Les forfaits d'épilation se vendent à des prix dérisoires sur les sites d'achats groupés comme Tuango ou Groupon, et ils font fureur sous le sapin. Mais le prix à payer, quand les choses tournent mal, est énorme. Et il ne se calcule pas toujours en dollars. Récit d'une aubaine qui pourrait modifier votre liste de Noël.

Le forfait est génial, le service aussi, mais du jour au lendemain, la porte d'un salon d'esthétique est barrée. Que faire? Se croiser les doigts. Ou presque.

Parlez-en à Lydia Riel, qui a essayé, deux fois plutôt qu'une, de profiter d'un forfait d'épilation qu'elle avait acheté sur un site d'achats groupés. La première fois, la jeune femme a payé 279$ pour l'épilation de trois zones à la lumière pulsée dans une clinique de Québec. «J'essayais de prendre mes rendez-vous, mais je tombais tout le temps sur la boîte vocale, se rappelle-t-elle. Quand j'ai finalement joint quelqu'un, on m'a dit qu'il n'y avait pas de place pour moi.» Frustrée, Lydia a porté plainte à Tuango, le site sur lequel elle avait acheté son forfait. On l'a remboursée. Au passage, le site d'achats groupés a indiqué avoir reçu quelques plaintes à propos de ce salon de la Grande-Allée.

Et pour cause. Chez Tuango, on remarque que, des 2000 commerces qui annoncent des forfaits en ligne, de 5 à 10 ferment leurs portes tous les ans, surtout des restaurants et des salons de beauté. Chez Option consommateurs, l'avocate Dominique Gervais parle plutôt d'une ou deux plaintes par mois, un problème qu'elle qualifie de récurrent.

Des changements de prestations hasardeux

Malgré sa mauvaise expérience, Lydia a racheté un forfait semblable. Mais cette deuxième tentative s'est finalement révélée pire que la première. «J'ai eu trois séances. À la quatrième, ç'a été vraiment long avant que j'obtienne un rendez-vous. On m'a d'abord dit que la machine était brisée, puis que le système au complet ne fonctionnait plus, relate la jeune femme. Après plus d'un mois, on m'a dirigée vers une autre clinique.» Lydia, qui avait payé 279$ pour huit traitements à la lumière pulsée (IPL), s'est alors fait offrir un autre type d'épilation. «La nouvelle clinique faisait de l'épilation au laser, et je n'en voulais pas. En plus, on m'a dit que j'avais droit à deux traitements seulement, parce que le laser est deux fois plus fort que l'IPL.»

Or, c'est faux, complètement faux, rétorque le dermatologue Daniel Barolet, qui reçoit toutes les semaines des patients souffrant des effets secondaires de l'épilation. «Comparer le laser à la lumière pulsée, c'est comme comparer un tireur d'élite à un bazooka», a-t-il déjà expliqué à La Presse. Avec le laser, des rayons d'une longueur d'onde unique ciblent le pigment du poil pour le détruire. La lumière pulsée, en revanche, est issue d'une lampe flash qui envoie des photons de différentes longueurs d'onde.

Consciente de la différence entre les deux types de traitements, Lydia a refusé le nouveau forfait qu'on lui offrait. Elle a envoyé un autre courriel à Tuango. «Nous sommes désolés pour cette situation», a écrit une représentante de ce site, dans un courriel que La Presse a obtenu. «Malheureusement, il n'est pas possible de procéder à un remboursement puisque la clinique a déjà reçu les recettes des offres vendues. Cependant, pour pallier cette situation, même si vous avez utilisé une partie de votre coupon, nous pouvons créditer votre compte Tuango du montant de 100$.» Lydia a accepté le crédit de 100$, offert sans date d'expiration. Mais elle ne compte pas l'utiliser pour se faire épiler. «Les quatre traitements n'ont servi à rien, le poil repousse, se désole-t-elle. Et je n'ai pas le goût de racheter de forfait avec ça [les sites d'achats groupés].» Au bout du compte, Lydia a perdu 179$. Et aucun poil.

La porte est fermée: que faire?

Légalement, un site web qui diffuse une aubaine n'est pas responsable de la fermeture d'un commerce, car il n'est qu'un intermédiaire, a confirmé en novembre 2012 un jugement de la Cour du Québec concernant Tuango.Ce site d'achats groupés mène tout de même des enquêtes de crédit sur chacune des cliniques, atteste sa directrice marketing, Swann Freslon. «Les cliniques qui utilisent notre site sont souvent mal en point financièrement et pensent pouvoir régler leurs problèmes en diffusant des offres sur le web», reconnaît-elle cependant, en précisant: «On ne peut pas tout voir en faisant nos recherches.» «Il y a des commerces qui sont de mauvaise foi, des propriétaires dont l'argent brûle les doigts», dit-elle. Selon le fonctionnement des sites d'achats groupés, un annonceur reçoit du site web le montant total qu'ont déboursé les clients souhaitant le forfait annoncé. La responsabilité de gérer cet argent revient ensuite à l'annonceur.

Chaque site d'achats groupés a sa politique de satisfaction et de remboursement de la clientèle. Dans la majorité des cas, les consommateurs sont en mesure d'être remboursés s'ils n'ont pas encore obtenu les services et s'ils ont acheté ceux-ci dans les 14 jours précédant leur demande de remboursement. À 15 jours, les règles changent. Groupon se réserve le droit de refuser un remboursement après cette période, tandis que Tuango a choisi de rembourser les consommateurs lorsqu'une clinique ferme ses portes. «On n'est pas responsables, mais on le fait en fonction de nos standards d'éthique», affirme Swann Freslon.

Les quatre règles d'or des achats groupés

Voici quatre étapes à suivre pour être sûr de vraiment faire une bonne affaire.

Vérification

Avant d'acheter un forfait en ligne, il est primordial de vérifier la politique de remboursement d'un site web, indique Jean-Jacques Préaux, porte-parole de l'Office de la protection du consommateur.

Utilisation

M.Préaux suggère d'utiliser le certificat le plus rapidement possible, afin d'éviter de se heurter à des portes closes. 

Information

Chez Option consommateurs, l'avocate Dominique Gervais recommande de bien s'informer sur l'entreprise qui offre un forfait. «A-t-elle pignon sur rue? Depuis combien de temps? Quels sont les commentaires des internautes sur cet endroit?», dit-elle. 

Méfiance

Surtout, insistent les deux porte-parole, il faut être sceptiques. «Quand c'est trop beau pour être vrai, il faut être prudent.»