L’entraîneur Samuel Décarie-Drolet a sorti son téléphone pour vérifier. Comme prévu, sa protégée Marie-Ève Dicaire est bel et bien négligée par les preneurs aux livres en vue de son combat de championnat du monde contre la Britannique Natasha Jonas, le 12 novembre, à Manchester.

Les cotes sont de l’ordre de trois contre un. À la fin d’un point de presse quelques minutes plus tôt, la boxeuse de Saint-Eustache avait évidemment assuré qu’un tel statut ne la perturberait pas, bien au contraire.

« Pour nous, ce n’est tellement pas important », a lancé Dicaire, jeudi, à l’occasion de sa dernière rencontre médiatique avant son départ pour l’Angleterre, samedi.

Les paris, les prédictions, on sait ce que ça vaut. Au final, c’est le résultat qui va compter.

Marie-Ève Dicaire

La Québécoise de 36 ans entrera première sur le ring, « par courtoisie » pour l’athlète locale et ses deux ceintures, dixit le promoteur Yvon Michel, mais elle « va sortir en dernier », a affirmé son autre entraîneur, Stéphane Harnois.

  • Marie-Ève Dicaire lors de son entraînement médiatique, jeudi

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Marie-Ève Dicaire lors de son entraînement médiatique, jeudi

  • Marie-Ève Dicaire à son arrivée au Gym Sherbatov de Laval

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    Marie-Ève Dicaire à son arrivée au Gym Sherbatov de Laval

  • Petite séance d’étirements pour débuter…

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Petite séance d’étirements pour débuter…

  • … suivie d’une période d’activation avant de lancer la machine.

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    … suivie d’une période d’activation avant de lancer la machine.

  • Marie-Ève Dicaire se prépare en compagnie de son entraîneur Stéphane Harnois

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    Marie-Ève Dicaire se prépare en compagnie de son entraîneur Stéphane Harnois

  • C’est avec son sourire habituel que la boxeuse originaire de Saint-Eustache a grimpé dans le ring.

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    C’est avec son sourire habituel que la boxeuse originaire de Saint-Eustache a grimpé dans le ring.

  • S’en est suivie une session de shadow boxing.

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    S’en est suivie une session de shadow boxing.

  • Détendue, mais prête. Voici l’état dans lequel la boxeuse de 36 ans se trouve à une dizaine de jours de son combat.

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    Détendue, mais prête. Voici l’état dans lequel la boxeuse de 36 ans se trouve à une dizaine de jours de son combat.

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Championne mondiale IBF des super-mi-moyennes, Dicaire tentera de ravir les couronnes du WBC et de la WBO détenues par la Britannique de 38 ans depuis cette année. Une quatrième ceinture vacante, celle du magazine The Ring, la plus prestigieuse aux yeux de Décarie-Drolet, est également à l’enjeu.

Les yeux de Dicaire (18-1, 1 K.-O.) brillent quand elle parle de cette occasion. « Je m’en vais boxer en championnat du monde unifié dans un endroit où la boxe est populaire comme le Canadien de Montréal l’est ici. […] C’est ce que j’ai toujours voulu depuis que j’ai commencé ma carrière. J’apprécie chaque instant de cette aventure-là. »

La communicatrice s’enflamme quand elle parle de sa dernière période d’entraînement. Elle l’a amorcée en se demandant si elle était « trop vieille pour ces affaires-là » pour la finir en défiant ses coachs.

J’arrivais à la maison et j’étais claquée. À un moment donné, la vapeur s’est comme renversée. Je terminais mes entraînements et je regardais les gars : “C’est juste ça que vous avez ? Ça, c’est l’échauffement ; quand est-ce qu’on fait le vrai entraînement ?” Ce sentiment-là est indescriptible.

Marie-Ève Dicaire

Sortie « amochée », toujours selon Yvon Michel, de son dernier contre la Mexicaine Cynthia Lozano, en décembre, Dicaire a eu le temps de guérir tous « ses petits bobos et petites blessures » dans la dernière année.

Au printemps, elle a refusé une offre d’affrontement de moindre envergure que lui proposait le promoteur. Après avoir multiplié les combats plus tôt dans sa carrière, elle sent un « regain d’énergie » après cette pause inhabituellement longue.

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En ce sens, elle s’estime « beaucoup plus avantagée » que Tash Jonas (12-2-1, 8 K.-O.), une gauchère comme elle qui s’est battue le 3 septembre.

« J’ai eu le temps de m’ennuyer de la boxe, de réaliser à quel point j’en avais besoin dans ma vie et que j’avais envie de faire ça. Je me suis déjà retrouvée dans la position de Jonas. […] À un moment donné, tu tombes sur le pilote automatique. Du moment où tu as la chance de t’ennuyer de ton sport, tu réalises que tu veux faire ça plus que tout. Pour moi, ça n’a pas de prix. »

Des surprises

Dicaire promet des « surprises » à Jonas, chez qui elle sent une certaine légèreté à l’approche du duel.

« Croit-elle qu’elle s’en va faire a walk in the park ? Je pense que oui. Ça, c’est vraiment drôle. Elle est en train de planifier ses combats suivants, en train de parler d’un combat contre [Claressa] Shields. Moi, j’aime brouiller les cartes. Personne ne pensait qu’un jour je me rendrais où je suis en ce moment. Depuis que je suis petite, on me dit : “Marie-Ève, ça ne se peut pas, Marie-Ève, c’est impossible.” C’est là que j’ai encore plus le goût de réussir. »

L’athlète de 5 pi 7 po profite d’une deuxième occasion d’unifier les titres des 154 lb après sa tentative infructueuse face à l’Américaine Shields, le 5 mars 2021, à Flint, où la couronne de la WBA était aussi à prendre.

Si l’évènement se déroule en territoire inhospitalier, là s’arrêtent les comparaisons, a insisté Yvon Michel. En une période de restrictions sanitaires liées à la COVID-19, Dicaire s’était rendue au Michigan en auto sans son entourage.

Cette fois, elle sera accompagnée de ses deux entraîneurs, ses préparateurs physique et mental ainsi que ses promoteurs. Et elle ne craint pas d’être surprise par un environnement hostile pour en avoir fait l’expérience comme spectatrice lors de la défaite de son ami Oscar Rivas aux mains de Dillian Whyte, à Londres, en juillet 2019.

« Ce genre de défi me donne des ailes. Ça me permet d’aller chercher un certain carburant parce que je sais que je vais me faire huer et que les gens ne vont pas m’encourager. Je sais qu’elle va frapper mes gants et que ça va crier. Et je sais que je vais sortir mon plus beau sourire parce que ça va prendre bien plus que ça pour me déstabiliser… »

Que les parieurs se le tiennent pour dit, aurait-elle pu ajouter.

Attention aux émotions

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Marie-Ève Dicaire en compagnie de son entraîneur Stéphane Harnois.

« Confiante, excitée, fébrile, emballée » : Dicaire a sorti son « dictionnaire des synonymes » pour décrire son état d’esprit à moins de 10 jours de ce qui sera peut-être l’affrontement le plus important de sa carrière. Quelques minutes plus tard, son entraîneur Stéphane Harnois a évalué que l’un des principaux pièges à Manchester sera de se laisser emporter par les émotions. « C’est une chose dont on a toujours rêvé de boxer dans une place comme ça », a-t-il souligné avant l’entraînement médiatique au Gym Sherbatov, à Laval. La principale intéressée assure s’être prémunie contre cette fâcheuse tendance en travaillant avec un préparateur mental depuis cinq ans. « Quand j’arrivais dans le ring, ce sont souvent les émotions [qui primaient]. Je suis une fille émotive, autant positivement que négativement. Si les fils se touchent, je ne suis pas capable d’écouter la stratégie et les consignes. […] Ça fait cinq ans que je pratique ça. Je devrais être rendue pas pire. C’est donc un peu l’examen de tout ça. »