Les offres de combat périlleuses abondent pour les boxeuses mexicaines, selon une ex-championne

(Aguascalientes) Les boxeuses mexicaines qui réussissent à faire leur marque dans ce milieu hautement compétitif doivent régulièrement soupeser des propositions de combat périlleuses provenant d’intermédiaires ou de promoteurs peu soucieux de leur santé.

Paty Ramirez, athlète de 34 ans d’Aguascalientes qui compte une vingtaine de combats professionnels à son actif, dont 12 victoires, note qu’il n’est pas rare qu’on lui propose de monter dans le ring, au Mexique même ou à l’étranger, avec quelques semaines de préavis.

« Ils promettent de l’argent et bla-bla-bla, mais je n’accepte jamais un combat avec un délai aussi court. Pour être correctement entraînée, il me faut au moins six semaines, voire deux mois. Normalement, ça devrait même être trois mois, mais j’ai tendance à me blesser si l’entraînement dure trop longtemps », indique-t-elle.

Couper court à ce délai minimum revient, dit Mme Ramirez, à prendre un risque inconsidéré pour sa santé, particulièrement si l’opposante est une boxeuse émergente en pleine possession de ses moyens ou une championne en mal de défis.

Mme Ramirez, connue comme La Elegante en raison de son style à l’intérieur et à l’extérieur du ring, a fait exception à la règle, en 2017, en acceptant de remplacer au pied levé à Montréal une boxeuse qui devait affronter la Québécoise Marie-Eve Dicaire.

Le Groupe Yvon Michel, dit-elle, a pris contact avec elle quelques semaines avant le combat, qui est survenu près d’un an après que les deux femmes se sont affrontées une première fois. La Québécoise avait remporté cet affrontement initial de six rounds sur décision unanime.

« Lorsqu’ils m’ont approchée, j’étais déjà à l’entraînement pour un autre combat qui venait d’être annulé. Je me suis dit que j’étais donc en état d’aller à Montréal », relate-t-elle.

Le combat s’est encore une fois conclu sur décision unanime en faveur de la boxeuse de GYM. « Mais c’était serré. Ils m’ont dit après que j’avais offert toute une résistance. Je pense qu’ils ne s’attendaient pas à ça », dit Mme Ramirez, qui a déjà été championne nationale du Mexique en 2015 dans la catégorie des mi-moyens, en plus de détenir une ceinture nord-américaine du World Boxing Council (WBC).

PHOTO FOURNIE PAR PATY RAMIREZ

Paty Ramirez

Les combats à l’étranger présentent une difficulté additionnelle, dit-elle, puisque les boxeuses ne peuvent généralement voyager aux frais du promoteur qu’avec une seule personne, normalement leur entraîneur.

« Lorsque je me suis battue contre Marie-Eve, il devait y avoir cinq ou six personnes dans son coin alors que je n’avais que mon entraîneur, qui doit tout faire, me soutenir psychologiquement, me conseiller sur ma technique et ma stratégie, traiter les coupures », relève-t-elle.

Mme Ramirez note que l’argent offert pour un combat, particulièrement à l’étranger, constitue un élément important qui peut amener une boxeuse locale à prendre un risque exagéré, particulièrement si elle est issue d’un milieu défavorisé, comme c’est souvent le cas.

Une somme de 1000 ou 2000 $, qui peut paraître dérisoire vue de Montréal, est non négligeable dans un pays où le salaire moyen mensuel est de 600 $ et passablement plus faible pour des petits emplois accessibles à des personnes non qualifiées. Dans les galas au Mexique, une somme de 500 pesos, l’équivalent d’une trentaine de dollars, est souvent offerte par round, dit-elle.

« C’est tentant de se dire que dans le pire des cas, on peut subir un K.-O. et ensuite revenir au pays avec un bon montant à partager avec sa famille. On n’imagine pas que le pire peut arriver », souligne Mme Ramirez, qui dispose, contrairement à plusieurs boxeuses mexicaines, d’une formation universitaire et d’une carrière d’évaluatrice immobilière lui permettant d’être indépendante financièrement et de peser sciemment ses choix en matière de combats.

Pas de la chair à canon…

La fin tragique de la boxeuse Jeanette Zacarias Zapata, morte à Montréal au début du mois, cinq jours après avoir été mise K.-O. par la Québécoise Marie-Pier Houle, est venue rappeler crûment, dit-elle, que le risque n’a rien de théorique.

Alors que de nombreuses interrogations demeurent quant aux circonstances ayant mené à sa mort, incluant en ce qui a trait à sa santé, Mme Ramirez n’est pas prête à dire que le combat s’annonçait forcément inégal.

« Il y a des gens qui disent qu’elle a servi de chair à canon, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Sur papier, leurs fiches n’étaient pas incompatibles », souligne la boxeuse, qui ne connaissait pas personnellement la jeune femme de 19 ans.

En 20 ans, la boxe féminine s’est grandement développée, à Aguascalientes comme ailleurs au Mexique, ajoute la professionnelle, qui a dû surmonter le scepticisme des hommes avec qui elle s’entraînait à ses débuts. Peu de femmes de la région s’intéressaient alors à ce sport.

Je pense qu’ils s’imaginaient que je n’avais pas ce qu’il fallait pour durer.

Paty Ramirez

Elle affirme être rarement confrontée aujourd’hui à des commentaires ouvertement machistes même si nombre d’hommes s’avèrent mal à l’aise, sous un vernis officiel de tolérance, face à sa pratique de la boxe.

Dans un pays marqué par la violence faite aux femmes et l’inégalité des sexes, de plus en plus de Mexicaines se tournent vers le ring pour s’entraîner, apprendre à se défendre et projeter une image de puissance, dit Mme Ramirez.

« Mais il y a encore beaucoup à faire, notamment sur le plan des salaires et des institutions gérant le monde de la boxe. Il ne faut pas uniquement qu’il y ait des femmes dans le ring. Il faut aussi qu’il y ait des femmes qui agissent comme promoteurs, qui siègent dans les fédérations de boxe », conclut-elle.