Il est onze heures moins le quart un samedi soir d'été à Ortaköy, le quartier des artistes d'Istanbul érigé au bord de l'eau et niché sous le pont scintillant du Bosphore qui change de couleur à toutes les minutes. La terrasse du House Café, une chaîne de bistrots épicuriens, est bondée de jeunes qui mangent et discutent bruyamment au son d'une musique techno.

Subitement, au milieu de cette scène qui pourrait se dérouler dans n'importe quelle capitale occidentale, retentit le chant du muezzin qui lance l'appel à la prière depuis la petite mosquée d'Ortaköy, à quelques mètres de là. La direction du House Café baisse discrètement la musique mais les clients eux, continuent de rire, de discuter, de boire et de fumer.

 

Puis au moment où la voix lancinante du muezzin s'éteint, celle haut perchée de Michael Jackson explose dans les haut-parleurs, rappelant que si la société stambouliote s'est détournée de son passé ottoman, c'était pour mieux embrasser l'Occident.

Bienvenue à Istanbul, ville de contrastes, de contradictions, «salmigondis de 10 millions d'âmes» comme l'écrit si bien Elif Shafak dans La bâtarde d'Istanbul. Depuis la parution du livre, en 2007, au moins trois millions de nouvelles âmes se sont jointes à cette ancienne Byzance, devenue Constantinople, puis Istanbul. Treize millions d'hommes et de femmes qui se pressent dans les tramways ultra modernes, sautent dans les ferries ou s'engouffrent dans les taxis jaunes qui foncent dans les rues comme des abeilles frénétiques.

Littéralement à cheval entre deux continents avec un centre-ville en Europe et une banlieue en Asie, entourée des eaux de la mer Noire et de la mer de Marmara qui se mêlent aux flots argentés du Bosphore, cernée de sept collines, Istanbul est un pur enchantement pour l'oeil. Si Montréal est la ville des cent clochers, alors Istanbul est la ville des mille mosquées. Certaines, comme l'émouvante Sainte-Sophie, datent de plus de 1500 ans et d'autres, comme la mosquée neuve, d'à peine 600 ans.

En parcourant ses quartiers bigarrés, où les anciens palais des sultans rivalisent de splendeur avec les cathédrales modernes des gratte-ciels, on se demande comment l'Europe peut continuer de rejeter une aussi belle et lumineuse alliée. Mais celle que l'UNESCO a proclamée capitale culturelle de l'Europe de 2010 ne s'en formalise pas outre mesure. Avec ou sans l'Europe, Istanbul poursuit sa route, aussi fière et indépendante que la légion de chats qui la peuple.

 

L'hôtel ou l'appartement?

Ville de bord de mer, Istanbul est européenne jusqu'au bout de ses terrasses et de ses toits. À une nuance près: ses appartements sont généralement plus spacieux et moins chers que ceux de la plupart des pays d'Europe. Et plusieurs sont équipés de terrasses qui s'élèvent dans les hauteurs stambouliotes avec vue imprenable sur le Bosphore.

C'est moins le cas du côté des hôtels. Exception faite d'une poignée de palais érigés en bord de mer et aussi extraordinairement chic que chers (notamment le Ritz Carlton, le Four Seasons, le Bosphore Swisshotel ou le Radisson SAS Bosphore), les hôtels du quartier historique Sultanahmet ou des artères commerciales de Taksim n'offrent pas de vues à moins d'y mettre le prix. Grand luxe ou pas, ces hôtels sont pour la plupart bien tenus et pas trop chers (environ 160$ la nuit).

Reste que pour un couple voyageant avec enfants et désirant un peu d'espace, la facture monte vite. À cet égard, la location d'appartements est plus avantageuse.

Trois sites s'imposent: Homelidays.com, un site populaire qui offre une soixantaine d'appartements pas trop chers dans différents quartiers de la ville; Homeaway Vacation Rentals, un site britannique qui propose une vingtaine d'appartements jolis mais parfois éloignés du centre; et enfin Manzara Istanbul, une agence fondée par un architecte turc qui dispose d'une trentaine de demeures avec des vues à couper le souffle. Contrairement aux autres agences, Manzara Istanbul n'exige pas de dépôt pour réserver.

Les prix varient entre 200$ et 250$ la nuit pour quatre personnes. Des frais de 57$ s'ajoutent pour le ménage. Un des appartements du lot fait office de réception, de sorte que vous n'êtes pas livré à vous-même. La plupart des appartements ont un accès internet, mais tous n'ont pas les mêmes qualités ni les mêmes défauts. Certains sont au cinquième sans ascenseur. D'autres ont un écran plasma dans le salon mais une tuyauterie défaillante ou des matelas trop durs. Reste que rien ne bat le plaisir exquis de prendre l'apéro à Istanbul sur sa propre terrasse en regardant le soleil se coucher sur le Bosphore.

 

Istanbul en 10 questions

1 Comment s'y rendre?

Turkish Airlines offre, depuis le 11 juillet, trois vols directs Toronto-Istanbul, le lundi, le jeudi et le samedi. Durée: 11 heures. Autrement, Air France, Air Transat ou Air Canada jusqu'à Paris, avec correspondance vers Istanbul.

2 Meilleur hôtel beau, bon pas cher?

Best Western Citadel, situé en bord de mer à Sultanahmet, le quartier historique.

3 Quoi voir?

La mosquée bleue; la mosquée Sainte-Sophie ou Aya Sofya, mais aussi la petite Aya Sofya; Topkapi; le Versailles des sultans; la Citerne-Basilique, une magnifique citerne souterraine reposant sur 336 colonnes et construite en 532 pour alimenter le grand sultan en eau; Ortaköy, le quartier des artistes érigé au bord de la mer et regorgeant de restos, de bistros et de stands d'artisans.

4 Où manger branché?

Le House Café, une chaîne de 10 bistrots design et épicuriens. Le 360 pour sa terrasse magistrale qui domine la ville et pour ses «beautiful people». Le Mid Point de la rue piétonnière Istiklal, pour ses sofas divins, sa terrasse splendide et sa bouffe bonne et sans prétention.

5 Shopping à la moderne

Les galeries marchandes d'Istanbul sont pratiquement aussi nombreuses que les mosquées. Les plus connues: Cevahir, dont la taille et les 343 boutiques de luxe lui valent le titre de plus grand centre commercial d'Europe; Kanyon, bijou architectural tout en rondeurs et en jardins luxuriants, et le tout nouveau Istinye Park où Dior, Diesel, Armani, Hugo Boss et Sephora se disputent les faveurs des accros du shopping.

6 Shopping à l'ancienne

Le Grand Bazar, caverne d'Ali baba regorgeant de bijoux, de cuir, de poterie et de vendeurs de tapis.

7 Comment se déplacer en ville?

Le tramway, le funiculaire, les ferries et les taxis jaunes pas chers, mais conduits par des chauffeurs qui roulent comme des fous.

8 Où voir l'art moderne turc?

Au Musée d'art moderne d'Istanbul, érigé en bord de mer et pourvu d'un magnifique resto terrasse au menu succulent.

9 Petits bémols

L'eau du robinet n'est pas potable. L'anglais n'est pas aussi courant que dans d'autres villes. Même si la monnaie officielle est la lire turque, c'est l'euro qui domine.

10 Grandes compensations

La beauté et la luminosité de la ville. L'omniprésence de la mer. La douceur de l'air. La gentillesse des Stambouliotes.