La «première» cigarette électronique à l'extrait de chanvre est menacée d'interdit par le gouvernement dès sa présentation mardi, pour incitation à la consommation de cannabis, même si son concepteur assure qu'elle est «100% légale».

«Je suis opposée à ce qu'un tel produit puisse être commercialisé en France», a déclaré la ministre de la Santé, Marisol Touraine. «Cela constitue une incitation à la consommation de cannabis (...) potentiellement répréhensible par la loi», a-t-elle estimé sur la radio RTL.

La ministre a demandé à ses services «d'étudier de façon très précise la situation de ce produit» et a affiché «l'intention de saisir le juge pour faire interdire la commercialisation de cette cigarette électronique au cannabis».

Pourtant Antonin Cohen, un des deux concepteurs de l'appareil baptisé Kanavape, a pris soin, mardi, de souligner que cette «e-cigarette» contenant de l'huile de chanvre «n'avait aucun effet psychotique et psychotrope et ne pouvait pas être considérée comme une alternative au pétard».

Dans une présentation devant des journalistes dans un petit théâtre parisien, celui-ci a expliqué que Kanavape, qui ne serait disponible que début janvier, était «100% légal» et en aucun cas un «e-joint», la version cigarette électronique d'un pétard.

«Kanavape est un vaporisateur de chanvre, une variété (de la famille du cannabis, ndlr) qui n'a aucun usage récréatif puisqu'il ne contient pas de THC», le tétrahydrocannabinol qui est le principal principe actif du cannabis avec des effets euphorisants et psychotiques.

Le liquide utilisé par cette cigarette électronique contient une autre substance «cannabinoïde», tirée du chanvre industriel cultivé légalement en Europe: le cannabidiol ou CBD qui est un produit «antipsychotique», «non euphorisant» et «relaxant».

«Les vertus du cannabidiol (CBD) sont nombreuses avec notamment des bienfaits sur le stress, la relaxation, le sommeil», explique la société fondée par Sébastien Béguerie et Antonin Cohen qui militent pour l'usage médical du cannabis.

Antonin Cohen a souligné mardi que compte tenu de la concentration de CBD, les effets seraient «très légers». La cible commerciale: «les consommateurs de cigarettes électroniques» et «tous les gens qui fument du tabac ou d'autres substances».

«Un produit pour faire le buzz»

Les spécialistes des dépendances et même les partisans de l'usage thérapeutique du cannabis s'interrogent sur «l'intérêt» d'un tel produit.

«Ils sortent un produit pour faire le buzz, pour attirer l'attention», affirme Fabienne Lopez, présidente de Principes Actifs, association pour la promotion de l'usage médical du cannabis.

La militante doute de l'effet apaisant d'un tel produit et craint qu'il ne crée la confusion chez des personnes très malades à la recherche de produits antidouleur au moment où arrive en pharmacie le Sativex, le premier vaporisateur à base de cannabis pour soulager les douleurs de type sclérose en plaques (SEP), délivré sur ordonnance.

Le spécialiste des dépendances Laurent Karila est également critique. L'usage du cannabis «est une maladie de l'adolescent et du jeune adulte, le risque de sortir un produit de ce type est que les adolescents se l'approprient», met en garde ce psychiatre de l'hôpital universitaire Paul-Brousse, près de Paris.

Lui aussi s'interroge sur «l'intérêt de sortir un produit de ce type» qui sera perçu par le grand public comme un «joint électronique» et qui risque de «ternir l'image» de la cigarette électronique comme outil nouveau et relativement efficace pour arrêter ou diminuer la consommation de tabac.

L'usage récréatif du cannabis est strictement interdit en France, où il est théoriquement passible d'un an de prison et 3750 euros d'amende.

Une telle sanction reste exceptionnelle. Pour autant, le gouvernement, comme ses prédécesseurs de droite, a toujours rejeté l'idée de sa dépénalisation.

Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, 1,2 million de personnes fument régulièrement du cannabis (plus de 10 fois par mois). Le chiffre d'affaires du trafic est estimé entre 700 millions et 1 milliard d'euros.