Le nombre d'otites est en hausse chez les enfants, qui sont de plus en plus nombreux à fréquenter les garderies alors que leur système immunitaire est peu développé. Heureusement, il existe des solutions pour soigner les enfants... et permettre aux parents d'enfin dormir sur leurs deux oreilles.

Philippe Cloutier ne pouvait pas dire «mal à l'oweille» quand il a eu sa première otite, à 10 mois. Il n'est pas le seul: 60% des bébés font une première otite avant l'âge de 1 an, et 85% avant l'âge de 2 ans, selon le centre hospitalier universitaire mère-enfant Sainte-Justine de Montréal.Y a-t-il plus d'otites qu'avant? «Absolument, répond le Dr Anthony Abela, oto-rhino-laryngologue (ORL) à l'hôpital Sainte-Justine. Malheureusement, les garderies sont nos fournisseurs!»

«On a plus d'otites depuis 10 ou 15 ans, parce que les enfants vont plus systématiquement à la garderie, corrobore la Dre Annie Lapointe, ORL à l'hôpital Sainte-Justine et professeure adjointe de clinique à la faculté de médecine de l'Université de Montréal. Des études épidémiologiques ont démontré que les enfants contractent nettement plus de rhumes par année quand ils fréquentent des garderies où il y a plus de six enfants.»

Parce qu'ils ont plus de rhumes, ces bambins ont plus souvent un surplus de sécrétions nasales, qui s'en va jusqu'aux oreilles par les trompes d'Eustache. «Ça dégénère en otites», résume la Dre Lapointe.

Le pic des otites a lieu quand les bébés ont de 6 à 18 mois, essentiellement parce qu'ils naissent avec une trompe d'Eustache courte et horizontale. «C'est une autoroute pour les sécrétions», explique la Dre Lapointe. Peu à peu, la trompe se redresse - ce qui transforme l'autoroute en difficile chemin de montagne - jusqu'à acquérir sa position définitive vers l'âge de 6 ans.

Au début des années 2000, l'introduction du vaccin conjugué (Prevnar) contre le pneumocoque, qui causait beaucoup d'otites, a fait rêver d'une chute de ces maux d'oreille. Mais la baisse a été minime (environ 6%), parce que ces bactéries ont vite été remplacées par d'autres, lesquelles entraînent aussi leur lot d'otites.

Antibiotiques pas automatiques

Que faire en cas d'otite? «Si l'enfant a plus de 8 mois, qu'il ne fait pas plus de 39 degrés de fièvre, que ses parents sont facilement joignables, on ne le traite plus de façon systématique avec un antibiotique», dit la Dre Lapointe. Des études ont indiqué que de 60 à 70% des otites rentrent dans l'ordre toutes seules, en lavant bien le nez avec du Salinex et en donnant de l'Advil ou du Tylenol. Ça minimise les diarrhées - 11% des traitements antibiotiques pour otite en causent - et l'antibiorésistance.

Des antibiotiques sont donnés en cas de récidive. Si l'enfant fait trois otites et plus en six mois, ou quatre otites et plus en un an, il est considéré comme souffrant d'otites à répétition. Encore là, la prévalence est élevée : de 20 à 30% des enfants font des otites à répétition, selon une étude parue dans The Pediatric Infectious Disease Journal.

Trois options s'offrent à eux:

1. continuer de traiter les otites à la pièce, avec un antibiotique ;

2. donner un antibiotique en prophylaxie, pour nettoyer la flore, au risque de créer de la résistance ;

3. installer des tubes dans les tympans, sous anesthésie locale ou générale.



Le tube, un deuxième trou d'aération


Oubliez l'image d'érables dont la sève coule dans de longs tuyaux, au printemps. Les tubes sont très petits (leur ouverture est de 1,24 mm) et ne dépassent pas des oreilles. «Ces tubes sont un deuxième trou d'aération de l'oreille, en plus de la trompe d'Eustache, explique la Dre Lapointe. L'oreille moyenne est un peu comme une boîte de conserve de jus de tomate ou de sirop d'érable: si on fait un seul trou, ça coule un peu, mais avec un deuxième trou, ça se met à couler beaucoup plus.»

Grâce aux tubes, les sécrétions qui vont dans l'oreille peuvent donc retourner vers le nez, ou sortir carrément de l'oreille. «Dès qu'on voit un écoulement de l'oreille, que ce soit du sang ou des sécrétions, on applique des gouttes antibiotiques dans l'oreille et ça guérit, indique le Dr Abela. Ces antibiotiques ne pénètrent pas dans tout le corps, c'est un grand avantage.»

Ces tubes sont donc aussi magiques qu'on le dit? «Oui, c'est vraiment magique, dit en riant la Dre Lapointe. C'est très simple et ça améliore énormément la qualité de vie des enfants et de leurs parents. Dans notre société, où les deux parents travaillent, où les enfants vont en garderie, c'est un outil essentiel, parce que ça contourne le problème des trompes d'Eustache horizontales.»

Le tympan expulse généralement les tubes de 6 à 18 mois après leur pose. «Ça laisse le temps aux enfants de vieillir, si bien que c'est seulement dans 10 à 30 % des cas qu'on doit mettre des tubes une deuxième fois», dit la Dre Lapointe.

En chiffres

• L'otite est l'infection bactérienne la plus courante chez les enfants.

• 50% des enfants font plus de trois otites avant l'âge de 2 ans.

• Près de 90% des enfants font une otite avec épanchement (accumulation de liquide dans l'oreille moyenne) avant leur entrée à l'école.

• La saison des otites va de septembre à juin, comme celle des rhumes.

• 76 % des otites sont précédées d'une infection des voies respiratoires supérieures (rhume).

Sources: CHU Sainte-Justine, Le Médecin du Québec, mémoire de maîtrise en sciences biomédicales présenté par Marie-France Stephenson à l'Université de Montréal