Vendredi soir, sortie du bureau à 19h. Vous êtes crevé. Vous voudriez terminer tel dossier pour avoir l'esprit libre, mais vous devez rentrer à la maison. Il faut faire les bagages et remplir la voiture: vous avez promis aux enfants de partir à 5h le lendemain matin en direction des plages du Maine.

Deux semaines de vacances et dépenser 2500$? Et avoir deux fois plus de travail quand ce sera le temps de retourner au boulot? Pour certains parents, l'arrivée des vacances est une source de stress. Pour d'autres, cela n'en vaut même pas la peine.

Un sondage mené au printemps dernier par Expedia indique que 39% des Québécois et 53% des Canadiens ne profitent pas de tous les jours de vacances qui leur sont accordés. Si 28% des Québécois ont du mal à faire fi du stress relié au bureau quand ils sont en vacances, 5% affirment qu'ils ont trop de responsabilités au travail pour s'arrêter. Parmi les Québécois sondés, 17% ont déjà annulé des plans de vacances en raison du travail.

Marie Claude Lamarche, psychologue spécialisée en santé psychologique au travail, cite en exemple le cas hypothétique d'un jeune travailleur qui vient de faire des investissements importants pour ouvrir un bureau et travailler à son compte. «Le concept de vacances pour les travailleurs autonomes, c'est de l'argent qui n'entre pas. Partir deux semaines, c'est 5000$ de dépenses et 5000$ de perte de revenus, donc 10 000$ sur la marge de crédit», souligne-t-elle.

Dans les milieux compétitifs, des gens peuvent craindre d'avoir «un couteau dans le dos» à leur retour, poursuit-elle. Tandis que chez les nouveaux parents, partir loin de la maison peut être synonyme de complications plutôt que de repos.

Quand sa fille avait 4 mois, Mme Lamarche et son conjoint sont partis en voiture vers les plages de la côte Est américaine, comme ils en avaient l'habitude. «Elle a hurlé jusqu'à Kennebunk», raconte Mme Lamarche.

Il existe des formules simples pour décrocher, fait valoir la psychologue. Dans un camping familial situé à 45 minutes de la maison, par exemple. Tout est une question d'organisation et de planification.

Organiser son départ du bureau

Luc-Richard Poirier est le président fondateur d'intelligenceSanté, qui offre aux entreprises une conférence intitulée «Osez se décrocher de vraies belles vacances». Il remarque que des gens stressent à l'idée d'être en vacances, car ils mettent le pied sur l'accélérateur quand ils sont en congé. Ils remplissent leur agenda, ce qui les empêche de lâcher prise. «On a tendance à prendre notre modèle professionnel structuré, axé sur la performance, et à l'appliquer à nos vacances. Je dis à ces gens-là: les plus beaux soupers, ce sont les soupers imprévus.»

C'est aussi une question de personnalité, souligne-t-il. «Il y a des gens qui ont de la difficulté à déléguer. Il y a aussi des workaholics, qui ne sont pas capables de décrocher. Je leur dis: votre entreprise va continuer à rouler si vous n'êtes pas là.»

Partir en vacances, ça s'organise au bureau, ajoute M. Poirier. «Avez-vous cherché quelqu'un pour vous remplacer? Il y a des gens qui disent: je reviens et j'ai 364 courriels. Avez-vous mis une réponse automatique disant que vous êtes en vacances? Avez-vous averti vos plus importants clients?»

Il faut aussi prévoir du temps pour se reposer pour arriver au bureau frais et dispos. Revenir de voyage le dimanche soir à 23h et retourner au bureau le lundi matin à 7h, ce n'est pas une bonne idée.

Et le BlackBerry ou le cellulaire, on l'emporte avec soi ou on le laisse à la maison? Selon Marie Claude Lamarche, son propriétaire doit se demander si le besoin de décrocher est plus important que la demande du patron ou l'occasion d'avoir un nouveau client. «Physiquement, la personne est à la plage, mais mentalement, elle est revenue au bureau», indique-t-elle. D'un autre côté, «il y a des gens qui ne partiraient pas s'ils ne pouvaient pas être en contact».

Mais peut-être que la personne n'a pas vraiment le choix. «Il y a beaucoup de gestionnaires à sensibiliser, signale M. Poirier. L'été est une période à risque pour les entreprises, car les gens sont en vacances et se demandent: «Est-ce que j'aime mon travail?»

C'est à l'image d'une personne qui a des doutes sur son couple et part en voyage pour voir si elle s'ennuiera de son conjoint ou non, illustre Marie Claude Lamarche.

«Pour décrocher de ton travail, il faut que tu y sois accroché. Il faut que tu l'aimes», conclut Luc-Richard Poirier.