La création d'une chaussure athlétique est un sport en soi et ses athlètes, les designers, qui sont appelés à se renouveler sans cesse pour pousser toujours plus loin les limites du produit. Dans ce marathon de performance, New Balance se classe dans le peloton de tête, en bonne partie grâce à son service d'innovation dirigé par le Québécois Jean-François Fullum. Il s'est entretenu avec La Presse de Boston, où il vit aujourd'hui.

On ne dessine pas une chaussure athlétique comme on dessine une pantoufle. Le défi est, évidemment, hautement plus sportif! Les exigences sont en effet élevées et la compétition, féroce, quant il s'agit de collections athlétiques. Et c'est d'autant plus vrai dans le cas de la chaussure de sport qui en est l'élément phare.

Jean-François Fullum a sauté dans cette arène dans les années 2000, d'abord au sein de l'équipe Nike, avant d'être repêché huit ans plus tard par New Balance. À l'époque, l'entreprise avait besoin de rafraîchir son image de marque et de mettre l'accent sur l'innovation. Aujourd'hui, dans les troupes du géant américain, on considère que l'objectif est atteint.

New Balance a réussi à s'imposer sur le marché de la chaussure sportive, notamment en raison de la légèreté de son produit. Si l'entreprise considère avoir atteint un bon rythme de croisière, elle ne peut toutefois s'asseoir sur ses lauriers trop longtemps, au risque de se faire rapidement dépasser par la concurrence.

«Les adeptes de course nous poussent à aller plus loin dans nos recherches et à bouger vite en matière de tendances. C'est un marché en pleine croissance», mentionne le directeur de l'innovation, à la tête d'une équipe de designers, d'ingénieurs et de spécialistes en biomécanique. Et avec la Chine comme nouveau territoire à conquérir, la course est lancée!

Les défis techniques

«La chaussure de course exige d'être à la fine pointe de la technologie. C'est comme pour les voitures: on s'attarde au moteur, au châssis et à la suspension avant de penser à la carrosserie», explique l'Abitibien d'origine.

Dans le cas d'une chaussure athlétique, on parlera plutôt de la biomécanique du pied, ainsi que de la durabilité et de la performance des matériaux, qui doivent être légers tout en optimisant l'effort. Ensuite seulement pourra-t-on parler d'esthétique. Paramètre non négligeable: contrairement aux vêtements athlétiques, une mauvaise chaussure peut causer des blessures et avoir des répercussions sur la santé du client.

Photo fournie par le FMD

Plusieurs recherches sont menées pour comprendre la structure du pied et la manière dont la chaussure épouse et accentue son mouvement naturel.

Afin d'améliorer ses performances sur ce plan, New Balance collabore avec des athlètes de haut calibre pour étudier la biomécanique de leurs mouvements et mettre ses produits à l'épreuve dans des conditions extrêmes. Ainsi a-t-on rectifié le tir après avoir découvert que le coureur de montagne Anton Kupricka rasait le talon de sa chaussure, à une époque où les semelles étaient plus épaisses.

Trouver l'équilibre

Début 2000, l'époque était en effet aux semelles de mousse imposantes, et, par conséquent, plus lourdes. Vers 2009, la tendance a basculé dans l'autre extrême: le design a été simplifié après qu'on eut réalisé qu'il est préférable d'avoir une semelle plus fine et plus flexible qui permet un meilleur contact du pied avec le sol.

Depuis deux ans, on a révisé la stratégie encore pour créer une chaussure qui se situe à mi-chemin entre ces deux extrêmes: d'une part le maximalisme, de l'autre, le minimalisme. «Les gens souhaitent avoir une meilleure protection en matière d'amortissement, tout en recherchant des caractéristiques de flexibilité et de légèreté», explique le directeur du design. La chaussure de course actuellement produite chez New Balance offre le support et la durabilité d'il y a 10 ans, mais avec une légèreté optimale. Une amélioration que permet la découverte de nouveaux matériaux.

Nommée chaussure de l'année par le magazine Competitor, la récente Fresh Foam Zante est un exemple de ce mariage heureux de la technologie et de la simplicité du design.

Des matières à la pointe de la technologie

«Soixante-dix pour cent de la légèreté vient de l'innovation au niveau des matériaux. Et ils évoluent rapidement», précise Jean-François Fullum. Dans ces circonstances, rester à l'affût devient une vraie maladie, convient-il.

L'inspiration peut venir de secteurs aussi divers que l'automobile, le médical, le militaire et même la décoration d'intérieur! Certaines technologies particulièrement innovantes seront transférées au design athlétique, comme ce fut le cas pour cette fibre utilisée dans les papiers peints et récupérée dans le design de la chaussure de course sur piste en raison de sa stabilité, de son support et de sa finesse, ainsi que cette mousse utilisée dans les portières de voiture pour absorber les chocs et les impacts.

«La technologie a présentement atteint un niveau qui fait en sorte qu'il sera difficile de faire plus léger, croit néanmoins M. Fullum. On est donc à la recherche d'autres attributs pour pousser la chaussure plus loin.»

La chaussure de demain 

On met environ deux ans à créer une chaussure sport standard. Une chaussure athlétique exige quant à elle de trois à quatre ans d'études avant d'être mise sur le marché. Actuellement, l'équipe de New Balance travaille sur les modèles qui seront commercialisés en 2018. On nous promet davantage d'innovation et un produit de plus en plus adapté aux besoins du coureur. Là se situerait d'ailleurs l'avenir de la chaussure sport, selon Jean-François Fullum.

Le but ultime est en effet que dans cinq ou dix ans, on puisse aller en magasin pour y faire faire une analyse de son type de course ainsi qu'un scan de son pied. Plus d'innovations permettront d'offrir une chaussure personnalisée et complètement adaptée aux besoins du client, projette-t-il.

L'année prochaine, ses objectifs seront-ils révisés? Peut-être bien. «Chaque année, on se dit qu'on ne peut dépasser la dernière innovation et, finalement, il y a toujours quelque chose qui se pointe et qui nous permet d'aller encore plus loin!» Plus loin, plus vite, plus performant... Un travail d'athlète, disait-on!

Jean-François Fullum a donné une conférence dans le cadre du Festival Mode & Design, au mois d'août.