La mèche savamment décoiffée, les vêtements impeccablement agencés, il est là, «l'homo élégantus», déambulant de son plein gré dans les allées des boutiques et grandes surfaces à la recherche de la pièce qui tue, comprendre celle qui fera baver d'envie ses compères... Une image tirée par les cheveux? De moins en moins, selon les spécialistes.

Il n'y a pas si longtemps, l'homme était étranger au monde des cosmétiques et de la mode, misant plutôt sur ses rides et un certain «laisser-aller» comme gage de charme et de virilité. Aujourd'hui, il se montrerait beaucoup plus intéressé par la sphère esthétique. On prévoit qu'en 2015, c'est un homme nord-américain sur deux qui utilisera des produits de beauté. 

«Les hommes s'amusent de plus en plus avec la mode et ils sont plus autonomes dans leurs achats», affirme le designer Philippe Dubuc qui rejoint une clientèle de professionnels. Il le voit à sa boutique : ce sont les hommes qui viennent magasiner, souvent seuls. «Mes clients ne s'intéressent pas qu'aux vêtements, mais à la maroquinerie, à la chaussure, aux produits de beauté et à la parfumerie aussi.»

De pourvoyeur à chineur

Selon Dominic Tremblay, directeur de l'agence de publicité Tuxedo, ce phénomène serait plus évident depuis les 15 à 20 dernières années, période qui coïncide avec l'éclatement des ménages. «Avant, les hommes ramenaient l'argent au foyer et s'occupaient des grosses dépenses comme la maison ou la voiture. Ce sont les femmes qui assumaient les dépenses domestiques et qui achetaient les vêtements pour tous les membres de la famille. Avec l'augmentation du nombre de séparations, ils ont été forcés de reprendre le pouvoir sur leurs achats.»

Si les baby-boomers ont vécu cette période de transition, les plus vieux de cette tranche démographique demeureraient encore frileux en ce qui concerne la mode. Chez les générations suivantes, qui ont grandi dans une nouvelle réalité, les comportements seraient radicalement différents. «Pour eux, la notion d'autonomie a toujours été dans l'air du temps. Les hommes de la génération X se sont mariés plus tard. Ils savent ce qu'ils veulent et la publicité s'adresse directement à eux, affirme Stéphane Jean, enseignant à l'École supérieure de mode de l'UQAM et spécialiste en comportement du consommateur. C'est encore plus vrai pour la génération Y chez qui le look occupe une place importante.»

Le désir de séduire

Dans une société composée d'un nombre important d'électrons libres, le rapport à la beauté se trouverait aussi modifié. De retour sur le marché de la séduction, les gens dépensent davantage sur eux-mêmes. Chez l'homme, ce changement est d'autant plus évident qu'il part de plus loin.

«Le boomer qui se voit vieillir cherche des façons de contrer ce processus et a les moyens de se payer de petits luxes. Le X est conscient de la nécessité d'intervenir pour préserver sa jeunesse. Quant au Y, il a grandi dans une ère où la séduction est mise au premier plan. Pour lui, l'apparence est primordiale.» Le vieillissement de la population étant appelé à s'accélérer rapidement d'ici 2031, selon Statistique Canada, on ne s'étonnera pas de voir de plus en plus de sociétés de soins corporels proposer des produits antiâge pour hommes.

Misant sur le pouvoir de consommation et les comportements d'achat de la génération X, les marques visent principalement cette cible sociologique par l'entremise de leurs campagnes publicitaires. «Ce sont surtout eux qui achètent en ligne. Plusieurs d'entre eux se retrouvent sans conjointe avec une demi-famille à soutenir. Ils ont plus d'argent pour consommer», explique Dominic Tremblay. Mais le segment à développer est sans aucun doute celui des jeunes qui arrivent avec des besoins et qui bientôt détiendront le pouvoir d'achat. «Le changement va se poursuivre en s'accélérant. Il n'y a aucun doute là-dessus!»