Wimbledon rompt avec la tradition. Pour la première fois depuis des décennies, les joueuses de tennis peuvent porter une petite culotte foncée sous leurs vêtements blancs. Un assouplissement au code vestimentaire qui vise à accommoder les athlètes pendant leurs règles.

Avoir ses menstruations pendant le tournoi de Wimbledon, c’est l’un des pires scénarios, se rappelle l’ex-joueuse Aleksandra Wozniak.

« Tu dois gérer tellement de stress comme joueur professionnel. Il y a le décalage horaire et les horaires des matchs qui changent. Il y a des lits différents avec des oreillers différents, donc notre sommeil n’est jamais pareil. Les balles et les surfaces changent. Il faut toujours s’ajuster », raconte celle qui a été intronisée au Temple de la renommée du tennis canadien, il y a un an.

« Et pour les femmes, on doit en plus gérer nos règles. Alors quand ça arrive et qu’on doit porter du blanc, c’est vraiment moins le fun », ajoute-t-elle.

Les joueurs du plus vieux et du plus mythique des tournois du Grand Chelem portent du blanc depuis la naissance du tournoi en 1877, bien que l’obligation ne soit arrivée qu’en 1963. Le code vestimentaire ultra-strict prévoit la couleur des vêtements, mais aussi des souliers, des lacets, des semelles, des casquettes, des bandeaux, des bracelets et des chaussettes.

Les joueurs doivent être vêtus de blanc dès qu’ils foulent les terrains gazonnés, et « le blanc n’inclut pas le blanc cassé ou la crème », rappelle le tournoi dès les premières lignes de ses règles concernant les vêtements.

Mais un petit astérisque est apparu à l’aube du tournoi de 2023 : « une exception est prévue pour les joueuses qui sont autorisées à porter des sous-vêtements unis, de couleur moyenne ou foncée, à condition qu’ils ne soient pas plus longs que leurs shorts ou leur jupe », lit-on désormais au bas de la page.

C’est que le tournoi fait face à de nombreuses critiques depuis plusieurs années. À l’été 2022, des manifestations Address the dress code ont eu lieu à l’extérieur du stade, en banlieue de Londres. La multiple championne du tournoi Billie Jean King et l’entraîneuse Judy Murray ont également dénoncé publiquement l’obligation de porter des vêtements blancs pour les femmes.

En novembre dernier, le conseil d’administration du All England Club, qui organise le tournoi, a donc voté à l’unanimité pour que les femmes puissent porter des sous-vêtements de couleur afin d’atténuer l’anxiété liée aux règles. Ce changement s’applique aussi à la portion junior du tournoi.

« Nous espérons que ces ajustements aideront les joueuses à se concentrer uniquement sur leurs performances en éliminant une source potentielle d’anxiété », a déclaré Sally Bolton, directrice du tournoi, dans un communiqué annonçant le changement de règles.

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En 2007, la joueuse française Tatiana Golovin a été autorisée à poursuivre la compétition malgré ses petites culottes rouges. C’est qu’à l’époque, le code vestimentaire de Wimbledon ne s’attardait pas à la couleur des sous-vêtements des joueurs.

« Tu deviens consciente de ton corps »

À travers les années, des joueuses ont élaboré des signaux avec leurs entraîneurs dans les gradins au cas où une tache rouge apparaîtrait sur leurs vêtements.

« Tu deviens très consciente de toi, de ton corps, de ton image, de ce que tu portes quand tu as tes règles à Wimbledon », explique Aleksandra Wozniak, qui n’a jamais mis en place de langage codé avec son équipe d’entraîneurs.

« Si ma mère avait été là, j’aurais pu lui en parler parce que je me sentais en sécurité avec elle. Mais dans le temps, quand je jouais, on ne parlait pas de nos émotions, de choses gênantes ou privées. On ne pouvait pas dire qu’on était nerveuse avant un match parce que c’était mal vu, c’était vu comme une faiblesse », explique celle qui a été joueuse professionnelle de 2005 à 2018 et qui se réjouit du changement apporté par Wimbledon.

Pour s’assurer de ne pas avoir leurs règles pendant Wimbledon, des joueuses prennent même la pilule contraceptive sans interruption, soutient Marie-Ève Pelletier, qui a joué en double à Wimbledon. « Personnellement, je n’ai jamais aimé porter du blanc, que ce soit pendant mes règles ou non. Parce que quand tu as chaud, ça devient souvent transparent et il y a beaucoup de photos de tennis qui laissent peu de place à l’imagination », dit-elle.

La Polonaise Magda Linette, 23e joueuse mondiale, a aussi applaudi le changement de règles, rappelant que les joueuses veulent se concentrer sur le sport et non sur leurs menstruations.

« Imaginez que quelque chose se produise, ce serait partout dans les médias et sur les réseaux sociaux, a-t-elle déclaré à The Athletic. Ça ne devrait pas être une préoccupation. Tout ce que nous voulons, c’est nous concentrer sur le tennis. »

Marie-Ève Pelletier, qui a évolué sur le circuit professionnel de 1997 à 2003, affirme tout de même que le tennis a évolué pour le mieux dans les dernières années. « Avant, il n’y avait que des culottes de tennis avec une petite poche pour les femmes. Quand les cuissards sont arrivés, c’était vraiment une bonne idée. Et maintenant, les femmes ont le droit de jouer en shorts, pas juste en jupe. Ça donne plus de choix et c’est encourageant. »

Des entorses aux règles

Au fil des ans, des joueurs – hommes et femmes – ont contesté l’obligation du port de la tenue blanche. Andre Agassi a refusé de jouer à Wimbledon en raison de cette règle entre 1988 et 1990. Il a toutefois révélé avoir regretté sa décision dans sa biographie Open, des années plus tard.

Roger Federer, huit fois champion à Wimbledon, a également été contraint de changer de chaussures après le premier tour du tournoi, en 2013. Ses souliers blancs avaient des semelles orange.

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Roger Federer à Wimbledon en 2013

Venus Williams a elle aussi été obligée de changer de soutien-gorge pendant un match en 2017, car les bretelles roses étaient visibles.

En 2007, la joueuse française Tatiana Golovin a été autorisée à poursuivre la compétition malgré ses petites culottes rouges. C’est qu’à l’époque, le code vestimentaire ne s’attardait pas à la couleur des sous-vêtements des joueurs.

Mais Wimbledon s’était alors empressé de resserrer ses règles… pour ensuite les assouplir à nouveau en 2023.