La « vie de van » a eu bien du vent dans les voiles ces dernières années, mais la « vie de voile » n’a pas non plus oublié d’ouvrir les vannes. Se lancer dans de petites escapades ou des voyages au long cours au fil de l’eau séduit toujours plus de Québécois. Marie-Pier Grenier et Adrien Bernier Nadeau, embarqués depuis 2018 dans un projet leur permettant de vivre toute l’année sur leur voilier, signent un magnifique livre où sont abordées et décortiquées la plupart des facettes de ce mode de vie.

Au tournant de la trentaine, les vents dominants ont changé pour ce couple pourtant bien ancré dans son quotidien professionnel. En tissant un modèle entrepreneurial leur permettant de donner des cours de voile au Québec l’été, d’accueillir des hôtes en tout-inclus sur leur embarcation dans les Caraïbes durant l’hiver et de proposer de grandes traversées pour former des marins plus expérimentés, Marie-Pier Grenier et Adrien Bernier Nadeau voguent, depuis plusieurs années, sans pied-à-terre.

Ce n’est pas seulement leur histoire, mais aussi le fruit de leur expérience qu’ils ont consigné dans La belle vie sailing – L’art de vivre à voile. Illustrés par d’envoûtantes photographies, les chapitres de l’ouvrage abordent les aspects les plus importants, et souvent méconnus, d’un séjour sur l’eau, que ce soit pour quelques jours ou quelques années : démystification de la vie quotidienne à bord, logistique, cuisine, choix du bateau, gestion des relations entre les membres de l’équipage, articulation avec les activités professionnelles, écoresponsabilité… mais aussi les destinations coups de cœur des auteurs.

PHOTO FOURNIE PAR LA BELLE VIE SAILING

L’ouvrage est parfait pour percer les mystères de la vie sur l’eau.

Faire confiance à Dame Nature

Même si, comme l’auteur de ces lignes, vous souffrez du mal de mer sur une simple planche à pagaie, découvrir et comprendre cette réalité au gré du livre constitue déjà un voyage en soi. Quand même, la question se pose : la vie de voile, est-ce pour moi ? Marie-Pier Grenier en ramènera certains sur terre.

Effectivement, ce n’est pas fait pour tout le monde. Ça prend des gens ayant ce désir-là, des compétences, de la rigueur et un certain lâcher-prise, parce que la plus grande responsable des décisions, c’est Dame Nature. Si vous êtes anxieux sur terre, ce n’est peut-être pas le meilleur environnement pour vous !

Marie-Pier Grenier

Ceux qui ont le profil de l’emploi seront certainement tentés de franchir le premier pas. La navigatrice recommande, dans ce cas, de s’y initier doucement, avec un cours auprès d’une école certifiée ou quelques jours, voire une nuit, en compagnie d’un ami marin, si on a la chance d’en connaître un. La flamme scintille encore ? On peut intensifier les cours et songer à investir dans une première embarcation modeste. « Il ne s’agira pas nécessairement du bateau avec lequel on fera le tour du monde, mais qui servira à passer un été aux Îles-de-la-Madeleine, à naviguer sur le fleuve. Si les étoiles sont encore dans les yeux, on peut commencer à magasiner un voilier plus adapté à un mode de vie à long terme et se lancer, sans attendre le moment parfait, car il ne se présente jamais », avance Marie-Pier Grenier.

PHOTO MARIE-FRANCE L’ECUYER, FOURNIE PAR LA BELLE VIE SAILING

Une harmonie à bord est essentielle pour assurer le succès de l’entreprise.

Combien de temps prévoir pour la préparation ? C’est selon. Objectifs, équipage, expérience de navigation… une foule de paramètres entrant en ligne de compte, Marie-Pier Grenier préfère conseiller de rester souple et ouvert, sans se fixer de cadre trop rigide. « On a beau prévoir de partir dans un an, peut-être que le bateau dont on aura besoin ne sera pas sur le marché… », illustre-t-elle.

Liberté reconfigurée

La belle vie sailing n’est pas seulement truffé d’excellents tuyaux pour monter ses projets maritimes, il fait également tomber à l’eau certains mythes. Dont celui de la sempiternelle illusion de « liberté totale » prétendument offerte par la vie de voile. Pour le duo d’auteurs, inutile de se voiler la face : « Nos clients exprimaient toujours cette réflexion-là, mais on ne comprenait pas ce sentiment. Oui, ils se libèrent de la pression d’un cadre social, mais c’est pour tomber dans un tout autre environnement de responsabilités. La liberté qu’on gagne d’un côté, on la perd de l’autre. » Marie-Pier Grenier brandit plusieurs exemples, comme les aléas de la météo ou les avaries à bord, capables d’annihiler les envies de déplacement.

Aussi faut-il savoir gérer l’harmonie à bord, car les défis s’enchaînent, parfois dans un environnement restreint. La sacro-sainte communication est essentielle, dans l’écoute et le respect. « Ce n’est pas juste le capitaine qui va prendre les décisions, on doit se demander si l’équipage est prêt à poursuivre », souligne l’entrepreneure, qui insiste sur l’importance de l’accomplissement général. Chacun, à bord, doit sentir qu’il a un rôle à jouer, une cible, que ce soit tenir un blogue, écrire un livre ou suivre des études à distance. Parmi leurs nombreux homologues croisés au fil des cours d’eau, Adrien Bernier Nadeau et Marie-Pier Grenier ont vu de beaux succès, mais aussi des échecs. « Dans la majorité des cas, c’était le projet de l’un et pas nécessairement de l’autre, qui ne se sentait pas nécessairement valorisé, n’avait ni but, ni objectif, ni accomplissement personnel », confient-ils.

Mais quand la chimie s’installe, elle peut opérer, même en famille. Un chapitre de l’ouvrage est d’ailleurs consacré aux clans, nous faisant découvrir comment des tribus entières parviennent à s’épanouir grâce à leur mode de vie marin, organisé en fonction de leurs besoins. Les enfants peuvent suivre l’école à la « maison » ou être inscrits dans un établissement local si les amarres sont jetées sur une île le temps d’une session. « Ça prend un savoir-être, un savoir-faire, mais ce sont de beaux modèles d’inspiration », croit Marie-Pier Grenier.

La belle vie sailing – L’art de vivre à voile

La belle vie sailing – L’art de vivre à voile

Les Éditions de l’Homme

256 pages