Les vertus antidouleur du froid sont connues depuis toujours. Vers 400 ans avant notre ère, Hippocrate en faisait déjà mention dans ses écrits. Qui n'a jamais appliqué de LA glace sur un muscle endolori? Grâce aux derniers progrès technologiques, le froid thérapeutique se donne désormais des airs de science-fiction: chambre froide à - 110 º C, hibernation artificielle et pistolet à froid. Cessons donc de rechigner et saluons le retour du froid hivernal! Brrrr...

Vous connaissez la cryothérapie extrême? Pendant quelques minutes, le corps entier est exposé à -110ºC ou moins. L'effet brutal du choc thermique est, dit-on, saisissant, vivifiant et même curatif. Cette nouvelle approche est surtout utilisée en Allemagne et en Europe du Nord. À quand des caissons froids au Québec?

 

Vêtu d'un maillot de bain, l'utilisateur entre dans un bunker de 5 mètres cubes qui ressemble à un sauna vitré. Les extrémités du corps sont couvertes pour éviter les engelures: on porte une tuque, des mitaines, des chaussures et un masque chirurgical. La petite pièce peut accueillir deux ou trois participants. À l'extérieur, une personne surveille le tableau de bord et supervise la séance. La température cutanée passe de 32ºC à 5ºC, celle du corps baisse de 0,5º.

«Au bout de 30 secondes, la morsure du froid devient douloureuse et, à la fin de la première minute, on est glacé jusqu'à la moelle: on croirait être sorti complètement dévêtu un jour où il gèle à pierre fendre. Ce froid de loup vous brûle et semble vouloir faire exploser vos os mais, heureusement, la séance se termine», raconte le journaliste russe Vladimir Emelianenko, cité dans le Courrier international. Il a testé la cryothérapie du corps entier à - 170ºC à l'Institut de médecine cybernétique de Moscou.

Les vertus antidouleur du froid sont connues depuis longtemps. Des papyrus égyptiens en faisaient mention. Vers 400 ans avant J.-C., Hippocrate évoquait, dans ses écrits, l'usage de la glace et de la neige à la suite de traumatismes. Qui n'a jamais appliqué du froid sur une entorse ou un muscle endolori? Nouvelle venue, la cryothérapie du corps entier, inspirée des travaux du Japonais Toshiro Yamauchi en 1978, compte de plus en plus d'adeptes. En Allemagne seulement, il y aurait 80 «caissons froids».

«La cryothérapie du corps entier est utilisée depuis les années 80 auprès de patients souffrant de douleur chronique et de rhumatismes dégénératifs et inflammatoires. Mais de plus en plus de sportifs y ont recours pour améliorer la récupération à l'effort», explique à La Presse le Dr Laurent Savalli, joint au Centre européen de rééducation du sportif (CERS) à Cap-Breton, en France. Depuis 2004, il y utilise l'unique caisson froid de l'Hexagone. Sa clientèle: essentiellement des athlètes.

Mieux que le traditionnel bain de glace après un match? «Les équipes sportives utilisent beaucoup les bassines d'eau glacée après les entraînements. Ça élimine les courbatures et favorise la récupération musculaire. Avec la cryothérapie, c'est la même chose, mais l'effet est amplifié parce qu'elle agit sur tout le corps. L'air froid est plus tolérable, moins douloureux», explique le Dr Savalli.

On peut même s'attendre à une amélioration de la performance sportive si la cryothérapie est plutôt utilisée avant un sport d'endurance, suggèrent des chercheurs allemands. Dans une étude publiée en 2004, ils ont noté une réduction de la fréquence cardiaque chez de jeunes sportifs lors d'un test d'endurance de 26 minutes après une courte exposition à - 110 C. L'équipe irlandaise de rugby a adopté cette approche lors de la Coupe du monde en 2007.

Au CERS, la cryothérapie est prescrite aux athlètes blessés ou en convalescence après une opération. Selon les travaux du Dr Savalli, les douleurs diminuent dans les trois à six heures suivant une séance de froid. «L'effet est temporaire, mais ça peut aider à tolérer des traitements de physiothérapie», souligne-t-il. Lors d'un traumatisme musculo-squelettique, le spasme lié au froid peut réduire l'hémorragie.

«On pense que, lorsque la température cutanée descend sous - 13 º C, il y a un ralentissement de la conduction nerveuse», indique-t-il. Avec des cures répétées, les patients souffrant de douleur chronique, de psoriasis ou de rhumatismes consommeraient moins d'antalgiques.

De bonne humeur

Si les études sont encore peu nombreuses et contradictoires sur la cryothérapie du corps entier, les effets sur l'humeur et le bien-être sont assez bien documentés. «Les mécanismes d'action sont peu connus. On pense que le choc thermique que subit la peau a des effets sur le cerveau, sur la production d'endorphines.» Au CERS, on a aussi observé un soulagement des troubles du sommeil. «Ça reste à confirmer», note le Dr Savalli.

Le froid force le corps à réagir d'urgence. Le métabolisme s'emballe devant un danger qu'il n'a pas le temps d'identifier et hausse sa production d'anticorps. Comme lors d'une fièvre. «La cryothérapie pourrait aider à régulariser un système immunitaire déficient, mais ce n'est qu'une hypothèse. C'est mal connu», souligne-t-il.

Les Russes offrent même des soins esthétiques par cryothérapie. «Plongé dans le froid, l'organisme se met à brûler beaucoup de calories, ce qui fait perdre aux patients entre 1,5 et 3 kg par cure», peut-on lire dans le Courrier international. Parce que l'organisme va puiser dans ses réserves de graisse, même la cellulite diminue, indique la chercheuse Anna Sannikova, de l'Institut de médecine cybernétique de Moscou. «Je suis sceptique», rétorque pour sa part le Dr Savalli.

Un soin de santé de demain, la cryothérapie? «Il y a encore beaucoup de réticences, dit-il. Plus il y aura d'études, plus elle sera acceptée et répandue.»