La France veut limiter la prescription des pilules contraceptives de 3e et 4e génération, qui présentent des risques vasculaires accrus, alors que l'Agence européenne du médicament (EMA) a, elle, affirmé que les femmes n'avaient aucune de raison d'arrêter ces contraceptifs.

La ministre de la Santé, Marisol Touraine a annoncé vendredi la mise en place d'un «dispositif» pour réduire en France la prescription de ces pilules ainsi que la saisine de l'EMA, après le dépôt à la mi-décembre d'une première plainte d'une femme victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) imputé à une pilule de 3e génération.

«La pilule de 3e génération doit, dès maintenant, être uniquement prescrite en deuxième intention» (deuxième option), alors que celle de deuxième génération, présentant moins de risques, doit être le «premier choix», a martelé la ministre.

L'EMA va être saisie par l'Agence française du médicament, l'ANSM, pour que soient «restreintes» les autorisations de mise sur le marché (AMM) des pilules de 3e et 4e génération, lancées dans les années 90 et censées réduire l'éventuelle prise de poids et les problèmes de peau.

Devançant la demande française, l'EMA a souligné vendredi matin qu'il n'existait actuellement «aucune nouvelle preuve suggérant un changement dans le profil de sécurité connu des pilules combinées commercialisées actuellement».

«Il n'y a de ce fait aucune raison que les femmes arrêtent leur contraception», a ajouté l'EMA dans un communiqué, qualifiant de «très rare» le risque de formation de caillots sanguins découlant de la prise de pilule.

Les données mises en avant par les autorités sanitaires françaises font état d'un risque de thrombose veineuse (pouvant aller jusqu'à l'embolie pulmonaire) deux fois plus élevé pour les pilules de 3e et 4e génération par rapport à celles de 2e génération.

À noter que la grossesse induit naturellement un risque de thrombose encore supérieur à celui des pilules de 3e génération.

Ces données sont communes à tous les pays. Mais la France, tout comme la Belgique, a un taux très élevé de prescription de pilules de 3e génération: la moitié des cinq millions de femmes sous pilules les utilisent.

«Ces pilules ont pris dans notre pays une place excessive qui doit être aujourd'hui ramenée à de justes proportions», a souligné Mme Touraine.

Pour plus de contrôle, les médecins devront «justifier» les nouvelles prescriptions de pilules de 3e ou 4e génération qu'ils signent, a indiqué le directeur de l'ANSM, Dominique Maraninchi.

Pour les 2,5 millions de femmes qui prennent actuellement une pilule de 3e ou 4e génération, il est conseillé de «rediscuter de leur contraception avec leur médecin traitant lors d'une prochaine consultation, sans panique», a ajouté le directeur de l'ANSM, jugeant au passage «probable qu'elles soient amenées à garder la même pilule surtout si elles la supportent bien».

Depuis 1985, l'agence du médicament a recensé 567 déclarations d'accidents liées aux pilules --43 % pour les pilules de 2e génération sur le marché depuis les années 70 et 43 %  pour celles de 3e génération -- avec un total de 13 décès (1 pour la 1e génération, 6 pour la 2e, 4 pour la 3e et 2 pour la 4e).

La faiblesse du nombre d'incidents signalés fait dire à Mme Touraine «qu'à l'évidence, le système de pharmaco-vigilance» par lequel un accident est notifié «est imparfait» et qu'il faut «l'améliorer et le simplifier».

La ministre entend aussi jouer la carte de la «transparence» et «rendre publiques les données sur les effets indésirables», notamment la future étude demandée à l'ANSM pour «réévaluer le rapport bénéfice/risque» de ces pilules.

La CSMF, premier syndicat de médecins libéraux, a critiqué l'annonce du gouvernement estimant qu'il n'assumait pas ses responsabilités.