Sur le coup, Gaétan Hart a cru qu’il s’agissait d’une bonne idée. Et pourquoi pas ? À 46 ans, avec un enthousiasme renouvelé, il affichait une très bonne forme physique, selon sa propre évaluation.

Il s’entraînait encore – il n’avait jamais vraiment cessé –, et en plus, il avait dans sa ligne de mire un adversaire « facile », un petit combat pas trop compliqué, qui allait sans doute lui ouvrir d’autres portes et lui permettre d’autres combats, et peut-être aussi mener à quelque chose de plus payant.

Mais ce n’est pas comme ça que ça s’est passé.

« Ce fut un combat de trop, et je le regrette, commence-t-il par admettre au bout du fil. Le promoteur Henri Spitzer, il ne voulait pas que j’y aille. Il me disait : “Écoute, tu vas te faire mal”… mais je l’ai convaincu et je me suis battu quand même. »

Dans le monde du sport, il n’y a peut-être rien de plus mythique, de plus dramatique, que le retour, ce que les poètes anglais appellent le comeback. Tout le monde aime ça, les retours. Tout le monde aime les frissons que ça provoque, tout le monde aime se ranger derrière une ancienne gloire peut-être trop vieille, peut-être trop lente, qui cherche à trouver le secret de la jeunesse éternelle.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Mathias Bedburdick et Gaétan Hart avant leur combat, en 2000

Au fil du temps, il y a de très bonnes histoires qui ont été écrites dans le cadre d’un grand retour, et c’est aussi ce que Gaétan Hart cherchait à faire en ce soir de février 2000 au centre Pierre-Charbonneau. Il faut dire que le boxeur originaire de Buckingham s’y connaissait en la matière ; 10 ans plus tôt, en octobre 1990, il avait tenté (et réussi) un premier grand retour, cette fois dans le ring du centre Paul-Sauvé.

Avant mon retour de 1990, j’avais perdu un combat au Forum en 1984 contre Pierre Huneault, et rendu là, j’étais tanné. J’avais disputé plusieurs combats, souvent sept ou huit par année, j’avais été en championnat du monde contre Aaron Pryor en 1980, et j’en avais assez. Je suis allé travailler sur la construction, mais je m’entraînais pareil… et puis à un moment donné, j’ai eu le goût de revenir.

Gaétan Hart

Revenir une fois, c’est une chose. Mais revenir deux fois, et en l’espace de 10 ans ? Aujourd’hui, à l’âge de 66 ans, Gaétan Hart reconnaît que c’était peut-être un peu téméraire. Il ne regrette pas son premier combat de retour, celui de 1990 contre Michel Galarneau, parce que ç’a été pour lui une bonne et belle soirée, marquée par une victoire et aussi effectuée devant les caméras du réalisateur Pierre Falardeau, qui en a tiré un superbe documentaire, Le steak.

« Quand j’ai annoncé que j’allais revenir en 1990, Falardeau m’a appelé tout de suite. Lui et sa conjointe, Manon Leriche, sont venus filmer en partant, lors du camp d’entraînement. J’ai gagné et j’ai accordé à Galarneau une revanche en 1992, parce que c’était ce que je voulais. Ensuite, je suis retourné travailler pendant huit ans… mais ça n’a pas été long que je me suis mis à penser à la boxe ! C’était ma passion. Je me suis dit, si je peux gagner un combat, je vais en faire d’autres. J’avais vu Hercules Kyvelos battre [Mathias] Bedburdick, alors je me suis dit, si Kyvelos l’a battu, je peux le battre moi aussi. Je travaillais à Rona l’entrepôt et deux semaines avant le combat, j’avais demandé des vacances… »

PHOTO DENIS COURVILLE, ARCHIVES LA PRESSE

Pour Hart, le combat face à Bedburdick fut un désastre, une défaite sans appel, cruelle, face à un adversaire gaucher qu’il était incapable de voir arriver.

Mais ce retour-là fut moins heureux que le précédent, et puis aussi, cette fois, il n’allait pas y avoir de belles images à montrer dans un documentaire. Pour Hart, le combat face à Bedburdick fut un désastre, une défaite sans appel, cruelle, face à un adversaire gaucher qu’il était incapable de voir arriver.

Au milieu du troisième round, l’arbitre a jugé que ça ne servait plus à rien de continuer, et pour Hart, cette fois, ça allait être la fin. Ça allait être le dernier retour.

Je me suis battu pour presque rien, 1000 $, je pense… ç’a été le pire combat de ma vie. J’étais en forme, pourtant, mais me faire planter de même, en trois rounds, ce n’était pas dans mes plans. Les gens huaient, j’avais tellement honte. Après ça, j’ai été une semaine sans sortir de chez moi.

Gaétan Hart

Les guerriers, c’est bien connu, veulent tous quitter les feux de la rampe dans la gloire, au son d’une musique triomphale. C’est ce que Gaétan Hart souhaitait. Il aurait bien aimé tenter un autre retour, sans doute un dernier, mais il n’a pas été en mesure de renouveler son permis de boxe. Il devra ensuite se contenter de combats hors concours, entre autres face à Deano Clavet en 2013.

PHOTO MARTIN ROY, ARCHIVES LE DROIT

Gaétan Hart a affronté Deano Clavet lors d’un combat hors-concours en 2013.

« J’étais comme ça, moi. La boxe, c’était ma vie. C’était ma passion. Quand tu as la boxe dans le sang, tu veux toujours revenir… c’est pas évident. »

Cette fois, Gaétan Hart en a la certitude : il n’y aura pas d’autre retour. À la place, il y a une retraite paisible et en santé dans son coin de pays, à Masson-Angers, là où il conserve dans sa tête des souvenirs qui demeurent intacts. En plus de conserver ce sentiment inestimable du devoir accompli.

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J’étais comme ça, moi. La boxe, c’était ma vie. C’était ma passion. Quand tu as la boxe dans le sang, tu veux toujours revenir… c’est pas évident.

Gaétan Hart