Chaque année, les chefs invités au festival Montréal en lumière apportent dans leurs valises quelques tendances de leur pays. Italie, Espagne, France... Cette année, les visiteuses arrivaient de partout, avec comme seul point commun d'être des femmes. C'est donc à travers un message gastronomique plus éclaté que jamais que nous avons tenté de déchiffrer ou de déceler quelques grands courants du moment. Les voici.

1- L'amertume a plus que jamais la cote. De tous les goûts détectés par les humains, c'est le plus craint. Et le plus respecté par les gastronomes. Savoir utiliser intelligemment l'amertume est une marque de savoir-faire et de sophistication qui sépare aujourd'hui les vrais professionnels de ceux qui se sont improvisé chefs ces dernières années avec l'explosion de la popularité de la cuisine. LE grand moment amer de mon festival: le pétoncle d'Anne-Sophie Pic, la grande chef française invitée chez Toqué!, servi avec tombée de trévises (radicchio) et d'endives. Autre grand moment: les betteraves au café, aussi de Mme Pic, sans oublier une salade d'endive vapeur d'Emmanuelle Leftick, jeune chef canadienne faisant carrière aux États-Unis, qui cuisinait à La Fabrique.

2- Les nouveaux produits exotiques viennent de partout, sauf des sentiers battus. Dessert au mezcal, alcool d'agave, chez la Mexicaine Mònica Patiño, chez Cocagne. «Angu», une sorte de polenta brésilienne servie par la carioca Roberta Sudbrack, chez Ferreira. Retour de la cacahuète - pourtant si crainte à cause des allergies - chez Anne-Sophie Pic, qui les combine au chocolat et au citron au dessert et chez Sudbrack, qui en fait un lait pour arroser ses langoustines. Emmanuelle Leftick, propose de redécouvrir le jicama, tubercule d'origine mexicaine, et le verjus, un extrait de raisin immature, très acide, qui ponctue une salade presque comme du vinaigre. Parlant de Leftick, elle utilise aussi le macis, pour en faire un sorbet. Autre ingrédient inusité: le pomelo, gros pamplemousse très peu sucré, très croquant, qui charpentait le dessert de Barbara Lynch au Pullman.

3- Côté viande, on explore beaucoup côté abats et coupes, traditionnellement boudées, en ce moment (le DNA a d'ailleurs accueilli pendant le festival un des grands spécialistes nord-américains de l'abat, Chris Cosentino, de San Francisco). Au festival, on a vu la macreuse de boeuf refaire surface chez Leftick et Reine Sammut, la grande Provençale qui cuisinait au restaurant de l'Institut. La queue de boeuf, plat traditionnel romain, était pour sa part modernisé par Cristina Bowerman, chez Graziella.

4- La tendance viande est lourde, mais le plat tout légume ou presque tout légume poursuit son avancée, doucement, sur les grandes tables. Chez Barbara Lynch, en marge d'une exquise verrine de gibier étagée, le légume était mis en valeur sur un plateau éclaté incluant chou-rave frit, radis au beurre, bébé poireau, carotte rôtie... Chez Mme Pic, un plat tout légume mettait en vedette la betterave multicolore. Emmanuelle Leftick, elle, proposait aussi un service végétarien: une salade endives, amandes, coriandre...

5- La frontière entre le sucré et le salé disparaît. La tendance, de plus en plus observée dans les grands restaurants créatifs, se répand. Le dessert de Reine Sammut mettait ainsi en vedette le romarin et l'huile d'olive tandis que la queue de boeuf de Bowerman était accompagnée de cacao. Et Anne-Sophie Pic? Elle proposait une entrée sous forme de crème brûlée au foie gras avec pomme verte...