Selon une étude de l'Université Concordia, les fumeurs de 25 à 44 ans restent généralement insensibles à l'augmentation du prix des cigarettes.

Cette mesure de santé publique adoptée depuis longtemps par les gouvernements pour encourager les citoyens à écraser, soit l'augmentation de la taxation des cigarettes, n'inciterait en effet pas tant de fumeurs à rompre avec leur funeste habitude. Cette étude menée par deux économistes de l'Université Concordia et publiée dans l'International Journal of Environmental Research and Public Health montre qu'à long terme, seuls les gagne-petits et les représentants de la classe moyenne ont tendance à arrêter de fumer quand il y a majoration des taxes. La mesure ne suffit pas à persuader les 25-44 ans ou les mieux nantis.

«Nous avons découvert que les personnes entre deux âges, soit le groupe de fumeurs le plus important de notre échantillon, se montrent particulièrement insensibles aux hausses de taxes sur les cigarettes. Cette conclusion contredit la plupart des recherches effectuées jusqu'à présent», résume Sunday Azagba, auteur principal de l'étude et doctorant au Département de sciences économiques de l'Université Concordia.

«La taxation est préconisée par les décideurs comme principale mesure antitabac. Cependant, son efficacité dépend largement de la réaction des fumeurs.»

Les chercheurs ont colligé les données de Statistique Canada et, plus particulièrement, celles des années 1998-1999 à 2008-2009 dans le cadre de l'Enquête nationale sur la santé de la population. Ils ont ensuite analysé trois catégories de fumeurs quotidiens: les 12-24 ans, les 25-44 ans et les 45-65 ans.

Selon une théorie généralement admise par les décideurs, plus le prix des cigarettes est élevé, plus les fumeurs cibles, les élèves du secondaire notamment, réduisent leur consommation. «Dans l'ensemble, les fumeurs des groupes socioéconomiques les plus faibles se révèlent plus sensibles au prix que ceux des classes aisées», explique Mesbah Sharaf, coauteur de la recherche et lui aussi doctorant au Département de sciences économiques de l'Université Concordia. «Ainsi, une hausse de 10 % du paquet de cigarettes sous forme de taxes entraîne une diminution d'environ 2,3 % du tabagisme.»

Par ailleurs, les chercheurs ont constaté que les personnes qui ont effectué des études postsecondaires ont moins tendance à fumer que celles qui n'ont pas terminé le secondaire.

Portrait canadien, portée internationale

Les coûts substantiels - sociaux, économiques et sanitaires - du tabac ont amené de nombreux pays à imposer des taxes toujours plus élevées sur les cigarettes dans l'espoir de réduire le tabagisme. Selon l'Organisation mondiale de la santé, cinq millions de personnes meurent chaque année dans le monde des suites d'une maladie liée au tabagisme. Ce nombre pourrait passer à huit millions d'ici 2030.

Au Canada, les cigarettes sont taxées à la fois par le gouvernement fédéral et les provinces. Le nombre d'adeptes de la cigarette est en déclin depuis plus de deux décennies, et M. Azagba souligne que «le plus faible pourcentage de fumeurs se trouve chez les femmes mariées, plus âgées, mieux éduquées et bien nanties».

Sunday Azagba et Mesbah Sharaf, «Cigarette Taxes and Smoking Participation: Evidence from Recent Tax Increases in Canada», International Journal of Environmental Research and Public Health, mai 2011.