Le très intellectuel Musée des beaux-arts de Budapest s'ouvre pour la première fois à la photographie en proposant un regard inhabituel sur l'histoire de cet art avec une exposition d'hommage aux meilleurs artistes mondiaux du genre sous l'angle de leur inspiration réciproque.

Avec cette manifestation intitulée Âme et corps - de Kertesz à Mapplethorpe, qui dure jusqu'au 24 août, les visiteurs peuvent apprécier les plus beaux clichés de la collection permanente aux côtés de ceux de collections hongroises et étrangères, certaines pièces provenant du Musée d'art moderne de New York (MoMa) ou du Centre Georges Pompidou de Paris.

Les quelques 220 clichés habillent les murs de six salles au sous-sol du musée selon des thématiques: portraits, corps, l'homme dans la société et la solitude, guerre et misère.

Le commissaire de l'exposition, Peter Baki, directeur du Musée hongrois de la photographie, a voulu rendre un hommage particulier à des photographes d'origine hongroise de l'entre-deux-guerres (Andre Kertesz, Laszlo Moholy-Nagy, Brassai, Robert Capa et Martin Munkacsi) dont le travail est reconnu dans le monde entier.

Outre son intérêt esthétique, Âme et corps dévoile les résonances entre les oeuvres des uns et des autres. D'ailleurs, la disposition des photographies invite les visiteurs à chercher des relations et inspirations entre les photographes.

Parfois le rapport est évident: la célèbre photo de Robert Capa «la guerre est finie» dans les ruines du ghetto de Varsovie de 1945 est placée à côté d'une vue des débris métalliques du World Trade Center à New York prise peu après l'attentat du 11 septembre 2001 par Joel Meyerowitz.

De même, s'apercevoir que la vie peut être aussi misérable et imprégnée d'alcool sous le pont de Queensborough en 1934 (Imogen Cunningham) que dans le métro de Moscou en 1981 (Gueorgui Pinkhassov) est aisé.

Mais, reconnaître l'hommage du photographe contemporain hongrois Gyorgy Toth au maître américain Robert Mapplethorpe avec un cliché montrant une femme mordant une grappe de raisins l'est moins. Tout comme deviner comment les garçons au bord du lac Tanganyika de Martin Munkacsi ont inspiré Henri Cartier-Bresson.

Ainsi, les visites guidées sont centrées sur la mise en valeur des détails des travaux d'Andre Kertesz, Brassai, Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, Man Ray ou Sebastiao Salgado. Et mettre le doigt sur de nombreux questionnements.

Comment la photographie sert-elle subtilement la cause des dictateurs, par exemple en observant un jeune pionnier soviétique soufflant dans une trompette photographié par Alexander Rodchenko à l'ère du stalinisme? Pourquoi l'un des yeux de Pablo Picasso est sans vie dans le célèbre portrait d'Irving Penn? Doit-on en croire nos yeux devant une rue dévastée par une bombe photographiée par Dezso Szabo?