Depuis juin, les Japonais ont le droit d'exporter leur boeuf wagyu en Europe et ils comptent bien imposer cette viande haute couture sur les tables européennes malgré son prix exorbitant.

Certains l'appellent «boeuf Kobé», mais son nom originel c'est boeuf wagyu (littéralement «boeuf japonais»), car il n'y a pas que la région de Kobé qui en produit. Sa particularité: une viande marbrée très «persillée», qui fond dans la bouche, un peu comme du beurre, avec des touches de noix de coco et autres arômes végétaux.

Pour en arriver là, les éleveurs japonais nourrissent en partie cette ancienne race de trait avec de la paille de riz, «indispensable pour donner le persillé et blanchir le dépôt graisseux», selon la Wagyu japanese beef.

On peut aussi leur donner en complément de la bière, ou des résidus de bière. Et les animaux, passé leur première année, ne pâturent plus: moins ils bougent, moins ils sont stressés, mieux c'est pour avoir une viande bien grasse.

Ils sont abattus entre 28 et 32 mois. C'est un peu plus que l'âge minimum d'abattage d'un boeuf en France (24 mois).

Mais la légende selon laquelle ils sont massés au saké, bercés à la musique classique et nourris d'alcool de bonne facture, personne ne la confirme. «L'automatisation poussée de nos élevages nous laisse le temps de bien observer chaque vache», se contentera de raconter un éleveur, Eiji Mizusako, à Paris lundi.

300 euros le kg

C'est d'ailleurs une imposante délégation d'exportateurs, éleveurs et représentants du gouvernement japonais qui avait fait le déplacement dans la capitale française pour vanter les mérites de leur viande devant un parterre de bouchers, chefs et journalistes.

L'objectif était double: tenter de se faire une place sur les tables européennes, et imposer l'origine japonaise face aux concurrents australiens, américains ou même européens qui élèvent aussi des wagyu.

Certains ont même repris les techniques d'élevage japonaises, comme cet éleveur français, qui dorlote des boeufs normands au cidre.

L'intérêt de l'alcool est, dit-on, d'aider à répandre le gras de la viande dans le muscle, et d'en améliorer ainsi le persillé, c'est-à-dire le fondant.

Olivier Metzger, boucher à Boulogne-Billancourt et grossiste à Rungis, vend du wagyu de Nouvelle-Zélande depuis dix ans, mais il est croisé avec la race black angus, raconte-t-il. Là, pour le wagyu japonais, «il s'agit d'animaux pure souche et qui sont gavés le double pendant 800 jours».

Depuis un mois, il est le premier boucher français à commercialiser cette viande auprès du grand public. Il propose en 250 kg par semaine. Prix de vente public: 300 euros le kg. «Il faut compter 100 grammes par personne, on la vend par couche très fine, à faire par exemple à la plancha».

C'est plus cher que du foie gras, mais beaucoup moins que du caviar. Et il va falloir faire un gros effort pour faire connaître cette viande quasi inconnue du grand public en France, reconnaît Olivier Metzger.

L'organisation du commerce extérieur du Japon (Jetro) rêve de multiplier par cinq les exportations d'ici 2020. En 2013, sur 350 000 tonnes produites au Japon, seules 900 avaient été vendues à l'étranger, à 90% en Asie de l'Est, selon Yasuyuki Murahashi, directeur du département agriculture du Jetro.

Il faut dire que jusqu'à présent les Japonais gardaient jalousement leur trésor et n'ont demandé les autorisations d'exportation que très récemment.

«La Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Allemagne et même l'Italie, pourtant plus conservatrice dans sa gastronomie, sont des cibles prioritaires» pour lui. Et le grand défi reste maintenant à imposer la wagyu hors des restaurants japonais. Lundi, en tous cas, c'était déjà chose faite avec la présence du triple étoilé Pierre Gagnaire.