Avouez que vous vous reconnaissez : chaque année, nos enfants croulent sous les cadeaux, déballés en huit secondes chrono et aussi vite oubliés. D'où la question : à qui la faute ? Pourquoi jouent-ils si peu ? Est-ce grave, docteur ?

DES FREINS AU JEU

« Ce n'est pas un cliché. C'est vrai que les enfants jouent moins qu'avant », constate Francine Ferland, ergothérapeute et auteure du livre Et si on jouait ?. Maintenant, comment renverser la vapeur ? Voici en un coup d'oeil ce qui freine l'élan de nos enfants... et comment y remédier.

Ils ne savent pas jouer seuls

« Les parents doivent déterminer un moment dans la journée où l'enfant sait qu'il doit jouer seul. Un moment qui lui appartient, et où maman et papa ne sont pas libres. On commence par cinq minutes, puis on augmente graduellement. En contrepartie, les parents planifient aussi un instant pour jouer avec leur enfant. » - Alyson Schafer, psychothérapeute et auteure



La tablette :  un vrai aimant


« Les écrans prennent énormément de place ! Dès l'âge préscolaire, il faut établir des limites pour qu'ils ne deviennent pas l'activité principale de l'enfant. C'est très captivant et s'il n'y a pas de limites, les écrans risquent de devenir un réflexe à l'âge scolaire. » - Francine Ferland, ergothérapeute et auteure

Ils ont trop de jouets

« On entend les enfants dire qu'ils s'ennuient, mais ils ont plus de jouets qu'une école maternelle ! Ils ne les voient plus ! Faisons une rotation pour qu'ils les redécouvrent. Et pour déterminer combien de jouets on sort, je suggère ceci : ils doivent pouvoir tout ranger en cinq minutes ! » - Alyson Schafer, psychothérapeute et auteure

Ils n'ont pas le temps de jouer

« Nos enfants sont très organisés. On cherche la performance. Pas étonnant qu'on entende de plus en plus ce discours en faveur du jeu libre. Mais pour y arriver, il faut prendre le temps. [...] À travers le jeu, l'enfant va faire naturellement l'acquisition de compétences qui vont l'aider à l'école, c'est certain. » - Francine Ferland, ergothérapeute et auteure

Ils n'entreprennent rien

« Les enfants doivent avoir un endroit à eux - et ça n'a pas besoin d'être un très grand espace - pour y laisser des jouets sans les ramasser. Pour démarrer des projets à plus long terme, comme une construction », soutient Alyson Schafer. « Devoir tout le temps tout ranger, c'est un frein réel au jeu », ajoute Francine Ferland.

EST-CE GRAVE, DOCTEUR ?

Tout le monde s'entend. Le jeu est essentiel au bon développement d'un enfant. Mais, bonne nouvelle : vous n'avez pas à paniquer si votre enfant ne joue pas avec la montagne de jouets qui s'entasse dans sa chambre, ou s'il ne s'intéresse que (très) modérément à tous ses cadeaux de Noël. Explications.

Si le jeu est si essentiel, c'est qu'il incarne en quelque sorte le « travail » de l'enfant : en jouant, celui-ci développe son intelligence cognitive, sa créativité et, bien sûr, sa dextérité. Sans parler de sa confiance en soi, de son autonomie et même de ses habiletés sociales. Que du bon, quoi.

Par exemple, en jouant avec des blocs de construction, l'enfant fait des expériences, il travaille sa patience et développe son intelligence. Avec des déguisements, l'enfant fait des jeux symboliques, travaillant ici son imagination. Avec des jeux de société, enfin, l'enfant apprend à perdre, à respecter des règles et aussi à coopérer. Bref, à vivre en société.

Mieux : l'enfant qui joue canalise aussi ses émotions. La psychologue Nathalie Parent le vit en thérapie. Quand elle reçoit des jeunes patients souffrant de troubles du comportement ou d'anxiété, c'est précisément ce qu'elle fait : elle joue. 

« On joue avec des bonshommes, de la pâte à modeler, on fait des dessins et ça vient déjà réduire l'anxiété des enfants. On canalise l'anxiété dans le jeu », dit-elle.  

JOUER AUTREMENT

Mais attention. Avant de flipper parce que vos enfants, eux, ont plutôt tendance à bouder leurs jouets, posez-vous quelques questions. « Est-ce que les enfants ne jouent pas du tout, ou jouent autrement, avec des toutous, par exemple ? On est peut-être obsédés par les jeux éducatifs », souligne Julie Fortier, la responsable éditoriale de Naître et Grandir, qui publiera justement un dossier prochainement sur la question, Jouer pour grandir.

En un mot, si vos enfants préfèrent les jeux de rôle, jouer à l'école ou faire des spectacles, ils sont aussi en train de jouer.

Deuxièmement : avez-vous l'impression que votre enfant ne joue pas tout simplement parce qu'il ne suit pas le mode d'emploi ou les règles prévues ? Erreur. « Pour certains parents, ça peut être frustrant, concède-t-elle, mais il faut laisser l'enfant mener le jeu. » Pourquoi ? Parce que selon l'âge et le développement, c'est plus satisfaisant pour l'enfant, tout simplement. Et n'est-ce pas là l'objectif, après tout ?

Finalement : êtes-vous bien sûr que vos enfants ne jouent pas ? Ou est-ce que vous ne jouez pas avec vos enfants ? La nuance est importante. 

« Peut-être qu'on a l'impression que notre enfant ne joue pas parce qu'on ne joue pas avec lui », suggère Julie Fortier.

Or au contraire, il est très bon de laisser les enfants jouer seuls, pour développer leur autonomie, leur débrouillardise, bref, leur imaginaire à eux.

Et même si votre enfant joue peu, rappelez-vous qu'il a passé sa journée à la garderie à jouer, justement. Idem dans la cour d'école. « Et peut-être qu'à la maison, il a juste le goût de ne rien faire. » N'oubliez jamais non plus que chaque enfant a son tempérament à lui, certains étant tout simplement plus joueurs que d'autres.

Une seule règle d'or, finalement : laissez du temps à votre enfant. Du temps non structuré, évidemment sans écran. Pour qu'il s'ennuie, qu'il finisse par s'occuper, pour jouer, seul, avec des amis, ou pourquoi pas avec vous. C'est la clé.

POUR DES CADEAUX QUI PLAISENT... VRAIMENT

Comment acheter des cadeaux que les enfants apprécient vraiment ? Mode d'emploi en cinq temps pour une magie qui dure !

1. C'est presque un cliché, mais c'est la base : visons la qualité et non la quantité. Un ou deux gros cadeaux bien choisis auront plus d'impact que plusieurs petits cadeaux que les enfants risquent d'oublier !

2. Prenons le temps de bien déterminer quels sont les intérêts réels des enfants à qui l'on offre des cadeaux. Chez les petits, la liste au père Noël donne de précieux indices, par exemple...

3. Pensons à offrir au moins un jouet avec lequel les enfants pourront jouer immédiatement après avoir déballé les cadeaux. Un traîneau, des patins, un ballon de soccer, c'est bien, mais dans l'euphorie, ils sont disposés à jouer, là, maintenant ! Profitons-en.

4. Laissons les enfants s'approprier ce qu'ils reçoivent. Regardons-les jouer et découvrir leurs cadeaux sans tout leur expliquer.

5. Soyons réalistes : n'achetons pas des jouets pour enfants plus âgés en ayant la certitude que le nôtre est en avance sur ses camarades. Il risque, au contraire, de se désintéresser des jeux avec lesquels il ne connaît pas de réussite... et n'avoir jamais envie d'y revenir.

Source : Francine Ferland, ergothérapeute et auteure du livre Et si on jouait ?