La World Wrestling Entertainment (WWE) est de passage au Centre Bell cette semaine pour deux galas en deux jours: Raw hier, et Smackdown Live ce soir. La Presse s’est entretenue avec Kevin Owens, la vedette québécoise de la fédération.

Un nouveau rôle revigorant

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE KEVIN OWENS

Kevin Owens

Nous sommes en décembre 2014. Kevin Owens débarque enfin sur les écrans de la World Wrestling Entertainment (WWE), au sein de NXT, le «club-école» de la WWE. Il y arrive dans le rôle du «bon», gagne son premier combat de façon convaincante et est acclamé par la foule.

Quelques minutes plus tard, son compatriote québécois Sami Zayn remporte le championnat de la fédération. Plusieurs lutteurs viennent le féliciter dans l’arène, dont Owens. Mais c’est une ruse! Owens trahit son bon ami de la seule façon que l’on trahit un ami à la lutte: en lui servant un «powerbomb» sur le tablier du ring.

«J’ai été bon une journée, jusqu’à ce que je me retourne contre Sami!», lance-t-il en riant.

On a beau dire que la lutte d’aujourd’hui est plus nuancée qu’à l’époque de Hulk Hogan et de King Kong Bundy, le concept du bon et du méchant a la couenne dure à la WWE. Kevin Owens, qui a constamment campé le rôle du méchant depuis ce temps, est maintenant un gentil. C’est le rôle qu’il occupe depuis son retour entre les câbles, fin février, après cinq mois d’absence en raison d’opérations aux genoux.

Le changement était à prévoir, parce que le Marievillois a beau être détestable au possible dans le rôle du vilain, les réactions de la foule pendant ses combats étaient toujours intéressantes. Sur Twitter, il est suivi par 1,1 million d’abonnés, et on devine qu’ils n’y sont pas tous pour le détester.

Malgré son succès en tant que méchant, il souhaitait changer.

«Je suis à l’aise dans les deux rôles, mais je préfère être "face" [le jargon pour un gentil], parce que je ne l’ai pas fait depuis tellement longtemps, explique Owens, rencontré hier matin dans le cadre de sa tournée médiatique. C’est rafraîchissant. C’est comme n’importe quelle job : quand tu fais toujours la même chose, tu te blases un peu et ça devient monotone. C’est la même chose à la lutte. Aussi, quand tu es méchant pendant des années, tu luttes souvent avec les mêmes gars, donc ça permettra d’avoir des combats différents.»

Cette distinction du gentil et du méchant fait partie du quotidien d’Owens depuis qu’il est à la WWE. Auparavant, en 14 ans de lutte sur les circuits indépendants, ce concept était beaucoup plus flou, parce que chaque gala était dans une fédération différente, dans un pays différent, et pas nécessairement diffusé en direct à la télévision.

«Sur la scène indépendante, j’évaluais la foule et je regardais où on allait. En lutte indépendante, chaque gala est un spectacle différent. Mais à la WWE, il y a des histoires et tu dois suivre les directives.»

Une nouvelle manœuvre

Certaines distinctions entre le gentil et le méchant sont assez évidentes. Le méchant va tricher pendant ses combats, va insulter la foule ou va manquer de respect envers la ville où le gala se déroule. Owens et le divertissant Elias l’avaient fait à merveille pendant ce segment d’anthologie l’an dernier. «Les gens de Seattle sont excellents pour tout gâcher. C’est pourquoi leur équipe de basketball est partie!», avait crié Owens, pendant que 15 000 spectateurs semblaient prêts à monter dans l’arène pour lui fermer le clapet.

Évidemment, un gentil ne tiendra pas de tels propos. Mais le rôle change également dans la façon de lutter.

«Il y a quelques années, je me suis fait dire d’arrêter d’être spectaculaire, parce que les gens avaient moins de raisons de me huer. Je n’ai jamais été d’accord avec cette philosophie, mais ça ne change rien que je sois d’accord ou pas! Mais c’est ça, la plus grosse différence: je suis plus libre de ce que je fais, je n’ai pas à me soucier de la réaction si je fais telle ou telle manœuvre.»

Parmi ces éléments qui marquent son nouveau statut, Owens a ajouté une prise à son répertoire: le Stunner, probablement le coup le plus célèbre des 25 dernières années, popularisé par l’ancien champion «Stone Cold» Steve Austin. Si vous avez vu cinq minutes de lutte à la fin des années 90, ou si vous avez participé à un tailgate avec des partisans éméchés des Bills de Buffalo, vous avez sûrement déjà vu un Stunner.

Pensez au tir sur réception d’Alexander Ovechkin depuis le côté gauche, en avantage numérique. Le Stunner est à peu près l’équivalent à la lutte.

«Un, c’est facile à faire. Deux, ça a beaucoup d’impact. Trois, c’est excitant. C’est presque le move parfait. Tu ne sais jamais quand ça va sortir, et quand ça sort, c’est tellement soudain que c’est facile d’avoir une bonne réaction.» — Kevin Owens

En fait, la manœuvre est si simple à exécuter (et à subir) que même l’actuel président des États-Unis en a été victime il y a quelques années.

Au-delà de cette anecdote, on retiendra surtout que ce n’est pas par hasard qu’Owens a été le premier à obtenir la permission d’employer cette manœuvre depuis la retraite d’Austin, en 2003. La lutte a beau être scénarisée, on ne badine pas avec certains éléments qui ont contribué à créer des légendes. Owens est privilégié et il en est conscient.

«Ça faisait longtemps que je voulais le faire, j’ai demandé la permission à Steve Austin il y a deux ans. Pas que je devais lui demander, mais il a apprécié que je le fasse, il était content de me dire de m’en servir quand je veux. Ça fonctionne. Le feedback est positif à 98%. C’est un honneur de ramener cette manœuvre-là. Je ne suis pas le seul à l’avoir fait ces dernières années, mais de redorer la réputation de ce coup-là, c’est un honneur.»

Le gala Raw en photos

Notre photographe était au Centre Bell hier soir pour le premier des deux galas de la WWE présentés à Montréal.