Dans le dernier mois, je me suis baignée dans le golfe du Saint-Laurent, la rivière du Diable et le lac Massawippi. Je l’ai fait avec des septuagénaires, des adolescents, des proches et de nouvelles amies. Ensemble, on s’est refait un monde.

Aux Îles-de-la-Madeleine, les Baigneuses de la Grave se réunissent chaque jour à 9 h 30. Mon cœur s’est gonflé, le matin où j’ai pris deux femmes de plus de 70 ans par la main pour entrer dans la mer agitée par des vents impressionnants. Les joues roses, les yeux pétillants, le sourire joueur, elles étaient tout ce que j’espère devenir. Stellaires.

Tandis qu’on profitait des bienfaits de l’eau mordante et du décor féerique, Pauline-Gervaise Grégoire, instigatrice du groupe, m’a dit qu’elle ne comprenait pas pourquoi personne ne créait d’installations facilitant la baignade nordique dans le coin. Des touristes cherchant à connecter différemment avec le territoire seraient heureux de faire le voyage pour ça. Après tout, ça se voit ailleurs dans le monde.

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Frédérik Nissen et Ismaël Ulvik, fondateurs du Solstice sauna

C’est d’ailleurs en visitant Stockholm, en 2017, que Frédérik Nissen a découvert les saunas flottants qui permettent aux utilisateurs de jouir de la chaleur avant de plonger dans le fjord. Quand la COVID-19 a frappé, quelques années plus tard, Frédérik et son partenaire Ismaël Ulvik ont dû mettre sur pause les activités de leur entreprise de visites guidées gourmandes. Les saunas flottants leur sont revenus en tête… Pourquoi est-ce qu’on n’avait rien de semblable ici ?

En faisant des recherches, les entrepreneurs ont appris qu’en Norvège, on voit de plus en plus de saunas mobiles. Intéressant ! Quand les voyages ont pu reprendre, ils sont partis à Oslo pour tester 12 installations en six jours. En revenant, ils ont proposé un modèle unique au pays à la municipalité de North Hatley : d’octobre à mai, ils poseraient deux unités mobiles sur la berge du lac Massawippi, soit un vestiaire et un petit sauna. L’intérêt a été immédiat et le projet pilote de deux ans a débuté en janvier 2023.

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Plus de 2000 personnes ont visité l’endroit depuis son ouverture en janvier 2023.

Depuis, plus de 2000 personnes ont visité Solstice sauna. Le duo planche maintenant sur des installations semblables pour le bassin Louise, dans la ville de Québec.

C’est tout le temps gris. Il faut trouver des manières d’aimer la saison froide. Connecter avec le territoire et profiter de l’eau à l’année, c’est une richesse incroyable. C’est de la pure dopamine !

Frédérik Nissen

C’est vrai que la journée est nuageuse. En ce samedi de novembre où je visite pour la première fois Solstice sauna, on frôle le point de congélation et l’eau est à 9 °C. J’ai la chance d’être accompagnée par mon amoureux – qui s’est baigné quelques fois en eaux froides –, ma sœur, son mari, leurs deux enfants (dont le plus vieux m’a suivie une fois dans le fleuve gelé) et la blonde de ce dernier. C’est qu’ici, les groupes sont les bienvenus.

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Plonger dans l’eau froide, de la pure dopamine !

« Il manque de lieux de rencontre, en hiver, ajoute Frédérik. L’été, on a les parcs, mais quand il fait froid, on s’isole. Et avec le télétravail, c’est pire. »

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Comme en Finlande, le sauna de Solstice est voué à la socialisation.

Son sauna, c’est donc un espace pour discuter. Comme en Finlande, où ils sont voués à la socialisation. Quelques jours avant notre rencontre, un épisode d’Infoman portait justement sur l’utilisation politique des saunas. Heli Suominen, chef de communications pour le premier ministre finlandais, apprenait à Jean-René Dufort qu’ils sont pratiques lors de négociations difficiles : « On abandonne notre costume de jour, donc c’est plus facile de laisser ses rôles et idées fixes [de côté], puis se comprendre mieux. »

Voyez l’épisode d’Infoman

Si aucune décision importante ne se prend dans le sauna, ce jour-là, on respecte tout de même l’idée voulant qu’on connecte plus vite en suant.

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Quand on a chaud, on plonge dans le lac !

Six participants s’ajoutent à ma famille. On passe les 75 minutes de l’activité à papoter, les 13 ensemble ou en sous-groupes. Ça n’a rien à voir avec l’expérience « spa, silence, il faut relaxer 20 minutes avant de faire un autre cycle chaud/froid » à laquelle on est habitués. En fait, quand on a trop chaud, on se lance à l’eau, on retourne dans le sauna mobile, puis on recommence. Chacun va à son rythme. Mon filleul de 13 ans, d’abord très dubitatif, y prend goût. Mon beau-frère, mon neveu et sa blonde finissent par se tremper la tête dans le lac et en ressortir les bras dans les airs, fiers d’eux. Ma sœur s’immerge chaque fois plus longtemps. Chacun évalue ses limites, joue à les apprivoiser, à les dépasser avec audace ou à les respecter avec bienveillance.

On s’amuse. Et, surprise, on ne regarde jamais notre cellulaire.

On accepte les jeunes à partir de 7 ans parce qu’on croit que les moments parents-enfants sont particulièrement importants dans un contexte technologique.

Frédérik Nissen

C’est ce qui plaît à Marie-Claude Lyonnais, une habituée de l’endroit qui l’a visité près d’une dizaine de fois avec sa fille Anya : « C’est un moment où les enfants se confient. On n’a rien d’autre à faire que parler dans un environnement sans distraction. Ça nous permet de vivre le moment présent. »

PHOTO FOURNIE PAR MARIE-CLAUDE LYONNAIS

Marie-Claude Lyonnais et sa fille ont visité l’endroit une dizaine de fois depuis son ouverture, l’an dernier.

Sur un tout autre plan, elle ajoute n’avoir toujours pas trouvé de meilleur combo que « randonnée alpine, sauna et bière ». Anya, elle, dit apprécier la détente inhérente à l’exercice et la discussion avec les participants : « J’aime surtout le fait que ce soit social ! »

Je la comprends. Jouer en gang, ça efface le gris de l’automne.

D’ailleurs, alors qu’on plonge une dernière fois dans le lac Massawippi, le ciel revêt ses plus beaux habits orangés. On regarde le coucher de soleil, les orteils crispés et le sourire aux lèvres. Puis j’espère vivre le début de quelque chose de plus grand que nous, quelque chose comme la naissance d’une culture qui nous inviterait à explorer notre nordicité main dans la main.

Du 27 décembre au 7 janvier, Solstice Sauna organise le Festival des Saunas Mobiles. Deux nouveaux saunas mobiles feront leur apparition sur la Plage Pleasant View, ce qui doublera la capacité d’accueil du site. Nombre d’activités seront proposées : yoga, rituels guidés, ateliers de respiration consciente, Bain Polaire du jour de l’An et même un souper nordique 100 % scandinave.

Consultez le site de Solstice sauna