Elle n'est pas contagieuse, mais touche lourdement ceux qui vivent avec le malade, notamment en raison des préjugés de la société. Comment faire pour tenir le coup lorsqu'un de nos proches est atteint d'une maladie mentale ? Où trouver les ressources pour garder le moral et éviter à notre tour de sombrer ? Isabelle Dubé fait le point.

Selon un sondage mené par l'Association médicale canadienne en 2008, 50% des Canadiens n'avoueraient pas qu'un membre de leur famille a une maladie mentale, contrairement à 72% pour un cancer. Aujourd'hui, le combat contre les préjugés envers les personnes atteintes de problèmes de santé mentale est loin d'être terminé. La Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM) rêve que la stigmatisation cesse et que les aidants ne vivent plus la honte.

«Quand deux voitures de police et une ambulance débarquent chez toi, ce n'est pas discret, raconte Pierre*. Les voisins assistent à la scène et jugent. C'est comme une histoire de lépreux.» L'homme de 67 ans a un fils atteint de schizophrénie. Les préjugés de la société envers les personnes souffrant de maladie mentale, il les connaît. Depuis que son fils a reçu son diagnostic, il y a une dizaine d'années, Pierre a tout fait pour ne pas tomber dans l'autostigmatisation.

Christiane Trudel, de son côté, n'a pu y échapper. Son fils souffre aussi de schizophrénie. «Les préjugés sont tellement forts dans la société qu'on se les applique à soi-même. On se sent coupable, on cherche où on a fait l'erreur, on s'isole et on a honte.»

Lorsqu'elle a reçu le diagnostic de son fils, elle s'est effondrée. «Je ne voyais plus d'avenir pour lui, explique-t-elle. Ce qui m'a aidée, ce sont les groupes de soutien. Quand on est plus solide, c'est plus facile d'accompagner un proche.»

C'est Pierre qui a appelé les secours quand son fils a voulu se suicider pour une énième fois. Il n'a pas été impressionné par l'intervention policière. Selon lui, les ambulanciers étaient beaucoup mieux formés pour faire face à une personne souffrant de maladie mentale. «Débarquer avec leurs pistolets pour faire face à des crises de suicide, ce n'était peut-être pas la meilleure idée. Ils l'ont amené à l'hôpital armés. Ça encourage la stigmatisation. C'était il y a 10 ans. Maintenant, je crois que c'est mieux.»

Afin d'être bien outillé face à la maladie, Pierre est allé chercher de l'aide dès le départ. «Ça m'a aidé à comprendre la schizophrénie, à comprendre comment ça se passait dans sa tête, à comprendre son comportement. J'ai pu faire une distinction entre les crises de colère et les crises suicidaires.»

Aujourd'hui, son fils âgé de 36 ans vit seul en appartement et réussit à équilibrer son budget. «J'ai atteint mon but. Il s'adresse au centre de crise ou à la travailleuse sociale quand il en a besoin. Il prend ses médicaments. Je suis fier de lui. Je suis aussi conscient que rien n'est jamais sûr à 100%.»

*À cause des préjugés, Pierre souhaitait taire son véritable nom.

À éviter avec un proche atteint

Les personnes qui vivent ou s'occupent d'une personne atteinte d'une maladie mentale en ont lourd sur les épaules. Pour éviter de craquer, voici quelques points à éviter, selon Mélanie Tremblay, directrice générale de l'association OASIS santé mentale à Granby et vice-présidente de la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM).

La prise en charge complète de la personne

«C'est un piège! Les proches ont l'impression que c'est de cette façon qu'ils auront du pouvoir sur la maladie: s'assurer que son loyer est payé, que l'épicerie est faite, qu'il prend ses médicaments. Mais ça déresponsabilise la personne atteinte.»

Affronter la personne

«Quand on parle à des gens qui sont psychotiques, qui ont des symptômes très présents, il faut éviter de dire: "Ce n'est pas vrai que tu entends des voix, ce n'est pas vrai qu'il y a quelqu'un qui est menaçant pour toi." Pour la personne qui est malade, c'est bien réel.»

Diagnostiquer son proche

«Avec internet, on a tendance à le faire, ça semble facile. Mais la maladie mentale est difficile à diagnostiquer. Le diagnostic n'est pas une fin en soi. Il faut tout d'abord s'assurer du bon fonctionnement au quotidien de la personne atteinte.»

Être enragé contre le système

«On veut impliquer la famille dans le traitement pour diminuer les risques de rechutes. Si le proche est enragé contre le psychiatre, par exemple, ou une autre personne-ressource, il risque d'être exclu du processus. Le système de santé ne peut pas répondre à tous les besoins. Il faut accepter de prendre ce qui est disponible.»

S'attendre à une guérison

«Certaines personnes me demandent: "Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour qu'il soit guéri?" Il n'y a pas de pilule miracle. La personne atteinte, tout comme le proche, doit apprendre à vivre avec la maladie.»

À éviter en tant que proche 

1. S'isoler.

2. Se victimiser et s'apitoyer.

3. Se sentir responsable de la maladie de son proche.

Où chercher de l'aide?

«Lorsqu'on apprend qu'un proche est atteint de maladie mentale, la détresse est élevée, soutient Christiane Trudel, présidente de la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM) dans le Bas-Saint-Laurent. On ne peut pas rester seul avec ça. C'est important d'aller vers les organismes pour avoir du soutien et de l'information. Si on ne va pas chercher de l'aide, on peut finir par avoir soi-même des problèmes de santé mentale et physique. Plus on attend, plus la détresse et les problèmes augmentent.»

Quelques adresses: 

Montréal

Parents et amis du bien-être mental du sud-ouest de Montréal

www.pabemsom.org/

Greenfield Park

APAMM Rive-Sud

www.apammrs.org

Dorval  

Les Amis de la santé mentale / Friends for mental health

www.asmfmh.org

Sorel-Tracy 

Le Vaisseau d'Or

www.levaisseaudor.org