(Montréal) Les aéroports et les lignes aériennes canadiennes ont enregistré un grand nombre de retards le mois dernier, ce qui soulève des questions quant à leur état de préparation à l’approche de la saison des voyages estivaux.

Selon les données de la société de données aéronautiques OAG, les grands aéroports et les transporteurs aériens avaient un bilan de ponctualité beaucoup plus faible en mars que leurs pairs américains – et que leurs propres performances en 2019.

À l’aéroport Pearson de Toronto, 61,2 % des vols ont décollé à l’heure, c’est-à-dire moins de 15 minutes avant leur départ prévu, contre 73 % quatre ans plus tôt. À titre de comparaison, l’aéroport JFK de New York et l’aéroport O’Hare de Chicago ont affiché des performances de ponctualité d’environ 73 % et 79 %, respectivement.

Le taux d’arrivées ponctuelles d’Air Canada était de 57,3 % en mars, contre 69,6 % en mars 2019, soit avant que la pandémie de COVID-19 ne paralyse l’industrie du transport aérien. Les plus récentes données contrastent également avec la fourchette de 77 % à 79 % affichée par les trois des plus grands transporteurs américains, bien que leurs activités se déroulent généralement dans des conditions météorologiques plus douces.

WestJet et Porter Airlines ont réussi à faire atterrir environ 63 % et 65 % de leurs vols à temps en mars, respectivement, alors que ces taux étaient de 80 % et 82 % quatre ans plus tôt.

Des problèmes structurels au Canada ?

Le volume plus élevé de retards pourrait être de mauvais augure pour les voyageurs dans les mois à venir, après des saisons de voyage chaotiques des récentes vacances d’été et d’hiver. Cette situation reflète des problèmes systémiques dans le secteur canadien de l’aviation, a fait valoir Duncan Dee, un ancien chef de l’exploitation d’Air Canada.

« Ce qui me choque dans ces chiffres, c’est que les trois grandes compagnies aériennes nationales canadiennes sont confrontées à des défis de performance très similaires », a-t-il affirmé.

« Soit que les compagnies aériennes canadiennes sont en difficulté sur le plan opérationnel, soit que ces activités au Canada impliquent des problèmes structurels communs, auxquels les trois transporteurs canadiens sont confrontés, ce qui rend leur ponctualité nettement inférieure à celle de leurs homologues américains. Ce sont les seules conclusions possibles », a-t-il poursuivi.

De graves pénuries de personnel et des taux d’attrition élevés des travailleurs figuraient parmi les facteurs qui ont contribué à entraver les voyages en avion alors que le secteur commençait à se remettre des restrictions de voyage liées à la COVID-19, en 2022. Un manque d’employés continue d’affliger certains postes, notamment les manutentionnaires au sol, les navigateurs aériens et les pilotes.

Les compagnies aériennes et les deux agences fédérales chargées des contrôles de sécurité dans les aéroports et des agents frontaliers ont indiqué à La Presse Canadienne qu’elles disposaient d’un personnel suffisant pour gérer l’afflux de voyageurs printaniers.

Les données de mars n’étaient pas une exception. Le pourcentage de départs à l’heure à Vancouver, Toronto et Montréal en février était bien inférieur à celui des aéroports de Seattle, Chicago, New York et Boston, selon les statistiques d’OAG.

Et le mois dernier, l’aéroport de Montréal a enregistré un taux de ponctualité d’environ 68 %, contre 80 % en mars 2019. Calgary, le quatrième aéroport en importance au pays, a enregistré un taux de 72 %, contre 82 % quatre ans auparavant.

Pendant ce temps, l’aéroport de Minneapolis-Saint Paul, qui n’est pas étranger au mauvais temps et qui accueille plus de passagers par an que ces deux aéroports réunis, a vu 81 % de ses vols partir à l’heure le mois dernier, un résultat inférieur à celui de 2019 par seulement trois points de pourcentage.

Des problèmes individuels ?

Certains experts affirment que l’écart important entre les performances des compagnies aériennes au Canada révèle que le problème peut être attribué en grande partie aux transporteurs individuels, plutôt que de refléter un problème à l’échelle de l’industrie.

Moins de la moitié des avions de Sunwing Airlines et du transporteur à bas prix de WestJet, Swoop, ont atterri à l’heure – 44 % et 49 %, respectivement – alors qu’ils étaient tous deux à environ 57 % en mars 2019. Les statistiques de Sunwing sont inférieures de 21 points de pourcentage à celles de WestJet (distinctes de Swoop).

« La ponctualité et le service à la clientèle ont vraiment cédé leur place à la croissance de la taille de la compagnie aérienne […] et à la mise en place d’un horaire très dynamique », a observé John Gradek, qui enseigne la gestion de l’aviation à l’Université McGill, faisant référence à Air Canada. Il a noté que le rapport annuel du transporteur ne contenait « pas la moindre information » sur la ponctualité des vols.

« Cela n’augure rien de bon pour l’été », a-t-il estimé.

M. Gradek a également souligné les pressions exercées sur les compagnies aériennes américaines par le secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg, et la Federal Aviation Administration, qui ont tous deux appelé les transporteurs à désengorger leurs horaires pour éviter retards et annulations.

« Si les lignes aériennes ne le font pas, ils le feront pour elles. Donc, United Airlines, American Airlines, tout le monde a retiré des dizaines de milliers de vols – pas des milliers, des dizaines de milliers – pour l’été pour refléter essentiellement le fait que le système n’est pas prêt. Il n’y a rien de tel au Canada », a souligné M. Gradek.

« Tout le monde croise les doigts et retient son souffle. »

Le porte-parole d’Air Canada, Peter Fitzpatrick, a indiqué que la compagnie faisait un « effort concerté » pour réduire les retards. Il a également souligné les différences de financement entre les États-Unis et le Canada.

« Le gouvernement américain a annoncé des investissements de 40 milliards US au cours des dernières années dans l’exploitation et le soutien des infrastructures aéroportuaires, tandis que le gouvernement canadien continue de soutirer des centaines de millions de dollars de loyers aux aéroports canadiens. L’industrie a répété à maintes reprises que pour améliorer l’expérience de voyage pour les gens, le gouvernement devrait investir dans tous les aspects du système de transport aérien », a-t-il fait valoir dans un courriel.

Le porte-parole de Porter, Brad Cicero, a indiqué que la ligne aérienne établie à Toronto disposait désormais d’un groupe de travail spécial qui supervise les performances.

« Nous nous attendons à ce que ce soit une situation à court terme, en partie liée à l’introduction de notre nouveau type d’avion, le E195-E2, en service depuis février », a-t-il indiqué.

Eric Forest, un porte-parole d’Aéroports de Montréal, a expliqué que les départs retardés étaient dus à des facteurs allant des arrivées tardives à la disponibilité du personnel au sol, aux conditions météorologiques, aux points de contrôle de sécurité et au contrôle du trafic aérien – tous des aspects échappant au contrôle des autorités aéroportuaires.

Les compagnies aériennes sont responsables en dernier ressort des horaires de vol – et de tout manquement à les faire respecter – a-t-il affirmé.