Depuis plusieurs mois, l'entraîneur Lionel Finance tente de rebâtir la confiance du skieur Erik Guay, dont le dernier podium remonte à décembre 2008. L'athlète de Mont-Tremblant semble avoir retrouvé ses repères, à l'approche de la plus importante course de sa carrière.

Au lendemain des Jeux olympiques de Turin, Red Bull cherchait deux skieurs nord-américains à commanditer en vue des Jeux de Vancouver. Le géant autrichien de la boisson dite énergisante avait choisi Lindsey Vonn et Erik Guay pour arborer le taureau rouge sur leur casque.

Véritable reine du circuit de la Coupe du monde, Vonn a presque tout gagné cet hiver. À son arrivée à l'aéroport de Vancouver, mercredi dernier, la skieuse du Colorado a été accueillie comme une rock star. Depuis, l'état de son tibia endommagé fait la manchette partout dans le monde. Sans compter ses photos en bikini qui ont fait beaucoup jaser. Vonn est pressentie pour gagner trois ou quatre médailles à Whistler.

À l'inverse, Guay peine à retrouver sa grâce après avoir fini troisième du classement de la descente à l'issue d'une fantastique saison 2007. Malgré quelques bons résultats, son dernier podium remonte à décembre 2008.

Cet hiver, son coéquipier Manuel Osborne-Paradis a accaparé presque toute l'attention. Si bien qu'en conférence de presse, mercredi dernier à Vancouver, Guay s'est fait demander s'il se percevait comme un négligé à ces Jeux.

«Je ne sais pas si je suis un négligé, mais c'est bon d'au moins partager la pression, a répondu le Québécois. Ce n'est pas une mauvaise chose de passer un peu inaperçu et d'être déchargé de cette pression.» La descente olympique? «Une fois les skis dans les pieds, c'est une course comme une autre», a-t-il prétendu.

Le descendeur de Mont-Tremblant aurait-il perdu l'étincelle, comme se le demandait un collègue torontois, ou est-ce simplement une façon de cacher son jeu? À la veille de l'épreuve-reine des Jeux, prévue aujourd'hui si le temps le permet, la question restait entière.

Guay a observé un strict silence radio après ses 14e et troisième places à l'entraînement mercredi et jeudi. Hier, le troisième et dernier entraînement a été annulé, question de préserver un parcours mis à mal par une forte pluie durant la nuit. Ils ne le disent pas trop fort, mais c'est clairement le scénario idéal pour les dirigeants de Canada Alpin. Leurs skieurs connaissent chaque recoin de la piste Dave Murray Downhill, et leurs rivaux n'auront pas eu une autre occasion de s'y frotter.

Dans l'entourage de l'équipe, on prétend aussi que Guay pète le feu. Jeudi dernier, l'athlète de 28 ans a été le plus rapide entre les sections trois et quatre, en plus d'enregistrer la deuxième vitesse de pointe dans le dernier secteur, sur une piste où il a toujours connu du succès en championnat national.

En entrevue avec La Presse, Lionel Finance, entraîneur-chef de l'équipe de vitesse, a défendu la décision stratégique de tenir son poulain loin des calepins et caméras.

À l'approche de la course la plus importante de sa carrière, le coach français tenait à offrir à Guay le meilleur «repos mental». «C'est délicat en tant que journalistes, mais c'est extrêmement important que tout le monde comprenne qu'il faut respecter ce travail-là des athlètes, explique Finance. On veut qu'Erik soit tel qu'il est. Le vrai. Pas exubérant. Actuellement, je le trouve bien dans sa peau. Il est prêt à attaquer et à se donner à fond.»

Confiance

Depuis plusieurs mois, Finance s'est appliqué à rebâtir la confiance de son talentueux élève. Ses ennuis de santé ne sont pas étrangers à son recul en descente cet hiver. L'entraîneur évoque les blessures passées aux genoux, ses «problèmes récurrents au dos» et de «petits bobos à l'aine», ce dont on n'avait jamais entendu parler jusque-là.

La série de blessures à ses coéquipiers - Kucera, Bourque, Roy - ont aussi eu un impact. «Depuis deux ans, il a développé un petit côté auto-protectionniste pour arriver entier aux Jeux olympiques, souligne Finance. Quand tu vois les copains se blesser, tu n'as pas envie de retourner sur la table d'opération. Dans les disciplines de vitesse, ça tient à très peu de choses. Ça bouscule, la peur et l'appréhension s'installent un peu.»

Dans les circonstances, difficile de «s'abandonner», une expression chère à Finance, et de laisser glisser les skis en descente. «Il va au ski plus appris, moins libéré, moins fluide», dit-il.

Or, Guay aurait retrouvé cette aisance et cette souplesse depuis quelques semaines. Son langage corporel et ses performances à la dernière Coupe du monde de Kitzbühel - cinquième en super-G et 14e en descente - ont convaincu son entraîneur. «Je suis très content par ce qui s'est passé ces derniers mois, ces dernières semaines en particulier. Le vrai Erik, on l'a actuellement. Le gars qui est généreux. Il va se donner. Il est prêt à envoyer fort», prévoit Finance.

À Turin, il y a quatre ans, personne n'aurait misé sur Guay. Une blessure au bas d'un genou l'avait empêché de prendre part à la descente. Une semaine plus tard, une injection lui avait permis de s'aligner au super-G. À son premier départ en près d'un mois, il avait fini quatrième, à quelques poussières du podium. Prépare-t-il un coup d'éclat semblable pour Whistler? Son commanditaire serait bien heureux de le voir partager la vedette avec Vonn.