Le CS Saint-Laurent a brillamment tenu tête au Toronto FC pendant plus d’une mi-temps, au Complexe sportif Claude-Robillard, mercredi soir. Il s’est finalement incliné 3-0, au terme d’une performance plus qu’honorable, sous la pluie, devant 6482 partisans qui ont même sorti fumigènes et pétards pour l’occasion.

L’ambiance était spéciale. Et le moment – une rencontre en quarts de finale du Championnat canadien – s’y prêtait. Même John Herdman était de cet avis.

« Quelle performance par Saint-Laurent, a lancé l’entraîneur du TFC d’emblée en conférence de presse d’après-match. Je les ai trouvés excellents ce soir. C’était une atmosphère d’enfer. Ça avait tous les airs d’un vrai match de Coupe. Et il y a plus de médias ici que j’en ai à Toronto ! »

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Un partisan allumant des fusées éclairantes lors du match

On parle ici d’un club semi-professionnel contre une formation de la MLS. De joueurs qui s’entraînent quatre fois par semaine, certains avec deux emplois en plus, contre des vedettes internationales. Loïc Kwemi contre Matty Longstaff, un ancien de Newcastle, en Premier League. Ousama Boughanmi contre Jonathan Osorio, pilier de la sélection canadienne. Le gardien Kosta Maniatis face à Federico Bernardeschi, joueur désigné et ancien de l’Italie.

Le défenseur Nathan Goulet, âgé de 22 ans, a parlé du « rêve » que constituait cet affrontement contre des joueurs de la trempe de Bernardeschi, qu’il a vu jouer à la télé en Ligue des champions avec la Juventus.

Mais aussi de la réalité qui a rapidement pris la place du rêve éveillé.

« [En début de match] on était assez stressés, a-t-il expliqué devant les journalistes. Mais une fois les 5-10 premières minutes passées, on sentait que c’était 11 humains contre 11 humains. »

Manque d’opportunisme

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Le gardien du CS Saint-Laurent, Konstantinos Maniatis

Nos yeux ont vu la même chose que les intervenants cités ci-dessus : on a rapidement compris que Saint-Lo n’était pas là pour se faire marcher sur les pieds. Oui, Herdman a sorti son équipe B. Seuls Longstaff et Osorio, dans la formation partante, sont des titulaires en MLS.

La première chance de marquer est justement venue de l’international canadien, à la 7minute. Son tir, sur un retour, a été bloqué sur la ligne de but par Goulet.

« C’est vraiment à ce moment qu’on est rentrés dans le match, a-t-il souligné. Ça nous a fait du bien. »

Sinon, les deux équipes ont eu leurs occasions en première mi-temps. Celles des locaux ont fait se lever ses partisans. Oussama Boughanmi, le puissant milieu de terrain de Saint-Laurent, a démontré son savoir-faire. Et surtout que, malgré ses 34 ans, il aurait le profil d’un vrai de vrai joueur professionnel.

« Je pense que toute notre équipe peut jouer à un meilleur niveau, a affirmé l’entraîneur-chef de Saint-Laurent, Nick Razzaghi, interrogé sur le potentiel de ses ouailles. Je suis très sincère en disant ça. […] Certains ont le potentiel de franchir la barrière et d’aller même en MLS. »

Au fil du match, en revanche, les favoris de la foule ont manqué d’opportunisme. Des chances, ils en ont eu, mais les ballons n’ont que très peu trouvé le cadre.

Le gratin québécois à Claude-Robillard

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La soirée avait tous les ingrédients pour être folklorique. Déjà, une heure avant le match, on en a eu un avant-goût en mettant le pied au mythique restaurant d’Ahuntsic La Patate Rouge. On y a rencontré plusieurs confrères des médias, ainsi que la sympathique Justine Longpré, capo du groupe de supporters 1642MTL.

On arrive sur la galerie de presse du complexe sportif. Qui ne croise-t-on pas ? Les anciens entraîneurs-chefs de l’Impact, Valerio Gazzola et John Limniatis, dans une loge. Non, ils n’avaient pas envie de commenter la situation chez le CF Montréal. Oui, ils se sont réjouis de cette belle soirée pour le soccer montréalais, québécois et canadien.

À la mi-temps, on se rend compte que tout le gratin du soccer québécois est venu assister à cette rencontre historique. Mauro Biello et ses deux fils, Gabriele et Alessandro. Vassili Cremanzidis. Olivier Renard. Comme vous l’avez lu dans nos pages, il leur est impossible de parler publiquement de leur statut avec le CFM. Mais leur plaisir d’assister à cette rencontre était bel et bien là, on vous l’assure.

Le rouleau compresseur s’impose

On retourne à notre siège sur la galerie de presse. Malheureusement, on ne peut s’asseoir. Les jeunes adolescents surexcités devant nous resteront debout tout au long de la deuxième mi-temps. La plupart des lignes que vous lisez actuellement ont été écrites dans ces circonstances.

Au retour des vestiaires, le TFC appuie le pied sur l’accélérateur. À la 50e, Longstaff dégaine dans la surface, et fait 1-0.

Le match se joue huit minutes plus tard. Après une action que la foule et les joueurs de Saint-Lo estiment leur valoir un penalty, le TFC s’empare du ballon en contre-attaque, Deandre Kerr se défait d’un défenseur et envoie le ballon de la surface dans le filet. 2-0.

« On n’est pas dans une situation qui nous permet de survivre à des erreurs d’appel d’arbitres comme celles-ci », s’est désolé Razzaghi, qui convient que son équipe aurait dû mieux défendre l’action suivante.

« Mais on se sent lésés par la décision. On est certains que c’était une touche de la main. Même après l’avoir vue à la reprise. J’ai beaucoup de questions. »

Comme si ce n’était pas assez, le gros canon qu’est Federico Bernardeschi est entré en jeu à la 65e. À la 76e, son coup franc en lob a surpris tout le monde, y compris le gardien Maniatis, et est allé se loger dans le filet. 3-0. La tâche, déjà gigantesque, sera maintenant titanesque mardi prochain, au BMO Field, pour le match retour.

« Énorme fierté »

Même avec une ambiance si chaude et chaleureuse, Razzaghi s’est dit « trop compétitif » pour apprécier le résultat final.

« Ce serait mentir de dire que je suis juste content d’être là. On peut mieux faire. Et les gars veulent mieux faire aussi. »

Il se dit néanmoins satisfait d’avoir continué à « proposer du jeu » même sous pression. « On n’a jamais eu peur de faire nos affaires. C’est une énorme fierté de faire ça. »

Et on le répète : le CS Saint-Laurent avait affaire à une équipe de la première division nord-américaine, alors que ses propres joueurs doivent conjuguer avec un emploi du temps chargé en dehors du soccer.

« On a de l’école et le travail à côté, a rappelé Nathan Goulet. Et les entraînements à temps plein. »

Était-il au travail mercredi ?

« Non, aujourd’hui et hier, c’était congé ! »

« Ce n’est plus mon problème »

La relation entre John Herdman et Alphonso Davies a été étroite, dans les dernières années. L’ancien sélectionneur du Canada a été appelé à commenter le but spectaculaire de son ancien poulain avec le Bayern Munich, mercredi, en Ligue des champions.

« C’était un cracker ! a-t-il répondu presque avant que la question ne soit complètement posée. J’espère qu’il aura la chance de gravir l’échelon et de se joindre au Real Madrid. »

Puisqu’on est sur le sujet, que pense-t-il de la candidature de Mauro Biello à titre d’entraîneur-chef pour le Canada à temps plein ?

« Ce n’est plus mon problème maintenant, les gars, répond-il en riant. Je suis passé à autre chose. Je souhaite le meilleur à Mauro et à tout le monde. J’aurai toujours une place dans mon cœur pour l’équipe canadienne. »