Retournons dans l’octogone avec Charles Jourdain le 21 décembre dernier. Quelques instants après sa première victoire dans l’UFC et son retentissant K.-O. face à Doo Ho Choi, le combattant de 24 ans lance un message au président Dana White : « J’ai besoin du bonus de 50 000 $ pour quitter le sous-sol de mes parents. »

Près de six mois de plus tard, qu’en est-il pour celui qui affronte Andre Fili (20-7-0) samedi à Las Vegas ? « Je n’ai pas pu déménager, répond-il. Je voulais acheter un terrain, mais ça a pris trois mois avant que je reçoive l’argent. Puis après, la situation a commencé à se détériorer [avec la COVID-19]. »

C’est donc dans le nid familial, à Belœil, que Jourdain a vécu l’après-Doo Ho Choi. Malgré la victoire, il reconnaît que la période n’a pas été facile. En battant le Sud-Coréen devant ses propres partisans, il est entré dans un nouveau territoire en matière de reconnaissance internationale. Le détenteur des ceintures des poids légers et des poids plumes dans l’organisation TKO a mis un peu de temps avant de digérer la situation et accepter les regards.

« J’avais besoin d’être seul. Je suis très intimidé par la notoriété. C’est quelque chose de très difficile à apprivoiser pour moi. J’ai préféré ne pas répondre à mon téléphone, m’enfermer et être dans mon monde parce que j’avais de la misère à gérer cette pression-là, admet Jourdain. Je trouvais que les gens s’approchaient de moi à cause de la victoire ou de mes sous. Je les voyais tous d’un mauvais œil. Maintenant, je sais comment tirer du positif dans cette notoriété. Je l’accepte. »

Pandémie

Comme les autres combattants, Jourdain a ensuite repris l’entraînement dans un contexte particulier. Avec la fermeture des gymnases, il a dû improviser au cours du printemps. Pour trouver un partenaire d’entraînement, par contre, ce fut particulièrement simple puisque son jeune frère Louis est également un combattant d’arts martiaux mixtes.

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Charles Jourdain à l'entraînement dans un gymnase de Mont-Saint-Hilaire bien avant la pandémie, en décembre 2018

« On allait faire des pads dehors. Par exemple, les parents de ma copine ont une vaste cour arrière qui fait un peu campagne et on pouvait faire ce qu’on voulait. M’entraîner dehors, c’est même ce que j’ai préféré de ce court camp d’entraînement. Louis et moi, on luttait et on se battait littéralement dans le gazon. Certains disent : “Ça pique, je préfère avoir un tapis et un air climatisé”, mais c’est un luxe. Quand tu aimes ce que tu fais, tu peux le faire dans n’importe quel environnement. »

Tout le monde se trouve dans le même bateau, ajoute-t-il. Pendant un certain temps, son adversaire, un résidant de Californie, a par exemple dû se limiter à des entraînements dans un parc et à des courses à pied avec son chien. Mais peu importe les contraintes du dernier trimestre, Andre Fili n’est ni moins dangereux ni le premier venu dans un octogone.

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Andre Fili (à droite) lors de son dernier combat, contre Sodiq Yusuff, le 18 janvier dernier à Las Vegas

Classé dans le top 20 de la division, il avait remporté quatre de ses cinq derniers combats avant de s’incliner devant Sodiq Yusuff au mois de janvier. Il est connu pour diversifier ses attaques et posséder un bon cardio. Il est le genre d’adversaire qui peut faire avancer la carrière d’un jeune loup comme Jourdain. De son côté, le Montérégien dit avoir énormément travaillé son combat au sol au cours des derniers mois. On se rappelle son duel contre l’Ontarien T. J. Laramie, en décembre 2017 au Centre Bell, au cours duquel il avait été dominé de A à Z au sol.

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Doo Ho Choi et Cub Swanson lors d'un combat les opposant à Toronto en 2016

« J’avais demandé un combat contre Cub Swanson, mais il est malheureusement blessé, indique Jourdain à propos de l’évènement de samedi. On a eu quelques échanges sur Twitter et il a écrit récemment : “Gagne ce combat, Charles, je vais avoir un œil sur toi.” Si on regarde les trois combats, Doo Ho Choi et Andre Fili ont déjà été dans le top 15 mondial et Swanson est l’une des plus grandes vedettes chez les poids plumes. »

Ce sont des gros noms, mais c’est ce qui a fait ma force chez TKO. Je prends des risques et ça semble porter ses fruits.

Charles Jourdain

Celui qui s’estime « toujours sous-estimé » par ses différents adversaires s’est envolé vers les États-Unis en début de semaine. Muni d’un visa spécial, il découvrira Las Vegas et le centre d’entraînement Apex de l’UFC où il se battra. Il devra aussi naviguer entre les différentes mesures mises en place face à la menace de la COVID-19. Des tests, le port du masque, des horaires à respecter et un encadrement strict sont au menu. Le soir du combat, une autre première l’attend : l’absence de spectateurs.

« Ça ne m’est jamais arrivé. Le monde qui crie, ça m’a toujours donné de l’énergie. J’ai toujours aimé faire le spectacle pour les gens. Avec le temps, j’ai compris que je devais me battre pour moi et que les gens allaient être satisfaits comme ça. Je me priorise un petit peu plus. »