Contrairement à ce que clame le Collège des médecins du Québec depuis une semaine, l'enquête sur les mammographies d'un radiologiste de 77 ans n'a pas été ouverte grâce à des mécanismes de surveillance, mais plutôt à la suite de la plainte d'une patiente, a appris La Presse. La plainte remonte à juin 2010 et aurait été suivie par cinq autres plaintes, ce qui a finalement convaincu le Collège d'ordonner la révision de 15 000 mammographies et de l'annoncer publiquement, jeudi dernier.

Louise Moreau, 53 ans, est à l'origine de l'une de ces plaintes. La femme a passé une mammographie à la clinique Radiologie Fabreville, de Laval, en janvier 2010, en vertu du Programme de dépistage du cancer du sein. À la lecture de l'examen radiographique, le Dr Raymond Bergeron, le radiologiste aujourd'hui visé par l'enquête, lui avait fait savoir que tout était normal.

«Il est complètement passé à côté», affirme Mme Moreau, aujourd'hui en rémission après des traitements en chimiothérapie et en radiothérapie. Elle raconte qu'elle pouvait palper une masse à son sein droit et qu'elle s'est mise à vraiment s'inquiéter quand plusieurs masses ont fait leur apparition. Son conjoint, qui est omnipraticien, le Dr Jacques Bélanger, lui a alors conseillé de retourner consulter le Dr Bergeron. C'était au mois de mai, soit près de cinq mois après la première mammographie.

«Il m'a fait passer un autre examen. Et il m'a dit: «Dormez sur vos deux oreilles, ma petite madame, vous reviendrez me voir dans six mois»», se rappelle Mme Moreau.

Elle n'a pas attendu six mois. Sur les recommandations de son conjoint, elle a consulté un autre radiologue. La Dre Lucie Lalonde a rapidement diagnostiqué un cancer du sein sévère, rendu à un stade avancé. «Si je n'étais pas intervenu, ma conjointe ne serait pas là pour vous en parler aujourd'hui, estime le Dr Bélanger. Selon moi, il est clair qu'on a voulu se faire du capital politique au gouvernement avec cette affaire-là, en omettant de parler de la plainte à l'origine de l'enquête.»

Le Collège

Au Collège des médecins, la coordonnatrice aux relations publiques, Leslie Labranche, a coupé court à une demande d'entretien avec le président, le Dr Charles Bernard, nouvellement nommé à la tête de l'ordre, en expliquant que les plaintes sont confidentielles. «Elles deviennent publiques quand elles sont transmises au conseil de discipline», a-t-elle ajouté. Selon nos informations, le conseil d'administration devait se réunir, hier après-midi, pour faire le point sur les informations véhiculées publiquement la semaine dernière, louangeant le programme de surveillance.

Ce n'est pas la première fois que le Collège des médecins est éclaboussé par son mécanisme de surveillance professionnelle auprès de ses médecins. En 2006, lors d'une enquête similaire menée sur des milliers de mammographies réalisées à Saint-Eustache, il avait fallu les plaintes de deux patients pour que le Collège intervienne, ce qui avait semé la consternation.

Quant à Mme Moreau, elle s'estime choyée d'avoir un conjoint médecin et n'entend pas déposer de poursuite au civil contre le radiologiste, le Dr Raymond Bergeron, aujourd'hui âgé de 77 ans.

«Il a déjà été un bon radiologiste, mais aujourd'hui il a des problèmes de santé. Le grand responsable, c'est son employeur, donc le gouvernement, qui avait la responsabilité de s'assurer de ses compétences. On demande aux conducteurs âgés de passer des examens afin de conserver leur permis de conduire, et je me dis que ça devrait être la même chose pour les médecins.»

Au Québec, 2183 médecins actifs sont âgés de 65 ans et plus. Mais contrairement aux dentistes qui doivent se soumettre à des évaluations tous les cinq ans, il n'y a pas de processus officiel de vérification de leurs compétences.

Néanmoins, le syndic du Collège mène environ 2000 enquêtes par année, précise Leslie Labranche, du Collège des médecins. «De ce nombre, environ 30% sont transférées au comité d'inspection professionnelle. Les médecins de ce comité visitent environ 150 médecins par année, et vont dans une vingtaine d'établissements pour s'assurer des compétences des médecins. Ceux qui ont plus de 35 années de service sont plus susceptibles de recevoir une visite.»