Sur le coup, Stéphan Larouche a été assommé. Puis, il a espéré qu’il y avait eu erreur au laboratoire. Mais rapidement, le dénouement, pour sa part du moins, a été clair. Il ne pouvait plus continuer à entraîner Jean Pascal.

« Les premiers jours, je me disais : “C’est sûrement une erreur, ça ne se peut pas. » Donc, j’attendais un courriel qui disait qu’ils s’étaient trompés. J’ai vécu sur cet espoir pendant un bout », a raconté l’entraîneur à La Presse, en début de soirée lundi.

De Porto Rico, où se tenait le camp de Jean Pascal depuis six mois, Larouche est rentré à la maison. Il a fait sa quarantaine au chalet dans les Laurentides. Et le courriel n’est jamais venu.

« C’était clair dans ma tête à peu près aussitôt que c’est arrivé. Comme je disais, j’aurais espéré une erreur, mais étant donné que ce n’est pas arrivé finalement, il n’y avait pas de possibilités, dans mon cas, autres que ça. »

Ça, c’est la rupture. Stéphan Larouche n’entraînera plus Jean Pascal. Sa décision était donc prise depuis un certain temps.

« Absolument », confirme-t-il.

C’est le boxeur qui l’a d’abord révélée sur son compte Twitter, prenant un peu de court celui qui était son coach des cinq dernières années.

« Stéphan est l’un des meilleurs entraîneurs avec qui j’ai travaillé et je n’ai aucun doute qu’il restera un incontournable de la boxe québécoise pour de nombreuses années à venir », a notamment écrit Jean Pascal dans une courte déclaration en deux tweets.

Larouche a alors communiqué avec La Presse par écrit.

« En 40 ans d’expérience, je croyais avoir tout vu. Mais finalement, non. Voir son athlète échouer à un test antidopage est une grande surprise et par le fait même une terrible déception, a-t-il soutenu. Pour ces raisons, j’ai décidé de rompre ma relation de travail avec Jean Pascal. »

L’entraîneur affirmait avoir été atterré par les récents évènements.

« Le sport est un véhicule d’émotions diverses. Même si on veut se préparer à vivre celles souhaitées, celles rêvées, parfois, rarement, on a la surprise de notre vie. Tel était mon cas, le 28 mai dernier. Se voir refuser la participation à un combat que nous préparions en équipe depuis six mois fut, pour moi, un choc inimaginable. »

Le croit-il ou pas ?

Ces dernières semaines, différents tests de la Voluntary Anti-Doping Association (VADA) ont révélé la présence d’épitrenbolone, de drostanolone, de métabolite A de la drostanolone et un taux trop élevé d’érythropoïétine (EPO) dans des échantillons du boxeur québécois. Son combat revanche du 6 juin contre Badou Jack avait ainsi été annulé.

Il y a dix jours, Pascal a été dépouillé de son titre de champion des mi-lourds par la WBA et suspendu six mois.

Après coup, il avait réagi ainsi par communiqué : « J’ai laissé tomber mes partisans, ma famille et mon équipe. Je suis sincèrement désolé. Je sais que les gens ne croiront pas ce que j’ai à dire. […] Je n’ai jamais pris délibérément de substances illégales, mais je suis responsable de ce que je consomme. »

Stéphan Larouche, lui, a-t-il cru ce que son boxeur lui a raconté ?

En entrevue, il ne répondra jamais non. Ni oui, d’ailleurs. Il répètera plutôt qu’il laissait Pascal parler quand il en était question. Et que tout ce qui touche de près ou de loin au dopage l’indiffère totalement.

« Bien honnêtement, je ne connais pas ça, et ça ne m’intéresse pas du tout. Je lui ai dit de ne même pas m’en parler. Moi, je connais les jabs, les crochets de gauche, les mains droites. Ma spécialité, c’est la boxe, et j’ai toujours pensé que tu n’as pas besoin de te doper pour être un bon boxeur. C’est 36 minutes de travail avec 11 minutes de repos. Ce n’est pas si dramatique que ça. Et on n’est pas dans des sports où ça prend des masses musculaires astronomiques, même au contraire. Donc, moi, j’ai tout le temps cru à l’entraînement, au développement des habiletés, de la vitesse, de la force, de la répétition des mouvements, créer des automatismes. C’est comme ça que tu deviens un champion. Le reste, ça ne m’intéresse pas une minute », lance-t-il d’un trait.

On insiste un peu… Le croit-il ou pas ?

« Ça ne m’intéresse pas, je vais me consacrer à la boxe. On a eu une belle ride ensemble, et j’aime mieux finir ça de même. »

Un commentaire « assassin »

Dans le gym, Stéphan Larouche n’avait pas vu de différences entre le Jean Pascal qu’il entraînait depuis cinq ans — sept combats — et celui des six derniers mois. Un très long camp, dû aux tergiversations incessantes du clan adverse.

« Non, zéro. Il était standard. C’est un gars qui est physiquement quand même prédisposé à bien paraître, son corps réagit bien à l’entraînement. »

Non, je n’ai vu aucun changement chez lui.

Stéphan Larouche

Dans la même veine, il est également catégorique sur un autre point : il n’a pas été témoin d’une injection qu’aurait administrée le préparateur physique de Jean Pascal à son boxeur.

« Jamais, jamais, jamais, affirme-t-il. Et je ne pense pas que j’aurais aimé voir ça, donc c’est peut-être mieux de même. »

Rappelons que toutes les substances pour lesquelles l’ex-champion québécois a été pris en délit doivent être injectées. Mais la vitamine B12, notamment, l’est aussi. Le boxeur avait congédié son préparateur physique dès l’annonce des résultats positifs aux stéroïdes anabolisants, le 29 mai. Ceux à l’EPO ont été connus ultérieurement.

Larouche a d’ailleurs ceci à dire à propos des préparateurs physiques.

« C’est un peu assassin, mais je vais le dire quand même. »

Il pèse ses mots.

« 99 % des préparateurs physiques sont exceptionnels. Mais avant qu’il y en ait dans la boxe, il n’y avait jamais de cas de dopage. Parce que, nous, les gens de la boxe, on ne connaît pas ça. Je n’étais même pas capable de lire les noms de ce pour quoi Jean s’était fait prendre », lâche le coach.

Encore là, il se garde d’accuser ou de disculper à la fois Jean Pascal et son préparateur physique. Parce que ce n’est pas son « département », dit-il.

La vie continue

Ensemble, Pascal et Larouche ont compilé une fiche de 5-2. Leur association a permis, à la surprise de plusieurs, au Lavallois de reconquérir un titre mondial.

Mais, au bout du compte, elle aura aussi lié le nom de Stéphan Larouche à une histoire dont il se serait bien passé.

En veut-il à Jean Pascal ?

Je suis surtout déçu pour lui, que ça lui arrive. Il n’avait vraiment pas besoin de ça dans sa vie, rendu là.

Stéphan Larouche

On fait remarquer à l’entraîneur que, cette fois, ça ressemble un peu à une absolution. Sa réponse est équivoque.

« Ça va me donner quoi ? En fin de compte, ça ne va rien réparer. J’aurais aimé mieux que mon nom ne soit jamais dans cette phrase-là. Il me reste peut-être encore 15, 20 ans à travailler là-dedans parce qu’on est bons quand on est vieux. J’étais bien parti, je n’avais jamais été proche de ces mots-là », souligne Larouche, 54 ans.

Il ne croit pas que cette saga lui collera à la peau. D’abord, parce que le réflexe des gens — et même le sien — est rarement de se demander qui est l’entraîneur du boxeur fautif.

Également, parce que les gens qu’il croise sont surtout déçus pour lui et ne le croient pas mêlé à ça.

Stéphan Larouche continuera à entraîner des boxeurs, un métier dont il ne se lasse pas. Et ceux-ci continueront à subir des tests antidopage.

« On est habitués de voir nos athlètes faire ces tests. Ils [les gens de la VADA] se pointent souvent, en sport amateur, c’est ça aussi. Mais pour nous, c’est juste un paquet de trouble. Quand ils arrivent, ce n’est pas le résultat qui nous énerve, c’est le temps que ça va prendre pour faire le test, avec toute la logistique. On ne se soucie jamais du résultat parce qu’il est toujours négatif. »

Presque toujours.