L'obésité sévère peut être considérée comme un «handicap» si elle rend difficile la vie professionnelle de la personne qui en souffre et être invoquée dans des affaires de discrimination, a jugé jeudi la Cour de justice de l'Union européenne.

La Cour avait été saisie par la justice danoise sur le cas d'un assistant maternel qui estimait avoir été licencié parce qu'il était obèse, avec un poids supérieur à 160 kg.

Cet employé, Karsten Kaltoft, avait saisi la justice pour obtenir des dommages et intérêts de la municipalité de Billund qui l'employait, considérant qu'il avait été victime d'une discrimination illégale fondée sur son obésité.

La justice danoise avait demandé à la Cour de justice de l'UE si le droit européen interdisait la discrimination fondée sur l'obésité et si cette dernière pouvait être considérée comme un handicap.

Pour la Cour européenne, si le droit européen n'interdit pas explicitement la discrimination fondée sur l'obésité, il interdit en revanche la discrimination basée sur le handicap.

Or l'obésité peut «relever de la notion de handicap», juge la Cour. À condition, précise-t-elle, que, «dans des circonstances données, l'état d'obésité du travailleur entraîne une limitation» qui «peut faire obstacle à la pleine et effective participation de cette personne à la vie professionnelle sur la base de l'égalité avec les autres travailleurs et si cette limitation est de longue durée».

«Tel serait notamment le cas si l'obésité du travailleur» entraînait «une mobilité réduite ou la survenance de pathologies l'empêchant d'accomplir son travail ou entraînant une gêne dans l'exercice de l'activité professionnelle», a précisé la Cour.

Pour le tribunal européen, il revient à la justice danoise de déterminer si l'obésité du plaignant relève de cette définition de «handicap».

Le syndicat danois FOA, qui a soutenu la démarche de M. Kaltoft, a accueilli cette décision comme «une grande victoire».

La ville de Billund «a défendu depuis le début que l'obésité de M. Kaltoft ne constituait pas un handicap, car elle était de son fait. La Cour de justice de l'UE a catégoriquement rejeté cet argument», a-t-il souligné.

Jacob Sand, l'avocat de l'employeur, a affirmé que la décision de la Cour protégeait «les travailleurs les plus vulnérables» tout en estimant que l'obésité pouvait constituer un motif de licenciement si l'employé était incapable d'effectuer le travail pour lequel il a été embauché.

«Une personne licenciée parce qu'elle est incompétente ou indisponible pour son poste n'est pas victime d'une discrimination, c'est un motif légitime de licenciement», a-t-il affirmé à l'AFP.

Pour le Forum Britannique anti-obésité (National Obesity Forum), la Cour a «ouvert une boîte de Pandore pour tous les employeurs». «On va leur demander de modifier leur mobilier, d'agrandir leurs portes et de tout adapter en fonction des personnes obèses», a estimé son porte-parole, Tam Fry, qui s'attend à ce que les États membres contestent la décision.

«Je pense que cela va également générer des tensions dans l'entreprise entre les personnes obèses et les autres», a-t-il ajouté.

D'autres, comme Matthew Elliott, directeur général de Business for Britain, se montrent plus sévères avec cette décision. C'est «encore un exemple d'une décision prise sans réfléchir aux conséquences sur le commerce et à l'impact sur l'économie en général», a-t-il déploré.