«Les vins du Maroc peuvent aujourd'hui rivaliser avec les meilleurs de l'Ancien et du Nouveau Monde»: Jacques Poulain, un vigneron bordelais à la tête du domaine de la Ferme Rouge, au sud de Rabat, a l'enthousiasme communicatif.

«Il faut en finir avec l'image désuette (et méprisante) des 'vins-couscous'», ajoute-t-il. Les terroirs marocains sont «magnifiques», d'«énormes progrès» ont été réalisés dans toute la chaîne de fabrication du vin et «la qualité progresse d'année en année».«La meilleure preuve, souligne ce passionné, c'est qu'un vin marocain (ndlr: le 'Tandem', millésime 2006) a pour la première fois été noté par Robert Parker», le gourou redouté de la profession.

La Ferme Rouge se trouve sur la commune de Had Brachoua, à 70 km de la capitale. Dans cette exploitation de 220 hectares, les syrah, cinsault et cabernet sont les cépages dominants.

Les vendanges, commencées à la mi-août, seront en principe terminées début octobre.

«Qualitativement, la récolte 2009 se présente bien, observe Augustin Campos, le directeur technique. En volumes, nous ferons cependant moins bien qu'en 2008 à cause du chergui». Ce vent chaud, venu tout droit du Sahara, a soufflé sur la région pendant plusieurs jours en août, faisant grimper le thermomètre jusqu'à 45-46 degrés et grillant le raisin.

Environ 200 personnes travaillent sur le domaine et, dans les vignes, les femmes dominent largement. «Elles sont sérieuses et travaillent plus que les hommes», confie Saïd, le contremaître.

La tête protégée des rayons du soleil par un chapeau ou un foulard, elles sont âgées de 17 à 60 ans, l'âge légal de la retraite, et payées une quarantaine de dirhams (environ 3,5 euros) pour sept heures de labeur quotidien.

Hammani, un ouvrier agricole de 59 ans, confesse que «le plus dur, c'est de travailler pendant le ramadan (ndlr: qui a pris fin dimanche soir au Maroc)», sans boire ni manger de la journée. «Mais personne, au village, ne m'a jamais fait de remarques parce que je travaillais dans le vin», assure-t-il.

Le vin et le Maroc, c'est une histoire qui remonte à la nuit des temps. À l'Antiquité, précisément, puisque ce sont les Romains qui ont planté les premières vignes... avant de faire de même en France et en Espagne.

Entre 300.000 et 400.000 hectolitres de vin, dont 75% de rouges, sont aujourd'hui produits au Maroc (dix fois moins qu'au milieu des années 50), sur quelque 12.000 hectares répartis sur trois zones de production: la région de Meknès (à 140 km à l'est de Rabat), Romani/Ben Slimane/Had Brachoua (centre) et Essaouira (sud). À titre de comparaison, l'Algérie voisine produit en moyenne 500.000 hl de vin par an.

Brahim Zniber, un Marocain de 88 ans, règne (presque) sans partage sur le vin marocain, à travers un groupe tentaculaire, Diana Holding, qui détient 80% d'un marché local de quelque 38 millions de cols (bouteilles).

Et qui rapporte, selon la presse, près de 60 millions d'euros par an à l'État marocain en taxes sur les alcools...

L'écrasante majorité de la production (environ 85%) est bue localement. Les consommateurs marocains sont d'ailleurs de plus en plus sophistiqués et certains s'équipent même en caves individuelles, souligne Boris Bille, un sommelier français installé au Maroc depuis plusieurs années.

«Beaucoup de gens achètent des vins réputés, haut de gamme, donc chers», ajoute-t-il.

À l'exportation, les «marchés historiques» sont la France et la Belgique, où vivent d'importantes communautés marocaines, mais la Grande-Bretagne, les pays scandinaves ou le Canada montent en puissance.