Une perte des cheveux à 20 ans doublerait le risque de cancer de la prostate, selon une étude française dont les résultats pourraient contribuer à mieux cibler le dépistage de ce cancer, aujourd'hui controversé.

Le cancer de la prostate et l'alopécie androgénique -la perte des cheveux très précoce- ont en commun l'influence des hormones masculines (androgènes). Mais de précédentes études sur un lien entre alopécie précoce et cancer de la prostate ont donné des résultats contradictoires, deux d'entre elles montrant une augmentation du risque de cancer en lien avec la chute des cheveux, mais une troisième montrant l'inverse.

L'équipe du Pr Patrice Giraud (hôpital européen Georges Pompidou, HEGP, Paris) a mené une nouvelle étude, rétrospective, comparant 388 hommes avec un cancer de la prostate suivis à l'HEGP, à l'Institut Curie (Paris) et à l'Institut Claudius Regaud (Toulouse) à 281 «cas témoins», indemnes de cancer.

Les participants ont été invités à décrire leur niveau de calvitie, à l'aide d'images types, à 20, 30 et 40 ans.

Les résultats ont montré que les hommes atteints d'un cancer de la prostate étaient deux fois plus susceptibles d'avoir présenté une calvitie à l'âge de 20 ans.

Pour les autres âges, l'étude n'a pas permis de faire ressortir un lien «statistiquement significatif», a indiqué à l'AFP le Pr Giraud. «On se souvient très bien quand on perd ses cheveux à 15 ou 20 ans. À partir de 30 à 40 ans, l'interrogatoire est un tout petit peu plus compliqué».

Le radiothérapeute s'est voulu rassurant : «ce n'est pas parce que les gens perdent leurs cheveux à 20 ans qu'ils auront un cancer», a-t-il souligné. Il a également fait remarquer que les résultats doivent être validés sur des populations plus importantes.

Pour le Pr Giraud, l'intérêt essentiel de cette étude, publiée dans la revue de la Société européenne d'oncologie médicale, Annals of Oncology, est d'ouvrir la voie à un dépistage mieux ciblé du cancer de la prostate.

«Le dépistage actuel est très décrié, car on craint qu'un dépistage de tous les hommes de 50 ans, sans autres critères que leur âge, conduise à surtraiter», a-t-il rappelé.

«Les conclusions de l'étude, c'est que dès lors qu'un lien est validé entre perte des cheveux et cancer de la prostate, il faudrait peut-être orienter ces gens plus précocement vers le dépistage», a-t-il déclaré. Un homme sur deux perd ses cheveux, mais parmi les 50% des hommes qui les perdent, seulement 10 à 15% présentent une alopécie androgénique, a précisé le Pr Giraud.

L'équipe française envisage également la possibilité de prévenir le risque de cancer. Une molécule utilisée dans l'hypertrophie de la prostate, la finastéride, vient en effet d'être commercialisée, à un dosage plus faible, pour ralentir la chute des cheveux.

«Chez les hommes présentant une alopécie androgénique, on pourrait imaginer, avec toutes les précautions d'usage, que si on donnait de la finastéride à faible dose, ça permettrait peut-être de réduire leur risque de cancer de la prostate plus tard», a expliqué le Dr Giraud.

Début décembre, une étude publiée dans le British Journal of Cancer avait montré que les hommes dont l'index est plus long que l'annulaire présentent moins de risque de développer un cancer de la prostate, la longueur des doigts étant liée au niveau de testostérone avant la naissance. La taille des doigts pourrait ainsi être également utilisée pour optimiser le dépistage.