Le Denali. L'Everest. Le K2. Pour gravir ces géants, les alpinistes s'imposent des régimes d'entraînement dignes de ceux de grands athlètes. Au Québec, on ne trouve pas de montagnes de 6000 ou 7000 m d'altitude. Les alpinistes locaux doivent donc faire preuve de créativité pour reproduire les conditions qu'ils affronteront en expédition. Deux alpinistes nous expliquent leur programme d'entraînement.

En force et en endurance

Il faut se lever de bonne heure pour gravir l'Everest ou le K2. Pour Monique Richard, c'est à 5 h 15, plusieurs jours par semaine. Elle s'entraîne pendant deux heures avant de partir pour le boulot. Et encore, ce n'est pas un boulot de tout repos : Monique Richard est factrice, donc elle marche une quinzaine de kilomètres par jour, avec de gros sacs. « Ça fait partie de mon entraînement », indique-t-elle, vêtue de l'uniforme de Postes Canada.

Monique Richard, alpiniste d'expérience, a déjà gravi les sommets de chacun des sept continents, comme l'Ebrouz en Europe, l'Aconcagua en Amérique du Sud, le Denali en Amérique du Nord et, surtout, l'Everest en Asie. L'été dernier, elle s'est attaquée à plus difficile encore, le K2, au Pakistan. Malheureusement, des conditions météo difficiles et une série d'avalanches l'ont forcée à abandonner. Mais elle maintient la forme pour un prochain défi.

Son entraînement porte sur deux aspects : l'endurance et la force musculaire. « Je travaille beaucoup en endurance, déclare-t-elle. L'idée, c'est d'arriver en montagne et de souffrir le moins possible. »

La force musculaire est aussi essentielle.

En outre, les alpinistes perdent de la masse musculaire au cours d'une expédition en haute altitude. Il faut donc partir avec une plus grande masse musculaire qu'à la normale.

Monique Richard s'entraîne généralement à la maison. Avec des poids libres et des élastiques, elle travaille trois grands groupes musculaires : soit les jambes, soit le dos et les pectoraux, soit les épaules. Les push-up sont aussi au programme.

La femme de 40 ans utilise également un appareil fabriqué par Versa, le Climber. Comme son nom l'indique, il reproduit l'action de grimper, ce qui permet de travailler les groupes musculaires des jambes, du tronc et des bras, tout en constituant un entraînement cardiovasculaire intensif. « C'est génial, ça reproduit le mouvement vertical », affirme-t-elle.

Pour varier le tout, elle fait du spinning... debout. « Je travaille les jambes de façon dynamique, explique-t-elle. Quand j'arrive en escalade, c'est ce mouvement que je répète. »

Certains projets nécessitent de l'entraînement spécifique. Après avoir gravi l'Everest par le sud (le Népal), en 2012, l'alpiniste a essayé en 2013 de l'escalader par le nord, la Chine, sans oxygène. Elle a donc loué une tente hypobare, qui reproduit un environnement à faible pression atmosphérique, comme en haute altitude. Elle y a couché pendant deux mois avant l'expédition. Elle a toutefois dû abandonner à une cinquantaine de mètres du sommet.

Monique Richard essaie également de s'entraîner à l'extérieur le plus souvent possible, notamment en faisant du jogging. Elle habite à proximité du cimetière Côte-des-Neiges, un endroit bien tranquille pour faire de la course à pied.

La fin de semaine, elle met le cap sur le Sud pour gravir les montagnes des Adirondacks, dans l'État de New York, ou les montagnes Blanches, au New Hampshire.

Quelques semaines avant une expédition, elle augmente le rythme. Au lieu de passer 25 minutes sur son Climber adoré, elle en passe 45. Au lieu de s'entraîner de trois à quatre jours par semaine, elle passe à cinq ou six jours.

« Il faut faire attention à ne pas se surentraîner, note-t-elle toutefois. J'écoute mon corps. Si je me lève et que je suis encore fatiguée de la veille, je ne m'entraîne pas et je me repose. »

Et elle se fait plaisir : massages et bains au sel d'Epsom, de quoi soulager les muscles mis à rude épreuve.

Entraînement au K2

Monique Richard est une des rares alpinistes à poursuivre l'entraînement au camp de base. Elle utilise notamment des élastiques, faciles à transporter, des cailloux choisis sur place et profite de la vue. Ici, elle s'entraîne près d'une rivière au pied du K2, au Pakistan.

PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE

En plus de son entraînement hors de ses heures de travail, Monique Richard est factrice, un boulot qui la fait marcher une quinzaine de kilomètres par jour. 

Diversifier l'entraînement

Pour Mathieu Durand, la haute montagne, c'est comme un sport de haut niveau. Il faut s'entraîner en conséquence.

Le jeune homme de 32 ans s'est donné comme objectif de gravir les sommets de chacun des continents. Il en a déjà quatre à son tableau de chasse : le Kilimandjaro, l'Elbrouz, la Pyramide de Carstensz, en Océanie, et le massif de Vinson, en Antarctique. Il vient de décoller en direction de l'Argentine pour s'attaquer à l'Aconcagua et prévoit se mesurer au Denali au printemps. Si tout va bien, l'Everest pourrait suivre en 2017.

À la base, Mathieu Durand fait du vélo de route (de 5000 à 6000 km par année), de la randonnée et de l'escalade. « Ça maintient la forme, mais ça ne va pas me faire monter des montagnes », raconte-t-il.

Le centre d'escalade qu'il fréquente, Allez Up, s'est intéressé à ses projets et lui a donné accès à des ressources : une salle d'entraînement avec des poids libres et un kinésiologue. « Ils m'ont fait un programme de mise en forme pour augmenter ma masse musculaire, indique-t-il. Je fais des enchaînements différents parce que c'est ennuyant de faire les mêmes exercices. »

Il peut choisir l'enchaînement selon les besoins du moment. Ainsi, s'il a les jambes fatiguées, il peut choisir un enchaînement qui fait davantage travailler les épaules. Après une heure et demie de musculature, il se permet une heure d'escalade, pour le plaisir. « Mais ça me permet quand même de continuer à travailler les épaules, le dos et les abdominaux. »

En parallèle, Mathieu Durand, qui travaille chez Xerox Canada, fréquente le centre Premiere Performance pour suivre des séances de PowerWatts, un programme qui utilise des vélos stationnaires pour permettre à un groupe de personnes de s'entraîner ensemble, mais à des intensités individuelles. « J'ai augmenté la puissance de mes jambes de 30 % depuis que je suis avec eux, s'enthousiasme l'alpiniste. En plus, c'est très cardio. »

Lorsqu'une expédition approche, il multiplie les séances d'entraînement pour arriver à six par semaine, alternant entre la musculation chez Allez Up et les séances de PowerWatts.

Pour certaines expéditions, notamment le massif Vinson et le Denali, il faut porter un lourd sac à dos et tirer un traîneau. Cela nécessite un entraînement particulier.

Il met ainsi du poids dans un pneu qu'il place à plat, le relie à son sac à dos avec une longe et le traîne sur la piste cyclable le long du canal de Lachine. Évidemment, il ne passe pas inaperçu.

« Il ne faut pas que tu t'arrêtes à ce que les gens pensent de toi, souligne-t-il. Il faut que tu fasses ce que tu as à faire pour atteindre ton objectif. »

Il grimpe également sans relâche de longues séries d'escaliers, comme ceux du mont Royal ou ceux de l'oratoire Saint-Joseph, avec un gros sac à dos et ses bottes de haute montagne. Encore là, il attire l'attention.

« Tu as beau faire 25 heures par semaine en gym, si tu ne vas pas jouer dehors et recréer ce que tu vas faire comme exercice en montagne, ça ne donnera rien », lance-t-il.

Il cherche à éviter le surentraînement en se mettant à l'écoute de son corps. Toutefois, pas question de sauter une séance.

« Si je me sens fatigué, pas très bien, j'y vais quand même, mais je fais un effort beaucoup moins soutenu. J'obtiens ainsi un entraînement sans me surentraîner. »

Il compte également sur le yoga pour demeurer le plus flexible possible. « J'aime mieux être trop préparé que pas assez, soutient Mathieu Durand. C'est mieux que d'arriver là et de trouver ça super difficile parce que je ne suis pas en forme. »

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Mathieu Durand, employé chez Xerox Canada, fait du vélo de route, de la randonnée et de l'escalade, en plus de s'entraîner dans le but de gravir les plus hautes montagnes de la planète.

Cinq conseils

Ce n'est pas tout le monde qui rêve du K2. On peut planifier un objectif plus à sa portée tout en étant stimulant, comme le mont Washington, le plus haut sommet du nord-est de l'Amérique du Nord, avec 1917 m d'altitude. On peut s'inspirer de Monique Richard et de Mathieu Durand pour sa préparation. Voici des conseils accessibles à tous.

Faire de la randonnée en montagne



Ce n'est pas tout le monde qui rêve du K2. On peut planifier un objectif plus à sa portée tout en étant stimulant, comme le mont Washington, le plus haut sommet du nord-est de l'Amérique du Nord, avec 1917 m d'altitude. On peut s'inspirer de Monique Richard et de Mathieu Durand pour sa préparation. Voici des conseils accessibles à tous.

Rechercher les escaliers



Si on n'a pas le temps d'aller en montagne, les escaliers constituent une belle solution de rechange, surtout lorsqu'on parle des longs escaliers de bois qui mènent au chalet du mont Royal. C'est à l'extérieur et l'environnement est magnifique. En montant et en descendant, on croise et recroise d'autres personnes qui s'entraînent, ce qui finit par créer une belle camaraderie. Et en plus, c'est totalement gratuit.

Se munir d'un sac à dos



Il faut transporter plusieurs éléments essentiels dans son sac à dos pour faire une journée de randonnée en montagne : de l'eau, de la nourriture, des vêtements chauds pour le sommet, une lampe de poche, etc. Le poids peut être important. Au début et à la fin de l'hiver, par exemple, on peut avoir à attacher des raquettes à son sac à dos au début d'une randonnée pour pouvoir les utiliser plus haut sur la montagne. C'est donc une bonne idée de s'entraîner avec un sac à dos qu'on peut alourdir progressivement au fil des randonnées et ainsi recréer les conditions de notre expédition.

La musculation

En matière d'entraînement, les modes ont passé avec les années mais les poids libres sont toujours restés. « Je suis dans le milieu depuis 1974, affirme Yves Francoeur, entraîneur spécialisé au YMCA Centre-ville. Je peux dire que c'est un outil fantastique pour l'entraînement. » Les poids libres, ce sont les bons vieux poids et haltères qu'on soulève pour augmenter la force et développer la masse musculaire, tout en travaillant la coordination et l'équilibre. Il est facile de se procurer de petits poids pour la maison et trouver des exercices sur internet. Mais il faut faire attention. « C'est plus facile de se blesser avec des poids libres qu'avec un appareil sur lequel tu es assis, affirme M. Francoeur. C'est important de voir un entraîneur qui s'y connaît. »

Ne pas oublier le plaisir



Il est important d'avoir du plaisir pendant l'entraînement. Même si on se prépare pour un projet majeur avec un entraînement précis, on devrait continuer à faire en parallèle des sports que l'on aime même si ce ne sont pas nécessairement les exercices qui prépareraient le mieux à l'expédition.

PHOTO SVEINUNG YSTAD, ARCHIVES AFP

C'est une bonne idée de s'entraîner avec un sac à dos qu'on peut alourdir progressivement au fil des randonnées.