ont repris vie à l'Écomusée d'Alsace. À la fois village et musée à ciel ouvert, il offre une vision de ce qu'était l'Alsace d'antan.

Poutre par poutre, aux quatre coins de l'Alsace, dans des dizaines de villages souvent peu connus, ces bâtiments ont été démontés, puis remontés à Ungersheim, à quelque 18 km de Mulhouse. Ici et là, dans les maisons, forgerons et potiers oeuvrant de façon traditionnelle animent le décor en compagnie d'enfants habillés à l'ancienne venus eux aussi, le temps d'un séjour, se familiariser avec les métiers d'antan.

 

Si le concept ressemble en tous points au Village acadien ou encore plus près de nous, au Village d'antan, à Drummondville, la vision offerte au visiteur, elle, est bien différente. Les maisons à colombages si typiques de l'Alsace et de toute la vallée rhénane suffisent à nous dépayser, mais l'histoire qu'elles nous racontent est elle aussi bien différente. Ainsi, on nous rappelle que dans la salle de classe de Blotzheim, reconstruite pièce par pièce sur le site de l'Écomusée, les jeunes qui y ont défilé ont vécu cinq changements de langue en un siècle. Du français à l'allemand, et puis on recommence encore et encore au gré des guerres et des victoires. Les maîtres avaient alors non seulement la tâche d'inculquer les notions académiques à leurs écoliers mais surtout le nouveau patriotisme en vigueur.

Plus ludiques, des manèges de collection, stationnés à deux pas de la gare, nous rappellent l'art forain. À lui seul, le Carrousel, peuplé de chevaux et de cochons prêts à être enfourchés, vaut le coup d'oeil. Dans la même enceinte, on ne peut réprimer un sourire en passant devant cet étrange avertissement sur une pancarte de l'époque: «Défense absolue de ramasser des confettis et de les introduire dans la bouche d'autrui.»

Les cigognes

Mais plus encore que les maisons ou que l'histoire de cette Alsace paysanne, le dépaysement nous vient de tous ces couples de cigognes, installés avec leurs petits dans ces nids gigantesques qui chapeautent la plupart des édifices. Sans doute consciente de son statut d'emblème alsacien, l'une d'elles se promenait même sur le sentier, fière, altière, quasi indifférente au passage des visiteurs.

En fait, les visiteurs étrangers à l'Écomusée d'Alsace sont faciles à reconnaître. Ce sont ceux qui, durant de longues minutes, restent indifférents à l'architecture qui les entoure et gardent le regard fixé sur le ciel et sur ces nids géants et leurs occupants. Ce sont ceux qui, contrairement aux Alsaciens, voient bien rarement des cigognes.

À cause des lignes à haute tension, des pesticides et de la chasse qui les décime dans les pays d'Afrique où elles migrent annuellement, les cigognes risquaient de disparaître d'Alsace. Un programme de réintroduction a donc été mis sur pied. On a installé sur les toits des bases pour les inviter à y installer leur nid. Pendant trois ans, on garde les cigogneaux en volière pour leur faire perdre l'instinct de migration. Le programme a donné d'excellents résultats jusqu'à maintenant et souvent les cigognes migratrices viennent rejoindre sur les toits leurs consoeurs devenues sédentaires.