(Doha) Pour le Maroc et pour l’Afrique ! Vainqueur 1-0 du Portugal de Cristiano Ronaldo samedi en quart de finale du Mondial-2022, le Maroc est entré dans l’histoire du football en devenant le premier pays africain à atteindre le dernier carré de la Coupe du monde.

Le Cameroun de Roger Milla en 1990 et le Sénégal d’El-Hadji Diouf en 2002 s’en étaient approchés de très près, le Ghana d’Asamoah Gyan encore plus en 2010, quand il avait fallu une main volontaire de Luis Suarez puis une séance de tirs au but pour le priver de demi-finale.

Samedi, le Maroc y est parvenu, enfin, au prix d’un courage admirable et d’une défense de fer, au fil d’un parcours redoutable qui l’a vu affronter en poules la Croatie, vice-championne du monde, et la Belgique, 3e du précédent Mondial, avant de se frotter avec succès à deux grandes puissances du football mondial, l’Espagne puis le Portugal, en phase à élimination directe.

« Ça y est, ils l’ont fait ! ! ! ! Bravo le Maroc pour cet exploit. Vive l’Afrique ! », a immédiatement tweeté Didier Drogba, légende du football africain qui n’a jamais pu approcher cet accomplissement historique avec la Côte d’Ivoire.

Au stade d’Al-Thumama, les joueurs du Maroc ont fini éparpillés dans tous les coins du terrain au coup de sifflet final, épuisés, bouleversés, n’en revenant pas, s’enroulant dans des drapeaux rouges à l’étoile verte pour ceux qui parvenaient à rester debout.

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L’entraîneur marocain Walid Regragui porté par ses joueurs à la fin de la rencontre

Ronaldo en larmes

Ils se sont ensuite agenouillés devant la tribune la plus bruyante, mais elles l’étaient toutes, pour saluer les complices de cet exploit : le public venu les soutenir. « J’avais dit aux gars avant le match qu’il fallait écrire l’histoire pour l’Afrique », a dit après coup le sélectionneur Walid Regragui.

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Cristiano Ronaldo à sa sortie du terrain

Au même moment, les images télé montraient Cristiano Ronaldo effondré dans le couloir du stade, secoué de sanglots. Encore remplaçant au coup d’envoi, le quintuple Ballon d’Or est entré en jeu et a ainsi égalé le record mondial du nombre de sélections, avec 196.

Même pour un affamé de records comme lui, ça n’a pas la moindre importance. Il quitte sa cinquième Coupe du monde sans avoir pu s’approcher du trophée et, alors qu’il a 37 ans, il sait qu’il ne la gagnera probablement jamais.

Les héros du jour, de toute façon, étaient Marocains. Le premier est le buteur, Youssef En-Nesyri. A la 42e minute, il a sauté très, très haut sur un centre de Yahya Attiat-Allah, plus haut que Ruben Dias, et a profité de la mauvaise sortie de Diogo Costa pour marquer.

Ensuite, le Maroc a défendu. Il n’a presque rien fait d’autre, mais il l’a fait avec courage, force et sans jamais paniquer. Malgré l’absence de leur défenseur central Nayef Aguerd, les Lions de l’Atlas ont tout repoussé, du pied comme de la tête.

Pour Harit

Joao Felix par trois fois, Bruno Fernandes, qui a touché la barre (45e), puis en fin de match Rafael Leao, quand la présence de Ronaldo dans la surface était une souffrance supplémentaire pour les Marocains, ont bien essayé. Mais le gardien Yassine Bounou a tout sorti, y compris quand son équipe jouait à 10 après l’expulsion de Walid Cheddira.

De toute façon, pour marquer un but aux Lions dans ce tournoi, il faut être… Marocain. Le seul but encaissé par le Maroc depuis le début de la Coupe du monde a en effet été signé Aguerd sur un contre son camp malchanceux.

Le triomphe de samedi est aussi celui de Walid Regragui, arrivé à la tête de l’équipe à la place de Vahid Halilhodzic moins de trois mois avant le début du Mondial, et qui en a fait une redoutable machine, malgré l’absence sur blessure d’Amine Harit, l’un de ses principaux atouts.

« MAGNIFIQUE PUTAINNNNN MES FRÈRES ! DIMA MAGRIBBBBBB (Vive le Maroc, NDLR) », a d’ailleurs tweeté le Marseillais.

Les Marocains sont marqués physiquement et leur capitaine Romain Saïss a dû sortir du terrain sur une civière. Mais ils sont entrés dans l’histoire et sont portés par elle. Et maintenant, ils attendent la France, tombeuse de l’Angleterre (2-1) ! Pour une première finale pour l’Afrique.

Les Marocains extatiques

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Une admiratrice de l’équipe marocaine fait flotter le drapeau du pays durant la rencontre à Casablanca.

« Qualifiés ! Qualifiés ! » L’incroyable rêve continue et le Maroc s’enflamme après la qualification des Lions de l’Atlas en demi-finale du Mondial au Qatar, un exploit sensationnel jusqu’ici jamais réalisé par une équipe africaine ou arabe.

« Mon cœur va s’arrêter, quelle équipe, quelle endurance, quel exploit ! », a dit à chaud à l’AFP Ilham El Idrissi, une Casablancaise de 34 ans, folle de joie.

« Je crois que je suis en train de rêver éveillé. Pincez-moi ! Quelle immense fierté, les Lions ont été au rendez-vous, je les remercie du fond du cœur », abonde Mouad Khairat, 29 ans, cadre dans un centre d’appel.

« L’équipe marocaine a réussi à faire l’impossible. On veut la coupe maintenant. »

Une nouvelle fois, cela devient une habitude, des célébrations collectives ont salué le coup de sifflet final, du nord au sud du royaume, jusque dans les provinces les plus reculées.

« Il n’y a pas d’impossible dans le football, c’est la magie de ce sport », avait prédit à l’AFP l’ex-international marocain Abderrazak Khairi, principal artisan de la victoire surprise de son pays contre le même adversaire portugais (3-1) au Mondial de 1986 au Mexique.

« L’équipe marocaine a réussi à faire l’impossible. On veut la coupe maintenant », confie Ali Gyme, 24 ans.

« Pour la deuxième fois en quatre jours, le Maroc écrit la plus belle page de son histoire. Et cette fois, c’est aussi la plus grande du continent africain. Ce n’est plus un tournoi… c’est une épopée », a immédiatement commenté Wiloo, un internaute, sur Twitter.

Le rêve continue pour les Lions de l’Atlas, mais également pour tous les Marocains.

« Le foot semble avoir transcendé les frontières du sport pour fouler le périmètre de l’immanent », disserte cette semaine l’éditorialiste de l’hebdomadaire TelQuel.

Il est vrai que l’épopée des Lions de l’Atlas entraîne désormais tout un peuple, fanatique du « beautiful game ».

À Casablanca, le temple du football marocain, les maillots de l’équipe nationale et les drapeaux rouges frappés de l’étoile verte sont partout dans les vitrines, les échoppes, les marchés.