Indian Wells, Miami, Madrid, Pékin… Tous des tournois de catégorie Masters 1000 ayant obtenu des partenariats commerciaux avec le Fonds d’investissement public saoudien (PIF). L’Omnium Banque Nationale (OBN) de Montréal, quant à lui, ne figure pas sur la liste des tournois ayant accepté une commandite majeure de la part du bras financier du gouvernement de l’Arabie saoudite. Pourquoi ?

« On n’a pas eu de décision à prendre, parce qu’on n’a pas été contactés par le PIF », a répondu de manière très limpide Valérie Tétreault, directrice du tournoi, au lendemain d’un article publié dans La Presse au sujet des ambitions du PIF de prendre le contrôle du tennis professionnel.

Comme ses homologues des autres tournois sur les circuits de l’ATP et de la WTA, Tétreault suit avec beaucoup d’intérêt chacun des nouveaux développements concernant ce dossier. Ultimement, si le PIF parvient à mettre son plan à exécution, les répercussions seront considérables pour le tournoi montréalais.

« Ce qui s’est passé avec le golf, ça fait en sorte qu’on a l’impression qu’il y a une menace qui est réelle », note-t-elle à propos de l’arrivée de la série LIV Golf et de l’immense séisme provoqué dans le monde du golf professionnel il y a trois ans.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Valérie Tétreault, directrice de l’Omnium Banque Nationale

En somme, si l’on fait abstraction un court instant de la source des revenus potentiels dont pourrait profiter le tennis professionnel, la mission du groupe et les grandes lignes de son plan à long terme sont louables, admet-elle.

Évidemment, offrir des bourses égales et paritaires, réunir les deux circuits sous la même gouvernance et offrir le tennis en cadeau à une nouvelle base de partisans pourraient propulser de manière substantielle le sport ayant défini la vie et la carrière de Tétreault.

Mais l’éléphant dans la pièce est identifiable par trois lettres. Et le gouvernement qui en est à l’origine est encore sévèrement critiqué par les différentes organisations internationales pour son non-respect des libertés individuelles, en particulier à l’égard des femmes, dont la liberté d’expression et les pouvoirs sont extrêmement limités.

« Est-ce que je suis 100 % à l’aise avec tout ce que je vois et tout ce qui se passe en ce moment ? Non, forcément, ajoute Tétreault. Je demeure une femme qui a des valeurs, qui est au courant de ce qui se passe et qui sait que des problèmes qui vont à l’encontre de mes valeurs existent. »

L’autre perspective

Comme femme et comme mère, Tétreault comprend l’amplitude du malaise lié à l’arrivée d’un tel acteur dans l’univers sportif nord-américain. La directrice et ancienne joueuse de la WTA sait aussi à quel point les choses ne sont pas seulement noires ou blanches et qu’une occasion comme celle offerte par les Saoudiens est non seulement rarissime, mais potentiellement salvatrice.

Quand je mets mon chapeau de directrice de tournoi, je fais partie du groupe des Masters 1000 et je ne pourrai pas faire autrement, je pense, que de me ranger derrière le groupe.

Valérie Tétreault, directrice de l’Omnium Banque Nationale

La WTA, victime du départ à la retraite de ses plus grandes vedettes, jumelé au monopole du tennis masculin dans la sphère médiatique et partisane, voit ses actifs descendre dans le rouge. Donc non seulement ses athlètes sont en perte de reconnaissance, mais le circuit était aussi lui-même déficitaire de 15 millions de dollars l’année dernière.

« En ce moment, dans la gouvernance, il y a l’ATP, la WTA, l’ITF et les quatre tournois du Grand Chelem qui sont indépendants, et ça donne une structure qui n’est pas simple et qui ne nous sert pas toujours. Lorsqu’on essaie d’expliquer le tennis à un nouvel amateur, ce n’est pas facile à faire. Donc le sport pourrait absolument bénéficier d’une structure de gouvernance qui serait un peu plus alignée, un peu plus simple », note la directrice de l’OBN.

Pour les joueuses

Tétreault a roulé sa bosse sur le circuit de la WTA dans les années 2000. Elle sait comment il peut être compliqué d’être à l’aise financièrement pour une joueuse évoluant à l’extérieur du top 100.

Comme ancienne 112e mondiale, elle est consciente que la rentrée d’argent éventuelle pourrait être bénéfique.

Il n’y a encore rien de fait, mais de la manière dont les choses évoluent, la question est de savoir comment on peut s’assurer qu’on tourne ça en positif.

Valérie Tétreault, directrice de l’Omnium Banque Nationale

Il n’y a encore rien de fait, précise-t-elle avec justesse, mais il faudra s’attendre à une réponse positive et optimiste des joueurs et des joueuses à l’arrivée de cet acteur d’importance dans l’écosystème. « Il y en a beaucoup qui disent que peut-être on peut contribuer au changement et qu’on peut tourner ça positivement. J’ai l’impression que c’est la ligne qu’on risque d’entendre pour justifier ce choix-là. »

En attendant, le choix de Tétreault, lui, n’est pas encore fait, car elle est prise entre l’arbre et l’écorce. Elle n’aura peut-être même pas à choisir si cette éventualité lui est imposée, mais la directrice de l’OBN est en train de se faire à l’idée que son sport est sur le point de changer. « Bien malin est celui qui peut prédire comment tout ça va se terminer, mais ce qui me semble assez clair, c’est que ce ne sera pas le statu quo. »

Lisez « Le tennis professionnel bientôt aux mains des Saoudiens »