Myopes, presbytes ou autres hypermétropes peuvent aujourd'hui acheter des lunettes ou des lentilles sur des sites Internet basés en France, un marché émergent que le ministère de la Santé entend bien réglementer.

L'argument commercial massue des sites qui fleurissent ces derniers temps (happyview.fr, easy-verres.com, candelens.com) est le prix, avec une économie annoncée de 30 à 60% par rapport à un achat en magasin.

Les sites contactés par l'AFP assurent agir en toute légalité, dans le respect du Code de Santé publique.

Le ministère de la Santé reconnaît le flou de la situation française, qui n'interdit pas la vente sur Internet de produits d'optique, considérés comme des «dispositifs médicaux», mais n'en définit pas précisément les conditions. Une réglementation spécifique est donc en cours d'élaboration avec les professionnels concernés.

Le consommateur, expliquent les responsables de ces sites, peut obtenir un remboursement par l'assurance maladie et/ou l'assurance complémentaire santé, comme en magasin : sur présentation d'une ordonnance, le site de vente en ligne fournit feuille de soins et/ou facture.

Mais, tout en reconnaissant que la vente sur Internet et le low cost sont «des modèles économiques émergents» auxquels on peut difficilement s'opposer, opticiens et ophtalmologistes invitent à la prudence et appellent de leurs voeux une réglementation pour assurer la sécurité du consommateur et la qualité du service.

Les responsables des sites de vente en ligne parent aux critiques en présentant tout un éventail de garanties, avec, au premier chef, un service de conseils assuré par un opticien diplômé, joignable par courrier électronique ou téléphone.

Le président du Syndicat des Opticiens sous Enseigne, Christian Roméas, juge pour sa part «impératif un contact physique avec un opticien».

«L'opticien, on peut ne pas l'aimer, mais on en a besoin», reconnaît Jean Polier, co-fondateur d'Easy-verres.com, qui propose une formule originale : on choisit et commande ses verres correcteurs sur Internet, mais le montage est assuré par un opticien partenaire, en boutique. Le site s'est assuré le concours de quelque 600 opticiens «pro-Internet» sur les 11.000 installés en France, de quoi composer «un réseau assez dense», même s'il peut exister quelques zones blanches.

Pour Jean Polier, ce système a l'avantage de permettre une prise de mesures (écart pupillaire notamment) et un ajustage des lunettes corrects, par un professionnel.

«Il y a des gens qui ont mal à la tête, mal aux yeux, passent des scanners..., alors que c'est simplement parce que leurs lunettes ne leur vont pas», témoigne l'ophtalmologiste Martine Cros Boidevezi, pour qui l'opticien reste «un relais indispensable», y compris pour l'achat de lentilles de contact.

Yann Nouchy, fondateur de Candelens, qui se présente comme le premier site de ventes de lentilles de contact «agréé en France», souligne que les commandes sont vérifiées par un opticien. «Nous refusons les primo-porteurs», précise-t-il, estimant que l'adaptation des lentilles chez des personnes qui n'en n'ont jamais portées, ne peut se faire qu'en «face à face».

Spécialiste des lentilles de contact, le docteur Cros Boidevezi met particulièrement en garde contre les risques de contrefaçon et de mésusage de ces produits. «On les met sur des yeux qui ont une espérance de vie de 85 ans et qu'on ne peut pas remplacer», martèle-t-elle.