Ce sont ses 21es Jeux d'hiver. À Pékin c'était 21es d'été. Je l'ai connu quand il était responsable du sport à l'UdeM, c'était alors un jeune homme. C'est un petit vieux que j'ai vu arriver dans le lobby du Hyatt hier matin.

Quel âge avez-vous, Walter?

Merde, il est plus jeune que moi. Mais il a l'air plus vieux. C'est parce qu'il est petit. Les petits ont toujours l'air plus vieux, parce qu'en plus d'être vieux, ils ont l'air d'avoir rétréci. Par contre, il est très propre sur sa personne. La propreté est la grande spécialité des Suisses-Allemands, Walter est originaire de St-Gall en Suisse allemande où ses parents élevaient des lapins.

Tous les quatre ans, je refais le portrait de Walter Sieber. Pour varier un peu, tous les quatre ans, j'invente un nouveau truc, il y a quatre ans je disais «où ses parents cultivaient la betterave à sucre». Les lecteurs ne le remarquent pas parce que les lecteurs se contre-crissent de Walter Seiber et ça tombe bien, parce que c'est exactement ce que souhaite Walter Seiber: qu'on ne le remarque pas.

Pourquoi parle-t-il aux journalistes? Pour passer ses petits messages, toujours les mêmes, qui tournent autour du financement du sport. M'en crisse de ses messages, c'est lui qui me fascine. Walter, bordel, faut bien que je dise dans mon papier qui vous êtes...

Dites que je suis membre du conseil d'administration du Comité olympique canadien.

N'êtes-vous pas, aussi, membre du conseil d'administration du COVAN?

Euh... N'êtes-vous pas, aussi, membre du Comité international olympique?

Oui, mais dans une obscure commission.

Obscure évidemment, Walter, je n'en attendais pas plus de vous. N'êtes-vous pas, aussi, très bien introduit à la Fédération internationale de football, la FIFA, le plus grand gouvernement de sport au monde, presque plus puissant que le CIO?

J'y suis juste coordonateur...

Obscur, j'imagine?

Plutôt.

Vous faites beaucoup dans l'obscurité finalement. Taisez-vous donc. Parlons de Prague, plutôt. Prague, juin 2003, j'y étais, vous aussi Walter, vous vous rappelez. On s'apprête à choisir la ville hôtesse des Jeux d'hiver de 2010. Trois candidates: Vancouver, Salzbourg, et la Coréenne Pyeongchang. Tout le monde pense que cela va se jouer entre Vancouver et Salzbourg, que Vancouver va l'emporter facilement au second tour. Vous étiez fébrile comme je ne vous avais jamais vu, le seul à me dire: j'ai peur de Pyeongchang au premier tour.

Premier tour: Pyeongchang 51 votes, Vancouver 40, il s'en est fallu de trois votes pour que les Coréens l'emportent au premier tour. Second tour tout aussi chaud: Vancouver 56 voix, Pyeongchang 53.

J'en ai entendu plusieurs, ce jour-là, et pas des moindres, soupirer: merci Walter. La question à laquelle vous n'avez jamais voulu répondre: d'où tenez-vous votre influence?

Si j'ai de l'influence, monsieur le journaliste, je dis bien si, je la tiens de ma discrétion, je la tiens des relations qui se nouent au fil du temps et que j'entretiens, je la tiens beaucoup et surtout, vous en serez étonné, de n'avoir jamais été, moi-même, dans aucune course à aucun poste en vue.

C'est bien ce que je disais, vous la tenez de l'obscurité. Quel est le grand succès des Jeux de Vancouver, Walter?

Pour moi, le plus durable, c'est cette idée de «À nous le podium» née après Prague en 2004, devenu ce que vous savez, avec un budget de 110 millions, 55 millions venant du COVAN, et 55 millions du fédéral, on voit le résultat...

Pourquoi dites-vous durable quand le fédéral parle de diminuer sa part. Et qui prendra le relais du COVAN? Pas très inquiet, notre ami Walter, qui voit les commanditaires nationaux comme Bell, Rona, GM, Petro-Canada prendre le relais. Ils sont, paraît-il très très satisfaits de leur «exposure» à Vancouver.

On recommence, votre podium des Jeux:

1- L'atmosphère. De mes 21 Jeux d'hivers, ce sont de loin les plus vibrants.

2- Vous n'aimerez pas ce que je vais vous dire: le COVAN a réussi à faire des Jeux de Vancouver les jeux pancanadiens, la vague d'enthousiasme a submergé tout le pays.

3- Vous ne serez pas d'accord non plus: l'organisation. La capacité de faire face aux problèmes et de les régler. Le travail qui s'est fait à Cypress est incroyable.

Votre podium sportif maintenant:

1- La médaille de bronze de Joannie Rochette, pas pour la médaille de bronze évidemment.

2- La médaille d'or d'Alexandre Bilodeau, pas pour la médaille d'or, même pas pour Alexandre, pour son frère.

3- Le tournant qu'ont pris les athlètes canadiens. Cette attitude de gagnants qui doit beaucoup à leur nouvel environnement, techniciens, médecins, nutritionnistes, etc.

4- Le succès des athlètes canadiennes à ces Jeux, le succès des femmes en général, elle étaient mille à ces Jeux, 42%. Dans les années 70, elles étaient 22%.

Québec aura-t-il les Jeux d'hiver un jour?

À deux conditions. Qu'il choisisse vite l'année où il les voudrait. Et qu'il trouve une solution pour la descente hommes.

Vous serez là?

Non.

Vous serez à Sotchi?

Rien de moins sûr. Je serai en Afrique du Sud en juin pour la Coupe du monde de soccer. Je serai dans trois semaines à Londres pour préparer le tournoi olympique de soccer.

Au Bhoutan? En Moldavie prochainement?

Vous riez, mais j'étais au Yémen récemment...

Pour?

Pour rencontrer les gens de la Fédération de soccer.

Si je comprends bien, Walter, lors du vote pour choisir les Jeux d'hiver de 2022, Québec peut d'ores et déjà compter sur la voix du Yémen ?

Il est parti en haussant les épaules. Je pense qu'il me trouve un peu niaiseux. M'en fous, j'ai l'air moins vieux que lui. C'est parce qu'il est petit. Et les petits... ah je vous l'ai déjà raconté? S'cusez.