Dans le monde du vin, il n'y a pas que les vendanges et les opérations «Bordeaux-primeurs» qui reviennent à intervalle régulier: le débat sur la privatisation des sociétés des alcools d'État est cyclique lui aussi.

Cette fois, c'est au tour de l'Ontario de soupeser de nouveau les avantages et les inconvénients de céder au secteur privé la LCBO (Liquor Control Board of Ontario), le pendant ontarien de la SAQ.

 

Aux prises avec un déficit pouvant atteindre 20 milliards, le gouvernement libéral de Dalton McGuinty étudie plusieurs scénarios, y compris la vente de sociétés d'État, dont la LCBO, le plus important détaillant public d'alcool au monde, selon différentes sources.

À Queen's Park, le mot d'ordre serait, selon les collègues torontois: «Tout est sur la table.» Outre la LCBO, l'Ontario Lottery and Gaming Corporation (le Loto-Québec ontarien) et Hydro-One pourraient aussi être mis en vente, en tout ou en partie, pour accroître rapidement les revenus du gouvernement.

Le gouvernement McGuinty avait déjà jonglé avec l'idée de privatiser la LCBO (après avoir vilipendé le précédent gouvernement conservateur pour l'avoir envisagé). Il a même commandé en 2005 une étude sur le sujet, mais il a finalement rejeté la recommandation en ce sens.

Malgré les problèmes financiers de l'Ontario et l'urgent besoin d'argent frais, il serait étonnant que le gouvernement McGuinty retourne sa veste et décide, finalement, de privatiser cette vache à lait. La LCBO enregistre des ventes de plus de 4 milliards et verse près de 1,5 milliard en dividendes au gouvernement chaque année. De plus, comme la SAQ, la LCBO connaît une croissance de ses ventes et de ses profits depuis des années, et ce sera le cas encore pendant les prochaines années, selon les prévisions.

Comme au Québec, la privatisation du monopole d'État de vente d'alcool compte des partisans, mais soulève aussi de nombreuses questions.

Question éthique, d'abord: l'État doit jouer un rôle de contrôle dans la vente de produits alcoolisés, disent les défenseurs de la LCBO.

Ensuite, des questions économiques: vendre la LCBO rapporterait un bon montant d'un coup, mais le gouvernement se priverait d'une source de revenus sûre et prévisible une fois les fruits de la vente évaporés. En plus, vendre en catastrophe en laissant savoir à tout le monde que le gouvernement a un urgent besoin d'argent équivaudrait à une vente de feu.

Et puis, vendre à quel prix? Combien vaut la LCBO? Personne, apparemment, n'est capable de fixer un prix définitif, qui varie entre 6 et 16 milliards, selon les évaluations qui ont circulé ces dernières années.

Pas nouveau

L'idée de privatiser la LCBO n'est pas neuve. C'était même un élément central du programme électoral du conservateur Mike Harris, élu à la tête du gouvernement de l'Ontario en 1994. Cela dit, même M. Harris, très porté sur la privatisation des sociétés d'État, a décidé de laisser tomber ce projet.

«On s'est rendu compte que malgré nos engagements, la LCBO était beaucoup trop rentable pour que le gouvernement s'en départisse», a dit en 2007 l'ancien chef de cabinet de Mike Harris, Guy Giorno qui, soit dit en passant, occupe aujourd'hui la même fonction auprès de Stephen Harper.

L'argument pécuniaire ne convainc pas tout le monde. Un groupe opposé au monopole de la LCBO a même lancé le site endthelcbo.com pour mener la lutte en faveur de la privatisation.

Lors de la dernière campagne électorale ontarienne, en 2007, l'ex-chef conservateur, John Tory, avait ouvert la porte à la vente de bière et de vin dans les dépanneurs, ce qui est toujours interdit en Ontario. Le vin n'est vendu que dans les succursales de la LCBO (qui vendent aussi de la bière). Pour la bière, les Ontariens doivent se rendre dans un des «beer stores» de la province, un réseau de détaillants géré par les grands brasseurs.

À Ottawa, les Ontariens traversent plutôt à Gatineau pour acheter leur bière dans un bon vieux dépanneur aux heures d'ouverture plus flexibles.

Ces relents de puritanisme irritent de nombreux Ontariens, qui aimeraient bien pouvoir acheter de la bière et du vin au supermarché ou dans les «corner stores» (les dépanneurs en Ontario).

Au Québec, la privatisation de la SAQ revient aussi sur le plancher à l'occasion, mais ce scénario ne bénéficie d'aucun appui politique significatif.

Au milieu des années 80, le gouvernement péquiste, aux prises lui aussi avec de graves problèmes budgétaires, a tenté de vendre une centaine de succursales de la région de Montréal (ce qui lui aurait rapporté entre 100 et 200 millions). L'opération a été un fiasco suivi de poursuites, et les libéraux, de retour au pouvoir en 1985, y ont abruptement mis fin.

Au Canada, seule l'Alberta a privatisé complètement la vente au détail d'alcool. Pour le meilleur, selon certains, mais surtout pour le pire, à mon humble avis. Mais de cela, nous reparlerons une prochaine fois, c'est promis. Ce sujet, je vous le dis, revient avec la même régularité qu'un bon mal de bloc le lendemain d'une cuite...

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