De ses amis d'enfance dans une ville américaine longtemps divisée par la ségrégation au président des États-Unis, le monde entier pleurait samedi Muhammad Ali, saluant la mémoire d'un boxeur légendaire aux convictions en acier, qui a marqué l'histoire.

Personnalité marquante du XXe siècle, sur et hors des rings, il s'est éteint vendredi à 74 ans dans un hôpital de Phoenix, dans l'Arizona.

« Muhammad Ali  était ''The Greatest''. Point final. », a réagi Barack Obama dans un hommage appuyé.

Dès le lever du jour, les habitants de sa ville natale, Louisville, sont venus samedi déposer des fleurs devant la petite maison de son enfance.

>>> Muhammad Ali en photos

Non loin de là, le maire de la ville, Greg Fischer, a présidé une cérémonie d'hommage à 10 h, saluant un « homme d'action et de principes » qui a grandi dans cette ville du Kentucky, marquée pendant sa jeunesse par la ségrégation qui séparait encore aux États-Unis les Noirs des Blancs.

En silence, une garde d'honneur a ensuite mis les drapeaux en berne.

« Après un combat de 32 ans contre la maladie de Parkinson, Muhammad Ali est décédé à l'âge de 74 ans. Le triple champion du monde des lourds est mort dans la soirée », avait annoncé le porte-parole de sa famille, Bob Gunnell, vendredi soir.

Ses obsèques auront lieu vendredi à Louisville, a annoncé samedi le porte-parole de la famille du boxeur de légende.

L'ancien président américain Bill Clinton sera l'une des trois personnalités, avec le journaliste Bryant Gumbel et l'acteur Billy Crystal qui prononceront son éloge funèbre, a indiqué le porte-parole lors d'une conférence de presse à Scottsdale, en Arizona. Sa famille se rassemblera dès jeudi pour une cérémonie privée.

Muhammad Ali était hospitalisé depuis jeudi dernier pour soigner un problème respiratoire dans une clinique de Phoenix, où il s'était établi avec sa quatrième épouse Lonnie.

Il souffrait depuis les années 80 de la maladie de Parkinson et avait déjà été hospitalisé à deux reprises fin 2014 et début 2015 pour une pneumonie et une infection urinaire.

Hommages  

Passionnés de boxe et passants émus se relayaient jeudi devant l'hôpital où Muhammad Ali a passé ses dernières heures, laissant mots, fleurs et ballons pour un monument improvisé à la mémoire de cette légende du sport.

Ancien boxeur amateur, Joel Valera est venu accrocher une paire de ses gants rouge et blanc à une colonne faisant face à l'entrée des urgences de l'hôpital de Scottsdale, en Arizona, où le sportif s'est éteint vendredi soir.

«Ce n'était pas seulement un immense boxeur, c'était un homme extraordinaire, une personne très humaine», confie cet homme de 49 ans.

«Tu as fait la fierté des États-Unis, ton héritage vivra toujours», pouvait-on lire sur un mot épinglé à côté. Ballons colorés et fleurs avaient également été déposés.

«Que ce grand homme et cette belle âme reposent en paix», avait de son côté inscrit un passant au-dessus d'une photo en noir et blanc montrant Muhammad Ali et Michael Jackson enfant.

Un style unique

L'annonce de son décès a déclenché une vague d'émotion, le monde de la boxe saluant à l'unanimité sa mémoire.

« Dieu est venu chercher son champion », a déploré Mike Tyson, l'un de ses successeurs sur les rings.

« Nous avons perdu un géant », a de son côté déclaré le Philippin Manny Pacquiao, multiple champion du monde, tout juste retraité des rings.

L'histoire veut que Cassius Clay, petit-fils d'esclave, se soit mis à la boxe, enfant, pour se venger d'un gamin qui lui avait volé son vélo.

Et très vite, à la force impressionnante de ses poings, il collectionne les victoires et les titres, celui de champion olympique à Rome en 1960, puis de champion du monde WBA en 1964 en battant Sonny Liston par KO au 7e round.

Le lendemain, il décide de changer de nom et se fait appeler Cassius X en l'honneur du leader des « Black Muslims », Malcolm X. Un mois plus tard, il se convertit à l'islam et prend le nom de Muhammad Ali.

Grâce à son style unique, les bras souvent ballants le long du corps, il conservera son titre mondial jusqu'en 1967, date à laquelle il refuse d'aller faire la guerre au Vietnam.

« Je n'ai pas de problème avec les Vietcongs », avait-il proclamé le 17 février 1966.

Il échappe à la prison mais est interdit de ring, vilipendé par une majorité de l'opinion publique américaine mais tenu par d'autres comme un pilier de la contre-culture et un champion de la cause des noirs qui se battent alors pour l'égalité des droits.

« Je mesure peut-être 2,18 m, mais je ne me suis jamais senti aussi grand que lorsque j'étais dans son ombre », a déclaré la légende du basket Kareem Abdul-Jabbar, rappelant que « Muhammad avait volontairement sacrifié les meilleures années de sa carrière et s'était battu pour ce qu'il croyait juste ».

Déchu de ses titres, interdit de boxer pendant trois ans et demi, il redevient champion du monde en 1974, réunifiant les titres WBA et WBC lors de sa victoire par KO (8e round) sur George Foreman lors du mythique « Rumble in the jungle » à Kinshasa, au Zaïre (aujourd'hui République démocratique du Congo).

« Une partie de moi s'en est allée, la plus grande partie », a commenté Foreman.

Ce combat, aussi médiatique que spectaculaire dans son organisation et son déroulement, marque le sommet de sa carrière. C'est lors de la préparation de ce duel qu'il avait lâché l'une de ses plus mémorables tirades: « Je vole comme le papillon, pique comme l'abeille, ses poings [de Foreman] ne peuvent pas toucher ce que ses yeux ne voient pas. »

Il a ensuite perdu son titre aux points face à Leon Spinks le 15 février 1978 et l'a récupéré en prenant sa revanche le 15 septembre de la même année.

« Comme Martin Luther King »

Retraité en 1979, il est contraint de remettre les gants deux ans plus tard, à 39 ans, faute d'avoir su gérer sa fortune.

C'est le combat de trop. En octobre 1981, il est tristement humilié par son compatriote Larry Holmes, trop fort pour lui (abandon, 11e reprise).

« Ce fut l'un des combats les plus durs que j'ai eu à faire, me battre contre un gars que j'ai aimé », a témoigné Larry Holmes samedi.

Ali n'est alors plus « le plus grand » mais il s'entête. En décembre de la même année, une défaite face à Trevor Berbick sera son dernier combat.

Après 56 victoires en 61 combats, dont 22 en championnats du monde et 37 avant la limite, Ali raccroche définitivement les gants.

En 1996, il apparaît, malade et affaibli par la maladie de Parkinson, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'Atlanta où, tremblant, il avait difficilement embrasé la vasque olympique.

En 2005, il avait reçu la médaille présidentielle de la liberté, la plus haute décoration civile aux États-Unis.

L'ex-président américain Bill Clinton s'est dit honoré d'avoir été son ami.

Barack Obama a lui salué dans un message émouvant son rôle dans la lutte pour les droits civiques: « Il a été aux côtés de [Martin Luther] King et [Nelson] Mandela, il s'est élevé quand c'était difficile, il a parlé quand d'autres ne le faisaient pas. »

Soulignant qu'il conservait une paire de ses gants de boxe et une photo de lui dans son bureau personnel, juste à côté du Bureau ovale, la président américain a salué sa trajectoire hors-norme.

Ses apparitions en public étaient de plus en plus rares, la dernière remontait à avril dernier à Phoenix, lors d'un dîner de charité pour lever des fonds pour la recherche contre la maladie de Parkinson.

« Il [Dieu)]m'a donné la maladie de Parkinson pour me montrer que je n'étais qu'un homme comme les autres, que j'avais des faiblesses, comme tout le monde. C'est tout ce que je suis: un homme », avait déclaré le boxeur en 1987.

« Muhammad Ali ne mourra jamais », a assuré Don King, le promoteur du « Rumble in the jungle ». « Il est comme Martin Luther King. Son esprit vivra à jamais ».

PHOTO BRENDAN SMIALOWSKI, AFP

Des citoyens de Louisville ont déposé des fleurs et des bougies au Mohamed Ali Center, le 4 juin.

Le décès de Muhammad Ali fait réagir la planète

Principales réactions au décès de l'ancien champion du monde des lourds Muhammad Ali vendredi à l'âge de 74 ans.

George Foreman, ancien champion du monde des lourds, battu par Ali dans l'un des combats les plus célèbres de l'histoire «The Rumble in the Jungle» (sur son compte Twitter): «Ali, Frazier et Foreman, nous ne faisions qu'un. Une partie de moi s'en est allée, la plus grande partie.»

Mike Tyson, ancien champion du monde des lourds (sur son compte Twitter): «Dieu est venu chercher son champion, adieu au plus grand @MuhammadAli TheGreatest RIP.»

Floyd Mayweather, ancien champion des mi-moyens, invaincu en 49 combats, et jeune retraité: «Nous avons perdu une légende, un héros et un grand homme. Il est l'un de ceux qui m'ont ouvert la voie pour que je devienne celui que je suis. Les mots sont insuffisants pour dire ce que Muhammad Ali a fait pour notre sport. Personnellement, ce qu'il m'a montré, c'est qu'il ne faut jamais avoir peur, jamais arrêter de croire et jamais se contenter de moins.»

Evander Holyfield, ancien champion du monde des lourds: «C'est une perte énorme. Je voulais être comme lui, il m'a inspiré [...] On m'a demandé un jour si je voulais battre son record [Ali a conquis un titre mondial des lourds à trois reprises, NDLR] et j'ai répondu non, car cela voulait dire qu'il fallait que je perde, mais pour revenir d'une défaite, il faut être plus fort encore et c'est ce qu'Ali a montré durant sa carrière.»

Don King, promoteur du «Rumble in the Jungle»: «C'était quelqu'un de merveilleux, pas seulement comme boxeur mais comme être humain, comme icône. Muhammad Ali ne mourra jamais, il est comme Martin Luther King. Son esprit vivra à jamais.»

Oscar de la Hoya, ancien champion sacré dans six catégories différentes, désormais promoteur: «Il est celui qui a propulsé la boxe dans son âge d'or et rendu populaire notre sport. Ali incarnait le courage, il n'a jamais choisi la facilité, que ce soit sur les rings de boxe et en dehors. Au moment de célébrer sa vie, il faut se souvenir qu'il a toujours cherché la grandeur dans tout ce qu'il a fait.»

Bob Arum, promoteur de boxe: «C'est à n'en pas douter la personne qui a le plus transformé notre époque, c'était un grand sportif, quelqu'un qui savait se faire comprendre, se faire entendre, qui disait haut et fort ce qu'il croyait être juste.»

Manny Pacquiao, légende philippine de la boxe et jeune retraité: «Nous avons perdu un géant, la boxe a beaucoup profité des talents de Muhammad Ali, mais pas autant que les hommes de son humanité.»

Lennox Lewis, ancien champion du monde des lourds (sur son compte Twitter): «Un géant parmi les hommes, Ali s'est montré grand dans son talent, son courage et ses convictions, à un point que la majorité d'entre nous ne sera jamais capable de comprendre véritablement. RIPAli.»

Barry McGuigan, ancien champion du monde des plumes: «Aujourd'hui nous avons perdu le plus grand sportif qui ait jamais vécu RIPMohamedAli.»

Larry Holmes, ancien champion du monde des lourds, ancien partenaire d'entraînement et vainqueur de Muhammad Ali en 1980 (à CNN): «Il m'a toujours bien traité. La première fois que je suis allé le voir, je n'avais aucun équipement. Il m'a donné ses chaussures de boxe, ses gants, son short, ses bandes de poignets, et m'a dit: ''voilà ton équipement''. Et ainsi nous sommes devenus amis. [...] [sur sa victoire contre Ali] Ce fut l'un des combats les plus durs que j'ai eu à faire, me battre contre un gars que j'ai aimé. [...] J'ai compris la raison pourquoi il voulait me combattre, c'était pour l'argent. Il allait prendre 10 millions de dollars. Mais il voulait combattre et gagner. [...] C'était un triste jour. Après l'avoir battu, je suis allé dans son vestiaire et je lui ai dit que je l'aimais. Il m'a dit: ''alors pourquoi as-tu crié de joie comme ça?'' Il avait toujours quelque chose à redire.»

Barack Obama, président des États-Unis: «Son combat en dehors du ring lui a coûté son titre, lui a valu nombre d'ennemis. Mais Ali a tenu bon.»

Bill Clinton, ancien président des États-Unis: «Hillary [son épouse, candidate à la Maison-Blanche] et moi sommes profondément attristés par la disparition de Muhammad Ali. [...] Nous l'avons vu grandir, passant de l'assurance impétueuse de la jeunesse et du succès à un âge adulte empli de religion et de convictions politiques qui l'ont mené à faire des choix difficiles et à en assumer les conséquences. [...] En chemin, nous l'avons vu courageux sur le ring, offrir un modèle aux jeunes, plein de compassion envers ceux qui étaient dans le besoin, et fort et plein d'humour face à ses problèmes de santé.»

Donald Trump, candidat républicain à la Maison-Blanche (sur son compte Twitter): «Muhammad Ali est mort à 74 ans! Un véritable grand champion et un homme merveilleux, il va nous manquer.»

David Cameron, premier ministre britannique: «Muhammad Ali n'était pas seulement un champion sur le ring - il était également un champion des droits civiques et un modèle pour tellement de personnes.»

La Fondation Nelson-Mandela, fondée par l'ancien président sud-africain Nelson Mandela, décédé en 2013: «Ali était une légende, à la fois en tant que sportif et en tant que personnage public déterminé à faire des sacrifices pour ses convictions [...] Nelson Mandela, qui appréciait la boxe, considérait Ali comme son héros dans la boxe. Madiba avait un grand respect pour son héritage et parlait de ses réalisations avec une grande admiration», a réagi Sello Hatang, président de la Fondation.»

Kareem Abdul-Jabbar, ancien joueur des Lakers de Los Angeles, meilleur marqueur de l'histoire de la NBA: «À une époque où les Noirs qui s'élevaient contre les injustices étaient traités d'arrogants et souvent arrêtés, Muhammad a volontairement sacrifié les meilleures années de sa carrière et s'est battu pour ce qu'il croyait juste. En faisant cela, il a fait grandir tous les Américains, Noirs et Blancs. Je mesure peut-être 2,18 m, mais je ne me suis jamais senti aussi grand que lorsque j'étais dans son ombre.»

David Beckham, ancien joueur de soccer: «Le Plus Grand le sera toujours... Le plus fort et le meilleur... Repose en paix.»

Ringo Starr, ancien batteur des Beatles: «Que Dieu bénisse Muhammad Ali, paix et amour à toute sa famille.»

Madonna, artiste: «Cet homme. Ce roi. Ce héros. Cet humain! Les mots me manquent. Il a secoué le monde! Que Dieu le bénisse.»

Snoop Dogg, rappeur américain: «Le champion du peuple. Mon héros.»

Justin Bieber, artiste, accompagnant son message avec une photo d'Ali jouant au Monopoly: «C'est le ALI qu'on devrait tous retenir! L'homme drôle et aimant qui était complètement lui-même!! RIP CHAMPION!!!»

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Muhammad Ali