Les buveurs modérés bénéficient d'une meilleure santé que les non buveurs et les gros buveurs, sans qu'on puisse l'attribuer directement à leur consommation d'alcool, selon une étude française.

«Il faut qu'on arrête de justifier la consommation modérée d'alcool par un argument santé», martèle l'endocrinologue Boris Hansel (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) qui a conduit l'étude publiée mercredi par la revue spécialisée European Journal of Clinical Nutrition.Son équipe a analysé les données cliniques et biologiques de près de 150 000 adultes (97 406 hommes et 52 367 femmes) ayant réalisé un bilan médical au Centre d'investigation clinique de Paris entre 1999 et 2005. La moyenne d'âge était de 47,6 ans pour les hommes et 47 ans pour les femmes.

Dans cette population, 13,7% des hommes et 23,9% des femmes étaient non buveurs. L'étude a montré que la consommation d'alcool augmentait avec l'âge. A l'exception des moins de 30 ans, le vin était la boisson le plus largement consommée.

IMC (indice de masse corporelle), facteurs de risque cardio-vasculaires, stress, dépression, capacité respiratoire : tous ces indicateurs sont meilleurs chez les gens qui boivent modérément (autour de deux verres par jour) que chez ceux qui ne boivent pas ou qui boivent beaucoup.

Mais d'autres indicateurs, pas ou peu pris en compte dans les études d'observation précédentes, sont eux aussi meilleurs chez les buveurs modérés, comme le niveau d'activité physique et surtout le niveau socio-professionnel.

«Il n'y a aucune raison de penser que l'alcool augmente le niveau socio-professionnel», explique à l'AFP le Dr Hansel.

«Ce qu'on voit ici clairement, c'est que les buveurs modérés sont des gens qui par ailleurs ont un mode de vie plus sain», indique ce spécialiste de la prévention cardio-vasculaire.

«Le fait de boire modérément est un marqueur de meilleur niveau social, de meilleur mode de vie, un marqueur de santé a priori», poursuit-il.

Parmi les hypothèses possibles, les différences de modes de vie semblent déterminantes. «Indépendamment de tout, un cadre supérieur ne vit pas du tout de la même manière qu'un ouvrier», souligne le Dr Hansel.

La maîtrise de la consommation d'alcool pourrait aussi témoigner d'un patrimoine génétique, avec une meilleure capacité à gérer l'addiction.

A contrario cette nouvelle étude ne montre pas un rôle délétère de l'alcool. Elle ne permet pas non plus d'éliminer un éventuel effet protecteur sur la santé cardiovasculaire. Pour le Dr Hansel, il est «irréaliste» qu'on puisse faire un jour une étude alcool contre placebo comparant les événements cardiovasculaires.

Il estime que les travail des médecins parisiens «ne clôt pas le débat» quasi passionnel en France sur le rôle protecteur supposé d'une consommation raisonnable d'alcool, et en particulier de vin.

«Mais on veut vraiment alerter», dit-il, estimant que l'argument santé en faveur de l'alcool «n'est pas du tout justifié aujourd'hui».

Pour le Dr Hansel, il ne s'agit pas d'interdire l'alcool, mais de «bien distinguer la raison pour laquelle on boit». «Boire pour la santé, non, boire un petit peu pour le plaisir, oui», dit-il.