Renan St-Juste a souvent vu des scènes du genre: un boxeur entouré de cameramen, de journalistes, de photographes. Il a souvent vu des scènes du genre, mais c'était toujours pour d'autres boxeurs, pour Lucian Bute, pour Jean Pascal, pour Antonin Décarie.

Dans un sous-sol du centre sportif Claude-Robillard éclairé au néon, hier, les médias s'étaient déplacés pour lui. Juste pour lui. Il a aligné les réponses comme un pro. Mais entre deux questions, une phrase lui a échappé: «Je suis un peu nerveux, c'est ma première conférence de presse.»

À 39 ans, après des années passées dans l'ombre d'autres boxeurs, Renan St-Juste (23-2-1, 15 K.-O.) a enfin sa chance. Le natif de Montréal-Nord va affronter vendredi soir Anthony Dirrell (23-0, 20 K.-O.), en Californie, dans un combat éliminatoire. S'il l'emporte, il aura accès à ce que les boxeurs désirent plus que tout: un combat de championnat du monde.

«Mon rêve, c'est de me battre en championnat du monde. Je l'ai tout le temps dit: donnez-moi une chance, juste une chance, a rappelé St-Juste. Pratiquement tout le monde l'a eue, cette chance, au Québec.»

St-Juste a maintenant cette opportunité à l'aube de la quarantaine. Qu'il se soit rendu si loin est en soi un exploit. Il n'a commencé la boxe qu'à 27 ans, après une jeunesse passée à pratiquer les arts martiaux.

«Je me dirigeais vers une carrière dans ce qu'on appelle aujourd'hui le UFC. Mais il y avait un gala de boxe au centre où je m'entraînais et il manquait un boxeur. Mon entraîneur m'a dit une seule chose: «Fais juste pas lancer de coups de pied!»»

De combat en combat, il a fait son chemin et sa réputation dans le petit monde québécois de la boxe jusqu'à la victoire qui lui a ouvert bien des portes. Il y a un an presque jour pour jour, dans un Centre Bell transformé en arène, il a mis Sébastien Demers K.-O. au deuxième round.

Vendredi, il devra répéter l'exploit. Renan St-Juste part ce matin pour la Californie aux côtés de son entraîneur, Pierre Bouchard, avec l'étiquette de négligé. Le cogneur Anthony Dirrell commence déjà à parler de ses prochains combats. Il aimerait affronter Andre Ward. «Il peut penser à Ward, il peut penser à Bute, a lancé St-Juste. Il peut penser à qui il veut. Mais durant le combat, il va peut-être penser à sa mère.»

St-Juste prévient l'Américain de 27 ans qu'il n'a pas fait tous ces efforts pour livrer un combat sans lustre. «Là, je suis à la porte d'un championnat du monde et vendredi, il va falloir qu'il travaille fort, celui-là», a-t-il dit en parlant de son adversaire, qui est le frère du médaillé olympique Andre Dirrell.

En attendant, Renan St-Juste profite du moment présent. Deux de ses frères s'étaient déplacés hier pour assister à la conférence de presse, pour enfin le voir briller sous les feux de la rampe à 39 ans.

«Je n'ai jamais été découragé, a dit St-Juste. À chacun son moment, et le mien est venu.»