Vanessa Simard ne jurait que par son BlackBerry. À l'été 2007, c'est par dépit qu'elle s'est tournée vers l'iPhone d'Apple, après la mort subite de son fidèle appareil. Une relation qui a commencé du mauvais pied.

«Au début, je le détestais, dit la jeune femme de 28 ans. Je n'arrivais pas à envoyer de textos, je ne connaissais pas l'environnement. Mais après trois mois, je ne jurais plus que par l'iPhone.»

La travailleuse du secteur des assurances admet vivre depuis une relation presque fusionnelle avec son iPhone. «Je dors avec. Quand je me couche le soir, je le branche. Le matin, après avoir arrêté l'alarme, la première chose que je fais est de consulter Facebook pendant 15-20 minutes. C'est comme... mon mari!»

Mme Simard est loin d'être la seule à avoir succombé à la vague. Cinq ans jour pour jour après le lancement du premier iPhone aux États-Unis, sa popularité continue de croître de façon exponentielle.

Les ventes ont explosé de 88% au deuxième trimestre de cette année, pour atteindre 35,1 millions d'unités en seulement trois mois. Plus de 217 millions exemplaires du téléphone intelligent ont trouvé preneur depuis cinq ans.

Chaque nouvelle version est attendue avec impatience par les admirateurs de la marque, qui sont des milliers à faire la queue pendant des heures pour être les premiers à se procurer l'appareil.

Le lancement de l'iPhone 4S a même viré à l'émeute en Chine en janvier dernier, au point où Apple a dû reporter sa mise en marché.

L'iPhone n'a pas seulement engraissé extraordinairement les coffres d'Apple (les revenus générés par l'appareil atteignent 150 milliards US à ce jour, selon la firme Strategy Analytics).

Il a aussi révolutionné de fond en comble l'industrie mondiale du sans-fil en s'imposant comme LE téléphone intelligent de référence, dit Benoit Duguay, professeur spécialisé en consommation à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM.

«L'iPhone est un bon appareil, mais quand il est sorti, il y avait déjà d'autres téléphones intelligents sur le marché, rappelle-t-il. Ce qui était différent, c'est que Steve Jobs a eu le génie de sortir un produit sexy.»

La principale nouveauté proposée par le petit appareil au design épuré, c'est qu'il a rendu le web mobile, ajoute le professeur. Au bout du doigt. Un changement fondamental qui a accéléré le rythme du quotidien de millions d'utilisateurs.

«Les gens ont un désir d'instantanéité, d'immédiateté, souligne M. Duguay. Ils veulent tout, tout de suite, et les téléphones intelligents, en particulier l'iPhone, répondent à ce besoin.»

Une industrie chambardée

Amit Kaminer, analyste en télécoms au SeaBoard Group, croit lui aussi que l'iPhone a entraîné une véritable révolution. «Je crois que même Apple ne s'imaginait pas l'effet énorme qu'aurait l'iPhone sur l'entreprise elle-même, sur l'industrie et sur la société en général.»

Le lancement du produit, dans un marché alors dominé par Nokia et Research in Motion (RIM, le fabricant du BlackBerry), a transformé de fond en comble le secteur du sans-fil, note-t-il. Car en plus de proposer un appareil inédit, Apple a aussi mis en place un tout nouveau modèle d'affaires - le sien.

La société californienne a choisi de garder entre ses mains la majeure partie du pouvoir décisionnel, plutôt que de laisser toute la marge de manoeuvre aux fournisseurs comme Rogers ou AT&T.

«Apple s'est assurée que l'iPhone, une fois dans les mains des consommateurs, serait utilisé de la façon qu'elle le souhaite, et non de la façon souhaitée par les fournisseurs», dit M. Kaminer.

Les grands groupes de téléphonie ont dû ajuster le tir, en investissant de façon massive dans de nouveaux réseaux et on offrant des forfaits de données plus abordables.

Au Canada, Rogers a eu pendant un certain le monopole de l'iPhone, jusqu'à ce que Bell et Telus modernisent leurs installations pour pouvoir supporter l'appareil.

Les concepteurs d'applications mobiles, pour leur part, ont vite saisi le potentiel de ce nouveau produit. Ils ont inondé le marché d'applications de toutes sortes - on en trouve aujourd'hui 650 000 sur l'App Store - qui permettent de tout faire, ou presque. On peut ainsi boucler une transaction bancaire en quelques secondes, réserver un voyage ou rencontrer l'âme soeur à partir de son téléphone, qu'on soit à l'arrêt d'autobus ou en pleine forêt.

Dans une industrie où les fortunes se font et se défont parfois en quelques trimestres - pensons à la descente aux enfers de RIM -, que réservent les cinq prochaines années à l'iPhone? Elles pourraient être «plus difficiles» que les cinq dernières, selon Neil Mawston, chef de la direction de la firme bostonienne Strategy Analytics.

«Quelques fournisseurs de sans-fil commencent à s'inquiéter des niveaux élevés de subventions qu'ils dépensent pour pouvoir offrir l'iPhone, pendant que Samsung bonifie sa populaire gamme d'appareils Galaxy, qui est en train de devenir une concurrente sérieuse à Apple», a-t-il indiqué cette semaine.

La multiplication des iPhone, iPad et autres appareils intelligents a par ailleurs quelques effets «pervers», note le professeur Benoit Duguay. En plus de déshumaniser certains rapports, ils permettent à de fausses rumeurs de se répandre en une traînée de poudre grâce aux millions de «journalistes amateurs» branchés en tout temps aux réseaux sociaux, note-t-il.

Les revers de la technologie, en somme.

Le succès de l'iPhone en chiffres:

217 millions d'iPhone vendus dans le monde depuis le lancement

+88% = la hausse des ventes d'iPhone au 2e trimestre 2012

230 fournisseurs offrent l'appareil dans 105 pays

150 milliards de revenus générés par l'iPhone pour Apple depuis 5 ans

650 000 applications disponibles sur l'App Store

Sources: Apple et Strategy Analytics