Vous avez peut-être déjà mangé à l'autre bout du monde un plat cuisiné ici: une douzaine de grands transporteurs aériens, sans compter leurs affiliés, servent des repas préparés par Delta Dailyfood à Rigaud. Visite guidée.

Quatre cents kilos de rotinis au blé entier, 1500 portions de poulet, des centaines de litres de sauce. Tout, à commencer par les équipements, est surdimensionné dans cette usine de 170 000 pi2. Pourtant, les recettes qu'on y prépare sont assez classiques. «Il n'y a pas de grand secret, on reproduit seulement les modes de cuisson», explique Nicolas Séguier, directeur général de l'entreprise lors de notre visite.

Ici, du poulet mariné et du boeuf en lanières défilent sur des tapis chauffants. Là, de l'eau glacée est injectée dans les pâtes pour stopper la cuisson. Il y a une zone pour les sauces, un imposant cuiseur à riz, un énorme appareil pour la friture. Le gigantisme, toutefois, est de courte durée.

Dans les aires d'assemblage, on revient à des proportions familières. L'unité de base? La barquette. Celles-ci ressemblent à s'y méprendre à celles qu'on trouve au rayon des surgelés.

La parenté n'est pas fortuite. Delta, un fournisseur de longue date du secteur aérien, a été racheté il y a quelques années par la société française Fleury Michon, qui a décidé d'étendre ses activités au secteur du détail. Entre les surgelés que vous faites réchauffer les jours où vous n'avez pas le temps de cuisiner et les plats servis en vol, il n'y a pas beaucoup de différences. Les contenants des seconds sont beaucoup plus petits. «Et le travail est souvent plus manuel parce que les compagnies aériennes sont plus attentives à la disposition des ingrédients», dit Nicolas Séguier.

Dans une autre salle, des barquettes sortent à la queue leu leu d'une impressionnante tour: la spire de surgélation. Elles sont ensuite passées aux rayons X pour s'assurer qu'elles ne contiennent aucun corps étranger, avant d'être mises en boîte. Un peu comme les passagers, quoi.

Un détour par la cuisine de recherche nous en apprend un peu plus sur les goûts en altitude. Delta conçoit et prépare des plats pour une douzaine de transporteurs aériens, sans compter leurs affiliés. Le mets le plus demandé des passagers? Le poulet, suivi des pâtes. La prochaine fois qu'il ne restera que du boeuf rendu à votre siège, vous saurez pourquoi.

Si les transporteurs asiatiques servent du porc, les européens et les nord-américains l'évitent. D'où le «bacon» de dinde ou de poulet au petit déjeuner. Le riz étuvé est une affaire de Nord-Américains, alors que les Chinois préfèrent le riz au jasmin et les Indiens, le basmati. Pour les clientèles japonaise et coréenne, on utilise plutôt la variété calrose.

Contrairement aux surgelés vendus au détail, qui sont consommés localement, les repas d'avion sont destinés à des clientèles très différentes. «Quand on fournit Cathay Pacific, on développe avec des chefs chinois, pour le goût chinois. Pour une compagnie française, on aura une brandade de morue; pour une hollandaise, un plat typiquement hollandais. Chaque compagnie essaie de trouver un produit ou un menu cohérent avec sa marque», explique Nicolas Séguier. L'aigre-doux nord-américain, par exemple, ne goûte pas la même chose que son équivalent chinois.

Cela dit, les ingrédients que nous avons vus sur les chaînes de production sont tout ce qu'il y a de plus traditionnel. Du poulet mariné qui sentait drôlement bon, des petits légumes, des sauces bien ordinaires. Pourquoi le plat qui en résulte est-il si étrange lorsqu'on le reçoit en avion? La réponse, de toute évidence, n'est pas ici. Pour la trouver, il faut chercher plus loin. À 30 000 pieds d'altitude, en fait.