Prendre de l'aspirine après un cancer du côlon en complément des traitements chirurgical et chimiothérapique permet de réduire de 30% le risque de mourir d'une rechute, selon une nouvelle étude américaine publiée mercredi dans le «Journal of the American Medical Association».

Les bénéfices de l'aspirine dans la prévention du cancer du côlon ont été limités par ses effets secondaires parfois graves, notamment les hémorragies dues à l'irritation de l'estomac ou de l'intestin. L'aspirine, qui est utilisée comme antalgique, est par ailleurs déjà recommandée dans la prévention des accidents cardio-vasculaires, infarctus et accident vasculaire cérébral, notamment.La nouvelle étude suggère que les patients souffrant déjà de cancer du côlon peuvent tirer un bénéfice de ce traitement, du moins ceux qui souffrent de la forme la plus fréquente de tumeur, celle qui produit de l'enzyme Cox-2 en grande quantité.

«L'article est absolument incroyable, et je suis normalement avare de compliments», s'est exclamé le Dr Alfred Neugut, du centre médical de l'Université de Columbia, à New York, un chercheur extérieur à cette nouvelle étude.

«C'est sûrement quelque chose dont les patients voudront discuter avec leurs médecins», a renchéri le Dr Andrew Chan, de la Harvard Medical School, à Boston, qui a conduit cette recherche.

Toutefois, pour ces deux spécialistes, il est encore trop tôt pour en faire une recommandation générale. Selon eux, les résultats devraient être confirmés dans un essai au cours duquel les patients seront répartis au hasard, un groupe recevant de l'aspirine, l'autre un placebo. Une étude est en cours à Singapour.

Le cancer colorectal se situe au deuxième rang des cancers les plus meurtriers aux États-Unis, juste après celui du poumon. L'Institut national du cancer estime que 50.000 Américains en mourront cette année.

Les chercheurs ont obtenu leurs résultats à partir de deux études de grande ampleur en cours, la Nurses'Health Study et la Health Professionals Follow-up Study. Ils ont observé près de 1.300 personnes atteintes de cancer colorectal, qui avaient été suivies pendant 12 ans en moyenne. Tous les patients avaient été opérés de leur cancer et beaucoup d'entre eux avaient reçu une chimiothérapie.

Parmi les 549 participants qui prenaient régulièrement de l'aspirine après le diagnostic, 81 sont morts de leur cancer colorectal, soit environ 15%. À l'opposé, parmi les 730 qui n'en prenaient pas, 141 sont morts, soit 19% environ.

En prenant en compte les autres facteurs de risque, comme l'histoire familiale, les chercheurs ont évalué le bénéfice total de l'aspirine: un pourcentage de 29% de risque en moins.

Il est enthousiasmant qu'un médicament aussi peu cher et fréquemment utilisé puisse être mis à profit pour un groupe de patients qui ont peur d'une rechute, s'est félicité le Dr Chan.

L'aspirine n'aide que les personnes souffrant d'une tumeur qui fabrique de l'enzyme Cox-2. «C'est logique», relève Chan. «L'aspirine bloque cette enzyme, qui joue probablement un rôle dans l'extension de la tumeur.»