La SAQ n'imitera pas la société des alcools ontarienne (LCBO), qui a repris cette semaine la vente des vins du vigneron Norman Hardie, visé par des allégations d'inconduite sexuelle. Mais le célèbre producteur n'a pas fait une croix sur le marché québécois.

Après avoir retiré les vins du vigneron ontarien de ses tablettes cet été, la LCBO s'est ravisée. Elle a recommencé à s'approvisionner auprès du domaine phare du comté de Prince Edward et les nouveaux produits seront bientôt sur les rayons.

En fait, certaines bouteilles sont déjà offertes en succursale. Les vins qui avaient été retirés des rayons il y a quelques mois y ont tout simplement été remis au cours des derniers jours.

« Après mûre réflexion, nous avons décidé de reconstituer nos stocks de produits de la marque Norman Hardie, a répondu par courriel le service de presse de la LCBO. Nous commencerons à nous réapprovisionner dans les semaines qui viennent et laisserons aux consommateurs le choix d'acheter ou non les produits de cette marque. »

La Société des alcools du Québec avait elle aussi exclu les produits de Norman Hardie après qu'une série d'articles lui eurent attribué des gestes sexuels déplacés à l'égard de certaines femmes. Contrairement à sa cousine ontarienne, la société d'État n'entend pas changer de cap.

« La SAQ a retiré les vins à cause des allégations et en raison de ce contexte, elle n'a aucune intention d'en commercialiser à nouveau », a répondu par courriel la porte-parole Linda Bouchard.

L'agente qui commercialisait les vins de Norman Hardie au Québec, Vanya Filipovic, ne s'attend pas à ce que son ancien client soit réhabilité aux yeux de la SAQ. Elle s'est même dite estomaquée d'apprendre que la LCBO lui avait de nouveau ouvert ses portes.

« C'est assez révoltant, a-t-elle dénoncé. Ce n'est pas parce que six mois ont passé que la situation a changé. »

Sur la page web de son vignoble, Norman Hardie s'est dit satisfait que la LCBO ait repris les ventes de ses produits.

« Nous avons pris plusieurs mesures au cours des derniers mois pour nous assurer que notre entreprise vinicole est un lieu de travail sûr et respectueux et nous sommes reconnaissants du soutien de nombreux employés anciens et actuels de l'entreprise, de nos amis dans la communauté et de nos fidèles clients », peut-on y lire.

Joint au téléphone, le directeur des opérations du domaine, Johannes Braun, affirme ne pas avoir eu de discussion avec la SAQ concernant un retour des vins de Norman Hardie au Québec. Il dit toutefois que l'entreprise est en discussion avec un nouvel agent qui pourrait représenter de nouveau les vins dans la province.

ONDE DE CHOC

En juin, le Globe and Mail a publié les témoignages de femmes, dont une ancienne employée du restaurant Joe Beef de Montréal, qui affirmaient avoir subi des attouchements sexuels de la part de Hardie dans un contexte professionnel.

L'une des présumées victimes, Sarah Reid, a raconté avoir croisé le vigneron dans un événement à Montréal. Après qu'elle se fut assise avec lui pour discuter, l'homme aurait mis son bras autour d'elle, déboutonné sa chemise et y aurait glissé sa main. Il aurait fait la même chose dans son pantalon.

Dans les jours qui ont suivi la mise au jour du scandale, la LCBO, la SAQ et plusieurs restaurateurs ont cessé de distribuer les produits de Norman Hardie.

Les allégations avaient ébranlé la communauté du vin dans les deux provinces. Le vigneron était encensé pour la qualité de ses pinots noirs et adulé de ses pairs pour avoir fait rayonner le comté de Prince Edward. Son vignoble, établi tout près du populaire parc provincial Sandbanks, est un haut lieu de l'oenotourisme dans la région.

Le vigneron jouit d'ailleurs d'une popularité encore indéniable chez les amateurs de vin québécois. Lors d'un passage au domaine, à la fin du mois d'août, La Presse a pu constater que le stationnement de son vignoble était bondé. Les plaques d'immatriculation du Québec étaient d'ailleurs particulièrement nombreuses.