Il y a de ces sujets délicats dont on préférerait ne pas parler. Cuba est l'un de ceux-là. Pour plusieurs, Cuba c'est le soleil, la plage, un moment de détente bien mérité que l'on se paie au beau milieu de l'hiver.

Mais Cuba, c'est aussi bien autre chose. C'est à la fois un régime communiste et un sous-développement chronique. À part le littoral qui est exploité pour le tourisme, l'intérieur du pays stagne et demeure dans un état lamentable. Pour quiconque s'aventure quelque peu au-delà des complexes hôteliers, le contraste est frappant, pour ne pas dire troublant.

Ce que l'on y retrouve dépasse l'imagination et est presque surréaliste : derrière d'énormes affiches prônant la révolution, se masse une population captive privée de tout ce que le vingtième siècle a su apporter. La machinerie agricole est pratiquement inexistante et tout se fait à la main. Sur de larges autoroutes à six voies où l'automobile se fait absente, (chercher l'erreur...), se côtoient des piétons en attente d'autobus qui n'arrivent jamais, des bicyclettes, des charrettes tirées par des boeufs, de même que des hommes à cheval ou à dos d'âne. Sans compter les chèvres, les cochons ou les poules qui à tout moment s'aventurent inopinément sur l'autoroute. Tout cela sous la surveillance constante de policiers et de membres de la garde nationale qui sont à l'affût du moindre contrevenant, (à quoi, on se le demande...).

Chaque année, se retrouvent 2.2 millions de touristes sur les plages de Cuba dont 260,000 Québécois. Or, bien que cela représente un apport financier d'environ deux milliards de dollars US, l'ensemble des salaires versés aux employés de l'hôtellerie cubaine ne dépasse pas 32 millions de dollars US, soit à peine 1.6 % des revenus générés.

Un salaire moyen de 27$ par mois

Il faut savoir que 100, 000 cubains y travaillent pour un salaire moyen de 27 dollars US par mois, ce qui représente plus que le salaire habituel versé à Cuba et qui n'est que de 17 dollars US par mois. Mais par rapport à ce qu'empochent habituellement les travailleurs de l'industrie touristique de par le monde, cela ne représente même pas 5 % d'un salaire normal. Cela dit, sans parler du nombre effarant d'heures de travail exigées du travailleur cubain pour ce salaire, et qui se situe autour de 12 à 14 heures par jour.

Il faut également savoir que de ces deux milliards dépensés par les touristes, le gouvernement cubain s'approprie directement 38 %, soit 760 millions de dollars US, le reste allant aux investisseurs étrangers du Mexique, d'Espagne, de France, du Canada et de l'Italie qui ont fourni les fonds nécessaires à la construction de ces luxueux complexes hôteliers : 1,240 millions de dollars US sont ainsi retournés chaque année à ces multiples investisseurs étrangers.

Mais c'est toujours le chef de l'État cubain qui garde le contrôle de l'industrie touristique de l'île : le gouvernement s'assure en effet d'une part majoritaire dans la gérance de tous ces hôtels. C'est d'ailleurs, dit-on, à partir de l'argent ainsi obtenu que Castro réussirait le tour de force de financer à la fois son armée, sa police et sa lourde bureaucratie. Le tourisme étant la principale source de devises étrangères pour le gouvernement.

Cuba se comporte en négrier envers sa population

Or, on s'en rend aisément compte, dans toute cette valse de dollars, la population cubaine ne touche pas grand-chose : à peine 32 millions $ pour 100,000 travailleurs de l'industrie hôtelière obtenus à partir d'un long et dur labeur ! C'est ce qui a fait dire à certains que l'État cubain se comporte en véritable négrier envers sa propre population. On en serait presque à une nouvelle forme d'esclavage ! Car si tout cet argent assure au régime castriste sa pérennité, on ne voit pas en quoi cela aide la population cubaine à améliorer quoi que ce soit au niveau de ses difficiles conditions de vie...

Les denrées essentielles sont certes distribuées dans les magasins de l'État. Mais il s'agit ici d'éléments de survie. Dans les villes, la population vit dans de vieux HLM délabrés construits alors que le régime soviétique soutenait financièrement Cuba. Dans les campagnes, la population vit dans des cambuses où le mobilier se réduit à une table, deux ou trois chaises et un vieil appareil de télévision lui permettant de suivre les discours de Fidel ou les matchs de soccer et de baseball.

C'est sans doute ce qui explique que 20,000 Cubains tentent à chaque année de quitter clandestinement une île où tout leur est interdit et où ils se voient réduits par l'État à la misère. Et, est-il besoin de souligner, à Cuba, comme dans tout régime communiste, le silence sur la chose politique est de rigueur. 50 dissidents et journalistes se trouvent présentement sous les barreaux pour avoir voulu briser ce silence. Le dogme socialiste doit être gardé intact et les généraux y veillent !

Un pas dans la bonne direction

Mais ce régime, dit-on, n'a pas que du négatif. Il a en effet donné au peuple cubain un des meilleurs systèmes de santé au monde. Chaque village, si petit soit-il, a son médecin de famille. Cuba forme et exporte des médecins dans 24 pays du monde, principalement en Amérique latine. De plus, à Cuba, conformément aux voeux du penseur et poète José Marti, l'éducation est gratuite pour tous, y compris à l'université.

Aussi, on ne peut certes en vouloir au jeune révolutionnaire qu'était Fidel Castro d'avoir voulu libérer son peuple du régime Batista ultra corrompu. La libération de Cuba par Fidel Castro en 1959 représentait un pas dans la bonne direction. Mais lorsque au fil des années, la lutte à d'éventuels envahisseurs devient prétexte pour garder jalousement le pouvoir sur une population qui se retrouve de plus en plus démunie, on peut s'interroger sur la valeur de l'idéal proposé, surtout lorsque cet idéal se voit complètement dépassé ailleurs.

Rappelons en effet qu'alors que le régime soviétique s'effondrait et que le communisme dévoilait au grand jour ses nombreuses failles, le régime castriste, plutôt que de s'ouvrir au monde, s'endurcissait davantage et défendait plus que jamais son attachement à l'idéal communiste. S'abreuvant naïvement aux théories économiques fallacieuses de Marx, ou à celles, pseudo humanistes de J.J. Rousseau, Fidel Castro apparut alors sous son vrai jour : celui d'un illuminé coupé de la réalité et défendant, au nom d'une liberté illusoire et dans des discours fleuve de cinq heures, une idéologie périmée. Notons que Cuba est aujourd'hui le seul pays du monde - avec la Corée du Nord - à maintenir encore un régime communiste.

Inonder l'île de touristes n'est pas la solution

Pourtant, Cuba possède un potentiel énorme. Mais, exposée tout au long de son histoire aux colonialismes, sa population n'a jamais pu vraiment profiter des richesses de son île ; et ce n'est certes pas ce régime dictatorial qui le lui permet davantage.

En inondant l'île de touristes comme le planifie le régime castriste, (il vise 10 millions de touristes par année), on ne fait rien pour aider la population. Bien au contraire, on ne fait que renforcer financièrement ce paternalisme autocratique régnant qui s'accroche au pouvoir telle une sangsue !

Et ne nous leurrons pas : les récentes autorisations données à la population cubaine concernant les téléphones cellulaires, l'accession aux hôtels ou aux locations de voitures ne changent rien. Comment, on se le demande, un Cubain qui gagne 17 dollars US par mois pourrait-il se payer une seule nuit dans une chambre d'hôtel à 150 dollars US ? À moins que ces mesures ne visent que les apparatchiks et les prostituées de l'île...

En soi, une révolution qui, depuis 50 ans, n'en finit plus de s'autoproclamer révolutionnaire est symptomatique d'un régime qui se referme sur lui-même et qui régresse plus qu'il ne progresse. La solution au problème cubain n'est pas économique, mais d'abord politique. Aujourd'hui, ce n'est plus d'une révolution dont le peuple cubain a besoin, mais bien d'une évolution. Comme citoyens, c'est avant tout en plaidant pour l'ouverture au monde de Cuba et pour la levée immédiate de l'embargo américain qui lui pèse depuis trop longtemps qu'on peut aider la population opprimée de ce pays à s'en sortir.