Vous n'êtes pas vraiment végétarien, mais... vous préférez les légumes, le poisson et les légumineuses, vous êtes adepte des lundis sans viande, mais vous ne dites jamais non à l'osso buco de votre mère? En gros, vous mangez santé, idéalement local, pour votre ligne, mais aussi pour votre coeur, et puis pour celui de la planète, tout en vous permettant joyeusement de petits écarts. Vous reconnaissez-vous? Bienvenue au monde des «flexitaristes», qui sont apparemment de plus en plus nombreux.

«C'est un mot laid, vraiment laid», reconnaît le comédien Vincent Graton, qui signe avec le chef Jérôme Ferrer (Europea) et la nutritionniste Isabelle Huot un livre de recettes pour les végétariens à temps partiel de ce monde. «Mais c'est vraiment ça. Ça veut dire qu'il n'y a pas que deux camps, les végétariens et les carnivores. Il y a aussi des gens flexibles, qui disent: je réduis.»

Ironie du sort, deux des trois auteurs de Végétarien parfois, souvent ou passionnément, en librairie depuis cette semaine, n'étaient pas, mais pas du tout portés sur les légumes auparavant. «Moi, j'étais vraiment carnivore, a confié cette semaine Vincent Graton, lors du lancement du livre. Mon père était boucher! Je suis un gars qui aime la saucisse.» Quant au chef Jérôme Ferrer, qui met fièrement toutes les viandes possibles à son menu: «Manger végétarien, pour moi, c'était manger granola. Les végétariens, des mangeurs de foin, je les voyais comme des gens coupés des plaisirs de la table...» dit celui qui se propose, dès le mois prochain, d'offrir aux clients d'Europea un menu «tout légume» en plus de son menu habituel.

Un choc

Il faut dire que les deux hommes ont vécu chacun un choc: Vincent Graton a subi une chute de tension importante et réalisé que son corps était dans un état «lamentable». Quant à Jérôme Ferrer, il a traversé l'impensable: «J'ai vécu un moment tragique: j'ai perdu ma conjointe, emportée par un cancer. On attendait un enfant...» Pour des raisons très fortes et très personnelles, donc, les deux carnivores ont décidé sinon de devenir végétariens, du moins de revoir leur alimentation. Pour des raisons de santé, d'abord, mais aussi par conviction citoyenne et environnementale. Enfin, ils ont décidé d'écrire un livre, avec leur amie la nutritionniste et vulgarisatrice Isabelle Huot («Capable de faire comprendre à un écureuil la différence entre une noisette et une peanut», écrit Vincent Graton), pour convaincre d'avantage d'adeptes, séduire les plus récalcitrants et surtout, surtout, inspirer les plus gourmands.

Car l'ouvrage se veut un livre gourmand pour les gourmets. «L'idée, c'était de faire des recettes plaisir», confirme Jérôme Ferrer, qui a relevé le défi de concocter une poutine au tofu (sans pommes de terre!), un «orgeotto» (façon risotto) et même une paella végétarienne, parmi quelque 130 recettes. Des recettes plaisir pour manger autrement, parfois ou souvent. «On ne veut pas que les gens deviennent tous végétariens», a indiqué Isabelle Huot, elle-même végétarienne passionnée, qui rappelle malgré tout les taux alarmants d'obésité au Québec. «Ce qu'on veut, c'est offrir des recettes. Que ce soit gastronomique. On veut proposer du végétarisme savoureux.»

Quant à Vincent Graton, qui signe un petit manifeste engagé et surtout engageant dans le recueil, il espère que le livre éveillera quelques consciences. «Pour moi, c'est important qu'il y ait une réflexion, a-t-il conclu. L'alimentaire, c'est 23 milliards de dollars par an au Québec. Quand on sait qu'on passe tant d'heures à manger, que cela a une telle incidence sur notre santé, est-ce qu'on peut avoir une réflexion sur ce qui se brasse?»

Végétarien parfois, souvent, ou passionnément, 130 recettes savoureuses, Vincent Graton, Jérôme Ferrer et Isabelle Huot, Les éditions La Presse.